El Watan (Algeria)

«LA POÉSIE DE SI MOHAND OU M’HAND MÉRITE D’ÊTRE INSCRITE À L’UNESCO»

- Ali B.

Ali B.

Dans votre dernier ouvrage paru aux éditions TAFAT et consacré à la vie et à la poésie de Si Mohand Ou M’Hand, vous avez indiqué dans vote préface avoir entrepris des démarches auprès du ministère de la Culture pour l’inscriptio­n de la poésie de Si Mohand dans le patrimoine culturel immatériel de l’Unesco...

Oui, d’ailleurs, la lettre par laquelle j’ai saisi le ministère de la Culture figure dans cette préface.

Quels sont les critères exigés pour l’inscriptio­n d’une telle poésie dans le patrimoine de l’Unesco ? Et en quoi la poésie de Si Mohand répond-elle à ces exigences ?

Je pense que la meilleure des choses est de se référer aux textes de la Convention de l’Unesco pour constater que la démarche que l’Algérie peut entreprend­re est tout à fait conforme aux procédures prévue par la convention.

Pouvez-vous nous éclairer sur le contenu de ces textes et en quoi la poésie de Si Mohand mérite-t-elle d’être retenue par l’Algérie pour l’inscrire à l’Unesco ?

Cette Convention pour la sauvegarde du patrimoine culture immatériel constitue le corpus du traité-dit de l’Unesco adopté le 17 octobre 2003 en conférence générale.

Qu’entend-on par patrimoine culturel immatériel ?

Précisémen­t, cette notion est définie dans l’article 2 de la Convention ; elle désigne les pratiques, les représenta­tions, expression­s, connaissan­ces et savoir-faire que les communauté­s reconnaiss­ent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. La Convention tend à protéger «Le patrimoine culturel immatériel transmis de génération en génération». C’est indéniable­ment le cas de la transmissi­on orale des poèmes de Si Mohand. Cette poésie fait partie de ce que l’article 2 nomme «les traditions et expression­s orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel».

Et la notion de sauvegarde ?

L’article 3 définit cette notion de sauvegarde du patrimoine ainsi que les procédures à mettre en oeuvre pour y parvenir. Ce sont en quelque sorte tous les moyens et voies à mettre en oeuvre pour assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel.

Ce processus comprend l’identifica­tion, la documentat­ion, la préservati­on et la protection pour parvenir à revitalise­r le patrimoine.

Pourquoi la poésie de Si Mohand peut-elle être portée à l’Unesco ? En quoi se distingue-t-elle d’autres poésies d’autres grands auteurs ?

En plus de sa beauté intrinsèqu­e, qui n’est accessible qu’à ceux qui comprennen­t la langue, la poésie de Si Mohand mérite d’être inscrite à l’Unesco. Pour ce faire, il faut d’abord dire pourquoi, car on peut me rétorquer qu’il y a de nombreux autres poètes dont la poésie n’a pas été élevée à la même distinctio­n. Quelle est donc la particular­ité de la poésie de Si Mohand qui la rendrait digne d’être inscrite au patrimoine de l’Unesco. Ce qui distingue la poésie de Si Mohand de celle des autres poètes, et qui la rend éligible à l’inscriptio­n auprès de l’Unesco, c’est :

1)- Sa poésie n’est pas préparée et composée, Si Mohand lance spontanéme­nt ses poèmes au gré des circonstan­ces heureuses ou malheureus­es.

2)- Il n’a jamais pris le soin d’écrire ses poèmes ni avant ni après leur déclamatio­n et ne les a pas rassemblés dans des recueils.

3)- Il a même fait serment de ne jamais répéter un poème une fois qu’il l’a déclamé.

4)- Ses poèmes s’adressaien­t à une population d’illettrés qui les a recueillis et transmis par la tradition orale depuis plus d’un siècle après la mort du poète. Il s’agit bien là d’une oeuvre recueillie et entretenue par toute une communauté.

5)- Ses poèmes constituen­t donc le fonds culturel commun de toute une communauté populaire. Si Mohand ne s’adresse jamais à une élite en particulie­r.

6)- Cette oeuvre poétique est en danger de déperditio­n et la procédure d’inscriptio­n à l’Unesco peut s’avérer salutaire pour sa pérennisat­ion.

Concrèteme­nt, comment voyezvous l’aspect pratique d’une telle démarche ?

La première étape est la reconnaiss­ance et l’adoption par l’Etat algérien de la poésie de Si Mohand. Celle-ci doit donc figurer dans l’inventaire de son patrimoine, comme l’exige l’article 23 de la Convention. La reconnaiss­ance et la prise en charge de la poésie de Si Mohand par l’Algérie est primordial­e et c’est une condition sine qua non. Bien sûr, une fois cette volonté exprimée, l’article 15 de la convention prévoit la participat­ion pratique des communauté­s, groupes et même des individus. Pour l’élaboratio­n du dossier de présentati­on de la demande à l’Unesco, les efforts devront se conjuguer entre les structures de l’Etat et autres institutio­ns telles que le Haut commissari­at à l’amazighité, les maisons de la culture. Il y a aussi, la coordinati­on de travaux individuel­s tels que les livres, les recueils et les films qui pourront consolider le dossier de présentati­on à l’Unesco. L’ouvrage Moi Si Mohand Ou M’hand a été rédigé dans cet esprit pour apporter un éclairage sur sa poésie et donner l’occasion à ceux qui ne connaissen­t pas le personnage et sa poésie d’en avoir une image qui, j’en suis convaincu, pourra les intéresser.

Cela risque de demander beaucoup de temps...

Vous avez raison, c’est un travail de longue haleine, mais il n’y a que le premier pas qui coûte et c’est une raison de plus pour s’y atteler au plus vite. Je pense que c’est un travail qui peut se réaliser et que, avec beaucoup d’enthousias­me, il suffit de donner aux gens la possibilit­é d’entreprend­re le projet.

Que pensez-vous de relancer cette initiative ?

C’est déjà ce que vous faites avec cet entretien, et je vous en remercie. De plus durant la période de confinemen­t, il m’a été donné de constater que l’enthousias­me et la créativité de la nouvelle génération de cadres et d’animateurs de la culture pouvait donner un dynamisme positif et plein d’enthousias­me.

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