«Bouteflika voulait démissionner avant ‘‘le complot du 26 mars’’»
LOUISA HANOUNE RACONTE SON PROCÈS
La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, dont la Cour d’appel militaire de Blida a prononcé samedi 2 janvier l’acquittement, aux côtés de Toufik Mediène, Bachir Tartag et Saïd Bouteflika, s’est montrée, dans un «live» hier sur la page Facebook de son parti, soulagée de ce jugement, précisant que les accusations («atteinte à l’autorité de l’armée» et «complot contre l’autorité de l’Etat») étaient «préfabriquées». Elle estime qu’il s’agit là d’un dossier politique, visant à criminaliser l’acte politique, à faire taire sa voix et à réduire son parti au silence. Elle explique ce qui est maintenant connu comme «la réunion des quatre» et qui a donné lieu à une saga politico-judiciaire par le fait qu’un «complot contre la volonté du peuple» avait été entamé le 26 mars (jour où Ahmed Gaïd Salah a appelé à l’application de l’article 102, elle ne cite pas nommément le défunt chef d’état-major). D’après elle, le président Bouteflika devait présenter sa démission, en annonçant le départ de son gouvernement et la dissolution de l’APN, mais celle-ci aurait été présentée comme le résultat d’une intervention de – dixit Mme Hanoune – «l’une des parties». «C’était, précise-t-elle, une manière de contrecarrer le parcours révolutionnaire, d’empêcher le départ du système et la transition vers une nouvelle ère et une IIe République.» «La raison qui m’a amenée à chercher une issue qui correspondrait à la volonté du peuple qui manifestait par millions pour le départ du système tient dans le fait que j’ai constaté, le 26 mars, un complot contre le parcours révolutionnaire du peuple pour voler la victoire du peuple qui a imposé la démission de Abdelaziz Bouteflika», martèle-t-elle.
Aussi voit-elle dans ce dernier jugement de la Cour d’appel militaire de Blida une réhabilitation de son statut de femme politique. «J’avais certes été libérée, mais la requalification de la peine et la condamnation à trois ans de prison, dont neuf mois ferme (pour «non-dénonciation d’un crime», ndlr), était aussi illogique qu’inacceptable. Je tenais à être acquittée et réhabilitée, car je n’avais commis ni crime, ni délit, ni même une infraction.»
Elle rappelle toutes les vilenies qu’elle a subies depuis son incarcération, que ce soit dans le traitement médiatique du procès ou sur le plan politique. «Pendant que j’étais en prison, le Parti des travailleurs a été confronté à de violentes attaques, démontrant ainsi que c’est le pluralisme politique et l’acte politique qui étaient visés par l’autorité qui s’est installée au pouvoir après la démission de Abdelaziz Bouteflika», glisse-t-elle. Et de poursuivre : «Le procès du 2 janvier est une victoire du droit contre l’injustice et la répression. C’est une victoire de la vérité contre la falsification et la diffamation auxquelles se sont adonnés les médias privés et même publics. Leur but n’était autre que de salir mon parcours et une tentative de justifier l’injustifiable. Ma mise en détention aura été un virage, ouvrant la voie aux détentions politiques et à la contre-révolution.»
La question qu’elle se pose aujourd’hui : «Ces voix de la diffamation vont-elles un jour reconnaître leurs erreurs et s’excuser d’avoir commis un crime, non pas seulement contre moi, mais contre le droit du peuple, qu’elles ont trompé avec des mensonges ?» «Elles ont même osé dire qu’il y avait une affaire de renseignement. Or, ce mot n’a jamais été prononcé dans aucun tribunal. Mais les gens ne sont plus trompés aujourd’hui. Bien sûr, il y a encore les doubab électroniques, ces mouches électroniques, qui continuent à m’insulter, mais je n’en fais pas grand cas. La roue a tourné aujourd’hui et leur jour viendra», promet Louisa Hanoune, avant de lancer une autre pique : «Quant aux gens qui ne font pas la différence entre stratégie et tactique dans un parti politique indépendant, je n’y peux rien et je ne suis pas responsable de leur ignorance politique.» Louisa Hanoune affirme néanmoins que sa libération ne sera complète que lorsque tous les détenus politiques injustement incarcérés ou qui font l’objet d’un règlement de comptes («Je ne parle pas des oligarques», précise-t-elle) soient libérés.
Elle raconte en ces mots le procès tel qu’elle l’a vécu : «Depuis le tout début, le dossier était politique, la plaidoirie était politique et même les questions du juge étaient politiques. J’ai réitéré mes premières déclarations qui n’ont pas changé d’un iota, rappelant le programme du parti, sa nature politique, ses principes et ses positions. J’ai toujours eu la conscience tranquille dans tous les procès. En première instance, j’ai piqué un fou rire. Non pas un fou rire nerveux, mais celui qui surgit lorsque la réalité dépasse la fiction. Je me savais innocente.» Pour la présidente du PT, l’année 2021 sera celle de toutes les luttes, d’autant, dit-elle, que c’est le même système que celui d’avant le 22 février. «Il est actuellement en crise, analyse-t-elle, c’est ce qui explique son recours à la répression et au rétrécissement des libertés.»