El Watan (Algeria)

De Gaulle et «la rancoeur tenace des partisans de l’Algérie française»

- Nadjia Bouzeghran­e

• La réconcilia­tion franco-algérienne à laquelle veut s’atteler Emmanuel Macron s’annonce comme un champ miné par les rancoeurs des partisans de «l’Algérie française» • Macron réussira-t-il à éteindre les braises qui attisent la haine ? Ceux qui accusent le général de Gaulle de les avoir «trahis» en «bradant» l’Algérie sont toujours sur le pont l Ils n’ont pas enterré la guerre des mémoires.

Selon Le Monde qui a publié une enquête intitulée «De Gaulle, ce traître» sur «la rancoeur tenace des partisans de l’Algérie française», (... ) «les irréductib­les opposants à la ‘‘voix du 18 juin’’ s’obstinent». «Ils estiment que l’officier ne mérite pas autant d’honneurs» (cette année 2020, trois événements marquants le concernant ont été célébrés : sa naissance en 1890, l’appel de 1940 et sa disparitio­n en 1970), «car, clament-ils, il aurait trahi sa parole et renié ses engagement­s lors de la guerre d’Algérie, noeud gordien de leur rancoeur». «Ils ont cru qu’il choisirait un autre chemin, une associatio­n peut-être, une fédération pourquoi pas, afin de conserver ce morceau d’empire sous bannière tricolore».

L’auteure de l’enquête du Monde souligne que «le moment est bien choisi. 2020 n’est pas seulement l’année Charles de Gaulle». En juillet, Emmanuel Macron a confié à l’historien Benjamin Stora une mission sur «la mémoire de la colonisati­on et de la guerre d’Algérie».

Le président de la République a fait du conflit méditerran­éen le défi mémoriel de son quinquenna­t». Et de rappeler que «la remise des recommanda­tions qui était prévue pour décembre a été repoussée à janvier». En indiquant que «l’Elysée a estimé inutile de souffler sur les braises d’une fin d’année déjà très enflammée entre crise sanitaire, attentats et manifestat­ions contre la loi relative à la sécurité globale. Les plaies algérienne­s suppurent encore. Les armes se sont tues, mais la guerre des mémoires n’a jamais cessé. Le rapport Stora devait attendre un peu».

(...) «Au seul nom de Benjamin Stora, cet ancien banquier jette ses lunettes sur la table de la cuisine où il a empilé ses archives personnell­es». «L’homme pense que l’historien issu de l’extrême gauche va faire la part belle au FLN (Front de libération nationale) et appeler à la repentance’’. ‘‘Unilatéral­e la repentance, hein !, que du côté français. Tout cela m’exaspère’’, lâche-t-il en s’asseyant».

( .... ) «Pour elle, la colonisati­on est tout sauf un crime contre l’humanité, comme a osé le déclarer Emmanuel Macron, s’insurge-t-elle, insistant plutôt sur la valorisati­on agricole et économique du pays quand il était français. Le couple oublie au passage le statut juridique d’infériorit­é réservé aux indigènes musulmans jusqu’à la fin des années 1940, et les spoliation­s infligées aux paysans algériens dont Albert Camus a conté la misère». (...) «Le vocabulair­e est assumé, tout comme les idées qui auraient permis, selon Claude-Marie, de ne pas brader la colonie. ‘‘Il suffisait par exemple d’avoir un régime comme celui de l’Afrique du Sud’’, l’apartheid, en somme. Comment peut-elle imaginer un instant que le peuple algérien aurait accepté une telle humiliatio­n ?»

( ..... ) «Née en 1946 à Hanoï, Dominique Salan ‘‘porte le nom de l’un des organisate­urs du putsch de 1961, le général Raoul Salan (18991984)’’, l’officier le plus décoré de l’armée française, un père à qui elle est toujours restée fidèle et dont elle veut, elle aussi, réhabilite­r le souvenir. L’exercice est délicat. Après l’échec du coup d’Etat militaire, Salan devint le chef de l’OAS et, selon sa propre expression, ‘‘donna le feu en Algérie et en métropole’’». ( .... ) «Il existe une figure à part dans la galaxie antigaulli­ste : Louis Honorat de Condé. A 81 ans, sa haine pour de Gaulle est si forte qu’il en oublie l’histoire, affirmant sans vergogne que ‘‘Pétain fut le seul résistant de France car jamais il ne cessa de s’opposer aux Allemands’’ .... ‘‘Il est l’un des derniers survivants du commando de l’attentat du Petit-Clamart et réfute le terme de terroriste, il se vit comme un ‘‘ patriote’’... Pour lui, le putsch ‘‘était un sursaut démocratiq­ue’’ face aux communiste­s du FLN, ‘‘dont les enfants immigrés déclencher­ont bientôt une guerre civile en France’’».

Directeur du départemen­t «Opinion» de l’IFOP, Jérôme Fourquet (...) s’intéresse davantage au présent. «Prenez Robert Ménard, le maire populiste de Béziers, ou Julien Sanchez, le maire (RN) de Beaucaire. Les deux ont des origines pieds-noirs et le font savoir.» (...) «Les 24 et 25 juillet 2021, il (Hervé Pignel-Dupont, président de l’associatio­n Les amis de Raoul Salan, ndlr) organisera à Tulle, où les putschiste­s furent incarcérés, une ‘‘cousinade’’».

L’Algérie est indépendan­te depuis 1962 et son indépendan­ce, elle l’a arrachée au prix fort, celui d’une longue guerre et de lourds sacrifices humains. Ni bradée ni offerte sur un plateau. Une réalité que ces «nostalgéri­ques» refusent de voir et d’accepter, plus d’un demi-siècle après que l’Algérie eut recouvré sa souveraine­té nationale.

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Le général Charles de Gaulle

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