Le conseil scientifique en conclave
Les équipes de vaccination des structures de santé de proximité et hospitalières ignorent pour le moment les modalités mises en place par les autorités sanitaires concernant la stratégie nationale de vaccination contre la Covid-19.
En prévision du lancement de la campagne nationale de vaccination contre la Covid-19, le comité technique de vaccination s’est réuni hier au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. La réunion intervient deux jours après celle du Conseil des ministres au cours de laquelle le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a souligné la nécessité de poursuivre les préparatifs nécessaires pour lancer, janvier courant, la campagne de vaccination contre la Covid-19, «suivant une organisation sans faille». Comment est organisée justement cette préparation à la vaccination d’une population dans l’expectative ? Au ministère de la Santé, c’est le black-out, principalement à la direction générale de la prévention chargée justement de ce dossier, qui n’a pas jugé utile de déléguer un représentant de la cellule de communication pour répondre aux nombreuses questions des journalistes et de la presse nationale. Une virée dans certaines structures publiques de santé de proximité et hôpitaux de la capitale pour de plus amples informations nous a permis de constater que les équipes de vaccination ignorent pour le moment les modalités mises en place par les autorités sanitaires concernant la stratégie nationale de vaccination contre la Covid-19. Mis à part l’instruction ministérielle exigeant des centres hospitaliers et les unités la vérification des dispositifs de conservation des vaccins pour le respect de la chaîne de froid, rien d’autres n’a été communiqué pour le moment.
Forts de leur expérience dans la vaccination depuis des années, des services d’épidémiologie et de médecine préventive attendent toujours de connaître la stratégie nationale de vaccination contre la Covid-19. «Pour le moment, nous n’avons encore rien reçu concernant cette vaccination contre la Covid-19. Nous continuons à travailler comme d’habitude sur le programme du calendrier national de vaccination, sans plus. Mise à part l’instruction de la direction de la prévention du ministère de la Santé pour communiquer nos capacités de stockage des doses de vaccin, procéder à la vérification de nos réfrigérateurs et s’assurer des bonnes conditions de conservation, notamment pour la chaîne du froid, avec de basses températures, nous attendons les directives et notre service est prêt», affirme un épidémiologiste d’un grand centre de vaccination de la capitale.
Et de souligner : «Au-delà de cet aspect lié à la logistique, nous ne disposons d’aucune donnée relative à ce vaccin russe et à la campagne de vaccination. Nous ne pouvons rien préparer à ce niveau-là puisque nous n’avons pas encore de stratégie de vaccination, nous ignorons quelles sont les populations cibles, ni le rythme de cette vaccination. Nous sommes juste informés qu’il s’agit du vaccin russe Sputnik V, mais nous n’avons pas encore la fiche technique qui doit accompagner ce vaccin afin d’entamer la formation des équipes chargées de la vaccination.» Et de préciser qu’«il est question d’un nouveau vaccin, bien qu’il soit développé sous une forme classique, mais nous ne connaissons pas ses effets secondaires, comme c’est le cas pour les autres vaccins dirigés contre d’autres pathologies pour lesquels nous avons l’expérience et nous savons comment agir face à d’éventuels problèmes». Pour le spécialiste, si la campagne de vaccination doit débuter ce mois, «il est temps de faire le nécessaire pour la réussir, sinon l’opération risque d’être retardée». Et pour agir, il est donc, poursuit-il, important de connaître le plan stratégique adopté, les caractéristiques du vaccin, identifier les structures de vaccination, les populations cibles et enfin la formation des équipes. «Une fois les populations cibles fixées, il est important de mettre en place le dossier médical de chaque patient, avec tous ses antécédents médicaux, qui devra se faire vacciner. Ce qui nous permettra de faire un suivi des patients avec les indicateurs d’évaluation, notamment les taux d’incidence chez les patients vaccinés et non vaccinés, le taux de létalité et les taux d’hospitalisation. C’est à partir de toutes ces données que l’on peut évaluer l’efficacité de ce vaccin», a-t-il ajouté. A travers ce
dossier médical, indique le spécialiste, «on pourra également calculer le taux de couverture pour atteindre l’immunité espérée».
Pour l’infectiologue Mohamed Yousfi, chef de service d’infectiologie à l’EPH de Boufarik, au vu du choix fait pour le vaccin russe Sputnik V, la structure hospitalière, à l’instar de toutes les autres structures du pays, est prête pour lancer la vaccination. «Nous n’avons pas besoin de nous préparer, nos équipes des services d’épidémiologie et de médecine préventive ont assez d’expérience en la matière, mais il est urgent de définir une stratégie nationale de vaccination avec un calendrier sur le long terme, identifier les populations cibles et les structures dédiées à cette vaccination. Les équipes n’attendent que les instructions du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière», a déclaré le Dr Yousfi tout en appelant à la mise en place en urgence d’une campagne médiatique de communication et de sensibilisation à l’égard de la population, en attendant l’arrivée du vaccin, pour réussir cette vaccination. «Aujourd’hui, La population a besoin d’être informée, sensibilisée et rassurée. Il est donc important d’intervenir en amont et ne pas attendre jusqu’à l’arrivée des premières doses de vaccin, ce qui est certainement voué à l’échec. Pour le moment, la seule chose que nous savons est que l’Algérie a procédé à la commande de 500 000 doses du vaccin russe Sputnik V. Les professionnels de santé ont besoin de plus de visibilité à propos de cette vaccination contre la Covid-19», a- t-il ajouté. En attendant l’adoption d’une stratégie nationale de vaccination par le comité technique de vaccination, l’Agence nationale des produits pharmaceutiques est sur le point de procéder à l’enregistrement du vaccin russe, conformément à la procédure d’enregistrement basée sur l’évaluation documentaire et technique consacrée par un arrêté ministériel signé par Lotfi Benbahmed, le ministre de l’Industrie pharmaceutique, et publié le 31 décembre dans le Journal officiel. Le dossier est en cours de traitement, avons-nous appris.