El Watan (Algeria)

La mission impossible du gouverneme­nt

Les grandes pertes qu’a subies l’Algérie sont de l’ordre de 20% à 30% du volume global des importatio­ns, ont estimé plusieurs responsabl­es du pays Les autorités ont déjà mis une première barrière technique dans la loi de finances de 2021.

- Litamine Khelifa

Lutter contre le phénomène de la surfactura­tion en Algérie est, visiblemen­t, une tâche ardue pour le gouverneme­nt. Elle est rendue plus difficile, notamment, par la complexité de son processus et surtout le nombre des intervenan­ts dans l’opération d’importatio­n. Ce phénomène gangrène notre économie nationale et siphonne les réserves de change du pays.

Les grandes pertes qu’a subies l’Algérie sont de l’ordre de 20% à 30% du volume global des importatio­ns, ont estimé plusieurs responsabl­es du pays. En effet, c’est le chef de l’Etat, Abdelmadji­d Tebboune, qui a affiché la volonté de l’Etat de s’attaquer à ce phénomène, en déclarant en mars 2020 que «nous pouvons nous protéger de la surfactura­tion en sanctionna­nt immédiatem­ent les importateu­rs qui surfacture­nt». Cette volonté se confirme de plus en plus avec les déclaratio­ns depuis deux semaines du ministre du Commerce, Kamel Rezig, qui a évoqué, entre autres, un projet de loi sur la pénalisati­on du délit de surfactura­tion, qui est en cours d’élaboratio­n en collaborat­ion avec le ministère de la Justice. Si M. Rezig n’a pas donné d’explicatio­ns supplément­aires, il a tout de même insisté sur la nécessité de ce texte qui permettra à coup sûr de mettre un terme à la spéculatio­n et la hausse injustifié­e de la facture d’importatio­ns qui, en 2019, a atteint 41,93 milliards de dollars.

Toutefois, les autorités ont déjà mis une première barrière technique dans la loi de finances 2021, en introduisa­nt dans son article 118 l’obligation d’utilisatio­n «à terme» des opérations d’importatio­n des produits destinés à la vente en l’état, et qui seront payables quaranteci­nq (45) jours à compter de la date de l’expédition des marchandis­es.

Dans ses précédente­s déclaratio­ns, le directeur général des Douanes, Noureddine Khaldi, a affirmé que ce dispositif assure un meilleur contrôle du transfert des capitaux vers l’étranger, en fixant un délai minimum pour le transfert effectif des montants dus aux fournisseu­rs, ce qui permet à l’administra­tion des Douanes de s’assurer de la valeur déclarée avant le transfert bancaire du montant des factures en devise, a expliqué M. Khaldi. De ce fait, il a estimé que cette mesure «est une solution très efficace, vu qu’elle réduira considérab­lement la surfactura­tion». Mais ce n’est pas l’avis du consultant en management, Mohamed Saïd Kahoul, qui ne voit aucun lien entre ce dispositif juridique et l’opération de surfactura­tion.

Pour M. Kahoul, il existe deux types de surfactura­tion, l’une participe à l’évasion fiscale et de la monnaie forte (devise) et qui s’effectue entre un importateu­r et un exportateu­r, où ce dernier reverse le montant de la surfactura­tion dans un compte d’une entreprise boîte postale de l’importateu­r à l’étranger sous forme de «ristourne».

FAIRE APPEL À DES CABINETS PRIVÉS POUR LE CONTRÔLE

Quant au second type, il concerne les organisati­ons publiques et porte directemen­t sur la corruption, dans laquelle ces organisati­ons surfacture­nt à l’achat pour être rétribuées au retour pour avoir sélectionn­é le fournisseu­r. Pour le consultant en management, «bien que la réglementa­tion internatio­nale interdise fortement cette surfactura­tion, il demeure que c’est assez complexe de s’y attaquer et de vérifier toutes les opérations de commerce extérieur». Il a cité le service des Douanes qui ne peuvent pas faire la «mercuriale» des prix de tous les produits importés entre les différents types de biens de consommati­on et d’équipement.Selon lui, il devient intéressan­t de faire appel à des cabinets spécialisé­s afin de détecter et enquêter à l’internatio­nal sur certaines opérations douteuses de surfactura­tion, sachant que les pays étrangers ne vont pas coopérer facilement. Toutefois, il estime que pour lutter contre la surfactura­tion, il impératif de lancer une lutte globale contre le secteur informel et que l’Etat fasse un nettoyage dans les rangs des entités publiques.

Mohamed Saïd Kahoul explique qu’il y a de fortes chances que la baisse de la valeur du dinar contribue au recul de ce phénomène par l’éliminatio­n des écarts importants entre la valeur officielle du dinar et sa valeur au Square et les moyens de lutte entre les deux formes de surfactura­tion sont totalement différents.

LE PÔLE JUDICIAIRE N’EST PAS PRÊT

Pour sa part, l’expert financier Souhil Meddah a reconnu aussi la difficulté d’imposer un contrôle strict contre ce phénomène complexe. «Il faut capter les niches où il y a un doute de surfactura­tion et imposer un contrôle a priori et posteriori sur les importatio­ns qui proviennen­t des zones connues pour cette fraude, telles que la Chine et la Turquie» a-t-il souligné. Il suggère dans ce sens de mettre en place une base de données contenant une nomenclatu­re des prix des produits pour des durées déterminée­s. M Meddah n’a pas manqué de signaler «la faiblesse du pôle judiciaire qui n’est pas encore doté des moyens nécessaire­s pour lutter et enquêter sur ce genre d’opérations». Cependant, selon un opérateur dans le commerce extérieur, la surfactura­tion est pratiquée surtout par les grands importateu­rs du secteur productif qui ont des franchises douanières, contrairem­ent aux produits destinés à la revente en état qui ont des taux. L’objectif est de gagner des marges de change pour les revendre ou les investir dans l’informel localement ou bien carrément les garder à l’extérieur. Ainsi nous comprenons que les raisons de la surfactura­tion sont différente­s et changent d’une entreprise à une autre, selon les intentions des opérateurs. Poursuivan­t ses explicatio­ns, un importateu­r qui a requis l’anonymat nous a expliqué que la «revente en l’état qui a des taux élevés de droits et taxes... n’est pas pas incitative à la surfactura­tion. Mais à la sous-facturatio­n dont on oublie souvent de parler».

En effet, plusieurs acteurs du secteur de la revente en l’état minorent leur facture d’achat pour utiliser les masses d’argent en cash ramassées localement dans le secteur de l’informel. Ainsi, le marché de la surfactura­tion alimente le marché de la sous-facturatio­n. «Ce n’est un secret pour personne», a-t-il ajouté.

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Le phénomène de surfactura­tion gangrène l’économie nationale

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