Vaccination : les dirigeants d’abord…
Jamais nouveau vaccin mis sur le marché n'aura suscité autant d'appréhensions, partout dans le monde, que le vaccin anti-Covid-19. La célérité inédite avec laquelle les laboratoires engagés dans la recherche de l'antidote contre ce nouveau virus, qui terrasse la planète depuis presque une année, ont mis au point le vaccin, a jeté le doute dans les esprits. Le sentiment de méfiance, voire de refus de se faire vacciner, un phénomène habituellement marginal, circonscrit à des populations et communautés ciblées connues pour leurs comportements réfractaires aux vaccins, gagne en amplitude. L'Algérie n'est pas en reste dans ce débat sur la sécurité des vaccins anti-Covid-19 fabriqués en un temps record en bousculant tous les process techniques et scientifiques en usage en termes d'essais cliniques, de délais de fabrication, de recul et de veille sanitaire à l'épreuve de son usage grand public. Les effets pervers de l'impitoyable guerre commerciale que se livrent les laboratoires pharmaceutiques, pour faire la promotion de leurs produits et discréditer ceux de leurs concurrents, ont largement contribué à alimenter la vive controverse née autour de cet événement. Pour rassurer, vaincre les réticences des citoyens, des chefs d'Etat et de gouvernement, des ministres, des personnalités publiques en vue, des stars du monde sportif et des arts ont misé sur l'effet média et le pouvoir de l'image en se montrant en train de se faire vacciner sous l'oeil des caméras de télévision, avec l'espoir que cela produise un effet d'entraînement au sein de la population. Il est vrai que pour l'heure, en dépit de la gravité de la situation sanitaire, le rush attendu dans les centres de vaccination ne s'est pas produit.
Mais le geste est hautement apprécié par les citoyens, même si la tendance lourde au sein de l'opinion est au wait and see. Qu'en est-il de l'Algérie ? L'équation vaccinale chez nous se heurte à des écueils d'une tout autre nature, qui rendent le challenge autrement plus problématique encore qu'il ne l'est dans les pays où règne pourtant la transparence dans la gestion de la pandémie. La perte de confiance des citoyens envers les institutions minées par un déficit ou absence de légitimité d'une part, la nationalité du vaccin (le Sputnik V russe) choisi par l'Algérie d'autre part – lequel est présenté par des lobbies et des faiseurs d'opinion intéressés comme un vaccin de seconde catégorie par rapport aux vaccins des laboratoires occidentaux et anglosaxons de renommée internationale – vont sans aucun doute peser lourdement dans le comportement de la population par rapport à l'acte vaccinal. Les Algériens ne savent pas grand-chose sur cet antidote, hormis ce qui s'écrit sur les réseaux sociaux, bien souvent en mal, dans ce contexte de guerre froide des temps modernes sur fond de guerre commerciale que se livrent les grandes puissances. La tâche paraît d'autant plus complexe et compliquée pour les pouvoirs publics que rien n'a été fait au plan pédagogique pour vaincre les réticences, convaincre les citoyens de se faire vacciner par des arguments solides, un discours crédible. En donnant, à l'instar de ce qui s'est fait ailleurs, le la de la campagne de vaccination en se faisant vacciner les premiers pour instaurer un climat de sérénité générale. «Que nos dirigeants se fassent d'abord eux-mêmes vacciner et nous serons prêts alors à le faire sans hésitation à notre tour», répliquent, sur un air taquin, les citoyens. Le succès de la campagne vaccinale nécessite des gestes forts. Des garanties que le dossier est maîtrisé de bout en bout, que rien n'est laissé à l'improvisation et à la providence. Que l'on ne joue pas la santé des Algériens à la roulette russe.