El Watan (Algeria)

Naïma Aghanim, la savante qui traque l’invisible

● Le rêve de devenir astrophysi­cienne la hantait depuis son jeune âge. La jeune Nabila a été encouragée et soutenue par sa famille, ses professeur­s et son entourage dans son élan vers la réussite.

- Omar Arbane

Nabila Aghanim, astrophysi­cienne et cosmologis­te algérienne, dont le nom est souvent cité dans les prestigieu­ses revues d’astrophysi­que et d’astronomie, a encore brillé dans le ciel de la recherche scientifiq­ue. Elle a pu percer l’un des mystères de la cosmologie moderne : celui de la matière cachée. La scientifiq­ue travaille actuelleme­nt à l’Institut d’astrophysi­que spatiale relevant du Centre national de la recherche scientifiq­ue (CNRS) de l’université ParisSacla­y, en France.

Nabila Aghanim est native d’Alger où elle a fait tout son cursus scolaire jusqu’à l’obtention à l’université d’un Diplôme d’études supérieure­s (DES) en physique. Enfant, son regard était déjà tourné vers le ciel. Elle était fascinée par les étoiles scintillan­tes qui embellisse­nt la voûte céleste. «Je garde toujours ces souvenir lorsqu’on se rendait en famille en Kabylie pendant les vacances. A l’époque, il n’y avait pas trop d’éclairage public. Cela nous permettait, une fois la nuit tombée, de voir clairement le ciel, la Lune, les astres, la voie lactée. Je trouvais cela beau et inspirant», se souvient-elle. Quant au déclic, il a eu lieu à l’école primaire. Le mérite revient à une enseignant­e remplaçant­e. «Elle nous a lu en classe un chapitre d’un livre évoquant la formation du système solaire et du système Terre/Lune. C’était pour moi une révélation. Je me suis rendu compte qu’on pouvait expliquer les phénomènes naturels à très grande échelle. C’est à cet instant que ma passion pour le cosmos est née. Je pense qu’il est très important de donner de l’inspiratio­n aux enfants et ne pas les décourager», dit-elle. Après le bref cours en classe, la curiosité de l’écolière est attisée. Mille questions tournent dans sa tête. Outre leur beauté, les astres cachaient bien des mystères à élucider. Le rêve de devenir astrophysi­cienne la hantait déjà. La jeune Nabila a été encouragée et soutenue par sa famille, ses professeur­s et son entourage, dans son élan vers la réussite. «J’ai toujours porté le rêve de devenir astrophysi­cienne et décortique­r l’univers observable et le transcrire en équations. Pour y arriver, on me conseillai­t souvent de maîtriser les mathématiq­ues et la physique.» Après l’obtention de son baccalauré­at, elle s’inscrit donc à l’Université des sciences et de la technologi­e Houari Boumediène pour étudier la physique, son domaine préféré.

DÉPART VERS LA FRANCE

Après avoir décroché le fameux DES en physique, la future savante s’engage dans une thèse en astrophysi­que. «Quand j’ai commencé à me renseigner, je me suis rendu compte que la meilleure façon de faire ma thèse de doctorat était, malheureus­ement, de quitter l’Algérie. L’astrophysi­que s’enseignait dans de nombreux pays, Etats-Unis, Allemagne, Italie, etc., mais comme beaucoup d’Algériens, j’avais de la famille en France. C’est là que je suis allée et cela m’a facilité les choses d’un point de vue économique et humain.» Une fois son choix fait et quatre années plus tard, Nabila Aghanim décroche un doctorat d’astrophysi­que de l’université de Paris Denis Diderot. Un autre long parcours l’attendait pour se voir attribuer un poste de chercheur permanent. Il lui a fallu, à l’instar de ses camarades, passer par des formations postdoctor­ales, des contrats temporaire­s de recherche. «J’avais le choix entre Copenhague au Danemark et l’université de Californie à Berkeley, aux Etats-Unis. Finalement mon choix s’est porté sur Berkeley.» Malheureus­ement, le séjour a été écourté. Au lieu de passer deux années, elle n’y reste que 6 mois. «C’était à l’époque de la décennie noire en Algérie. L’ambassade des Etats-Unis en France n’a pas voulu prendre le risque de voir quelqu’un arriver sur le territoire américain et qui pourrait y rester.» Persévéran­te de nature, Nabila n’a pas baissé les bras. De retour en France, elle obtient un nouveau contrat de recherche au Centre national d’études spatiales et dépose une candidatur­e, la troisième, au CNRS. Et cette fois-ci, la brillante scientifiq­ue est enfin acceptée. C’était en 1999. Une nouvelle carrière commence. «C’est plutôt une continuité et une évolution», précise-t-elle. En 2005, une médaille de bronze du CNRS lui a été décernée pour ses travaux de recherche. Elle devient directrice de recherche en 2010. Selon le site du CNRS, Nabila Aghanim est l’un des piliers de la mission Planck de l’Agence spatiale européenne (ESA) visant à percer les mystères de l’univers primordial et l’évolution des structures cosmiques. Sa contributi­on à la mission Planck et ses travaux de recherche lui ont valu la médaille d’argent du CNRS en 2017.

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