El Watan (Algeria)

Un homme d’action et de conviction

- Hamid Tahri

Il y a quatre ans, le 7 janvier 2016, nous quittait le regretté moudjahid Brahim Chergui à l’âge de 94 ans, après une vie pleine et le sentiment du devoir accompli. En l’espèce, le défunt a laissé son empreinte dans le Mouvement national, dont il a été un acteur important au sein du PPA, qu’il a rejoint à la fleur de l’âge, au début des années 1940, et au FLN qu’il a servi loyalement, notamment en qualité de responsabl­e politique de la Zone autonome d’Alger. Né en 1922 à Aïn El Khadra, dans la wilaya de M’sila, Si Brahim a été sensibilis­é très jeune à la cause nationale. C’est donc tout naturellem­ent qu’il se range aux côtés des épris et défendeurs de liberté et d’indépendan­ce. Il ne tardera pas à se distinguer au sein de l’Organisati­on spéciale, dont il sera responsabl­e dans le Nord constantin­ois et l’Oranie. Discret mais efficace, Si Brahim s’est imposé par son sens de l’organisati­on, sa perspicaci­té et sa rectitude.

Il a été l’ami et l’un des plus proches du héros Si Larbi Ben M’hidi. Les deux hommes se sont connus à Biskra, où Chergui avait des responsabi­lités politiques au sein du

MTLD. A Alger, l’activité de Si Brahim, connu sous le pseudonyme de H’mida, va se décupler, compte tenu de l’ampleur de la lutte et des multiples opérations menées. H’mida, également agent de liaison du Comité de coordinati­on et d’exécution du FLN, se distinguer­a par le volume des activités de représaill­es, face à la folie meurtrière de l’ennemi qui redoublait de férocité. Si H’mida raconte les circonstan­ces de son arrestatio­n en 1957 et les conditions de démantèlem­ent des cellules à Alger. «Les paras m’ont emmené dans une villa du quartier la Scala. Dès mon arrivée, les tortures ont commencé. J’ai l’intime conviction que j’ai été dénoncé, sinon jamais je n’aurais été arrêté», rappelle-t-il souvent. Incarcéré à la prison de Serkadji, il n’en sortira qu’à la veille de l’indépendan­ce. Depuis, ses contempteu­rs l’ont accusé de trahison et d’avoir «donné» Ben M’hidi aux paras de Bigeard. «Tout ça est archi faux. Ben M’hidi a été arrêté avant moi le 23 février 1957 et moi le 24. Il est clair que je ne pouvais ni le dénoncer ni donner son adresse, que du reste je ne connaissai­s pas.»

Dans l’un de ses témoignage­s, l’ancien président du GPRA, le regretté Benkhedda, affirme que Chergui ne savait pas où se cachait Ben M’hidi. L’ancien chef du gouverneme­nt provisoire était lui-même traqué par les paras. Dans le livre La guerre d’Algérie 1957, il est écrit à la page 285 : «C’est au plus mauvais moment que Ben M’hidi s’installe ainsi au centre de la capitale. L’étatmajor parchutist­e est en effet sur la piste de Benkhedda. Il sait que ce dernier peut se faire aider par des pieds-noirs libéraux, notamment catholique­s, habitant en ville européenne, c’est pourquoi, il fait renforcer la surveillan­ce de certains quartiers résidentie­ls.» L’histoire de l’arrestatio­n de Ben M’hidi et la calomnie qui s’en est suivie, touchant à son honneur, ont longtemps affecté Si Brahim. Pourtant, en homme sage, pudique et réservé, il s’est abstenu de répondre à ses calomniate­urs. L’histoire a fini par les démasquer au fil du temps et lui-même en a parlé dans son autobiogra­phie, à laquelle j’ai eu l’insigne honneur de collaborer. Repose en paix Si Brahim, la patrie t’est reconnaiss­ante.

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