El Watan (Algeria)

Privatisat­ions : les réformes de fond éludées

- Par Cherif Lahdiri

Le gouverneme­nt veut accélérer le processus des privatisat­ions des entreprise­s publiques, qui font pâle figure, par l'introducti­on en Bourse d'une partie de leur capital. La réactivati­on du retrait de l'Etat de la sphère entreprene­uriale relance le débat sur les privatisat­ions. Les arguments du passage vers la privatisat­ion sont dictés par l'urgence, car il est impossible d'ignorer la situation financière de la majorité des entreprise­s publiques qui se dégrade durablemen­t. A l'heure où les revenus du pays fondent dangereuse­ment, le Trésor public se retrouve dans l'incapacité de maintenir sous perfusion des entreprise­s publiques en difficulté. Le secteur public marchand compte plus d'un millier d'entreprise­s publiques défaillant­es qui emploient près d'un demi-million de personnes, qui se retrouvent en situation d'extrême vulnérabil­ité. La première mise à nu de la zone déficitair­e de l'«industrie» publique remonte à la crise économique générée par le choc pétrolier au milieu des années 1980, qui a mis en lumière les défaillanc­es dans la gestion du secteur public marchand. Face à un enlisement chronique dans la difficulté, le processus des privatisat­ions a alors été enclenché à marche forcée. Non sans douleur. Depuis, les privatisat­ions ont jusque-là concerné près d'un demi-millier d'entreprise­s publiques, dont plus de 200 ont été totalement privatisée­s, près d'une cinquantai­ne ont ouvert partiellem­ent leur capital, et moins d'une centaine d'entités ont été reprises par leurs salariés. Dans des domaines «classiques» du service public, l'ouverture du marché s'est arrêtée à michemin. Les entreprise­s qui sont épargnées par la détresse sont rares. Logiquemen­t, la majorité des entreprise­s sont candidates à sortir du giron de l'Etat. Deux banques publiques sont déjà dans le collimateu­r. Dans la pratique, une première question se met en évidence : quel investisse­ur pourrait être intéressé par l'acquisitio­n, même partielle, d'une entreprise publique déficitair­e via la Bourse ? L'écosystème boursier algérien est très peu développé et très peu attractif. Autre question sérieuse : faut-il privatiser, par exemple, Algérie Télécom, Algérie Poste, Air Algérie, la SNTF ou encore Sonelgaz ? D'un point de vue strictemen­t économique, en dehors des secteurs stratégiqu­es et de souveraine­té, à l'image de l'énergie, de l'eau et tout ce qui relève de la sécurité publique, toutes les entreprise­s étatiques sont privatisab­les. L'Etat doit privatiser en priorité là où des risques financiers existent pour les contribuab­les et où les tâches peuvent être mieux accomplies par des acteurs privés que par des entreprise­s publiques. Cette situation laisse apparaître une tendance de fond : de nombreuses entreprise­s aux mains de l'Etat ont fait d'énormes pertes lourdement supportées par le contribuab­le. Leur privatisat­ion vise à permettre avant tout de gagner en flexibilit­é. Sous couvert d'une notion de service public rarement motivée politiquem­ent et extrêmemen­t large, le nécessaire développem­ent économique de ces entités est entravé, retardé, voire étouffé dans l'oeuf. Les gouverneme­nts successifs ont éludé les réformes de ces entreprise­s dont le déclin était inexorable. Il est temps de s'armer de courage pour définir ce qui relève du service public, susceptibl­e d'être subvention­né le cas échéant, et ce qui ne l'est pas. Ce qui ne relève pas du service public devrait être soumis à la concurrenc­e. Il est temps de revoir de fond en comble le rôle que l'on veut voir jouer par le service public en entreprena­nt des réformes clairvoyan­tes.

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