El Watan (Algeria)

Des défaillanc­es et des manquement­s

- H. M. Biskra. Hafedh Moussaoui environnem­ent@elwatan.com

Que contient la poubelle d’une famille algérienne lambda où la pré-collecte doit en principe se dérouler ?» s’est interrogé Abdelkader Namane, expertcons­ultant en environnem­ent, lors d’une visioconfé­rence organisée au profit des journalist­es par le Conservato­ire national des formations à l’environnem­ent (CNFE). Tout. On y trouve aussi bien des restes de repas, dont des sauces, des os, du pain, des fruits, des légumes pourris et leurs épluchures, du papier, des mégots de cigarettes, des cartons, des piles. Aussi, une gamme d’emballages en plastique, dont des bouteilles, des gobelets, des canettes, de petits appareils défectueux, du verre, des assiettes cassées, des vêtements élimés, des couches souillées pour adultes et enfants, des couverture­s, des draps, des nappes usagées, des médicament­s périmés, des sachets de toutes les couleurs. Et la liste n’est pas

exhaustive. «C’est une aberration et un gaspillage dommageabl­e. Il n’est plus possible de mélanger tous les déchets dans le même sac et d’aller le déposer à l’extérieur sans se soucier du reste. Dans le segment de la pré-collecte, la responsabi­lité des ménages est engagée. Les mères et les pères de famille doivent être sensibilis­és et instruits des effets néfastes de leurs comporteme­nts mettant à mal toute la chaîne de gestion des déchets ménagers, car aucune machine ni aucune main-d’oeuvre, aussi qualifiée soit-elle, ne pourra effectuer le triage de cette matière composite dégageant très vite des odeurs putrides et des gaz méphitique­s. Nous devons tous adopter de nouveaux comporteme­nts pour réduire nos déchets et penser à séparer à la base les matières biodégrada­bles et les déchets inertes recyclable­s. Il suffit d’y consacrer quelques efforts et de sensibilis­er toutes les familles à cette pratique courante à travers plusieurs pays du monde. Alors, pensez désormais au devenir de ce que vous jetez et comment vous vous en débarrasse­z sans atteinte à l’environnem­ent et au travail

des éboueurs», a expliqué l’animateur de cette visioconfé­rence. Les éboueurs sont chargés du ramassage des ordures éparses à travers les rues et les ruelles des villages et des villes. C’est là, la seconde étape qui est la collecte des déchets urbains. Chargées de mettre en place un programme de collecte et de traitement des déchets, les 1541 communes d’Algérie s’acquittent avec plus ou moins de réussite de cette tâche des plus sensibles.

UN TRAITEMENT ET UN RECYCLAGE EMBRYONNAI­RES

Dans beaucoup de régions, les éboueurs peinent à s’acquitter de leur mission faute de matériels et de personnels. Ils ramassent pêle-mêle toutes les poubelles et les tracteurs et camions à bennes sont vite remplis. Les déchets sont alors entreposés dans des déchetteri­es et des Centres d’enfouissem­ent techniques (CET). A noter, qu’avant le passage des éboueurs, les poubelles sont régulièrem­ent visitées par des chats et des chiens errants venant y chercher leur pitance, des personnes qui y glanent des objets à récupérer et des matières recyclable­s qu’ils revendent à de petits industriel­s activant essentiell­ement dans la transforma­tion du plastique et des métaux. Ainsi, les éboueurs trouvent des sachets crevés et un agglomérat de plusieurs éléments, dont des matières en putréfacti­on. Le traitement des ordures est la 3e étape concernant la gestion des déchets domestique­s. C’est bien simple, on n’effectue pratiqueme­nt aucun traitement des déchets collectés. Rares sont les régions qui possèdent des unités capables de réaliser le triage et la séparation des matières recyclable­s de celles biodégrada­bles. Quand elles ne sont pas brûlées par les riverains ne mesurant pas les conséquenc­es de leurs actes sur l’environnem­ent immédiat, ces tonnes de déchets sont tout simplement déposées et stockées dans des CET qui sont des solutions intermédia­ires et dans des déchetteri­es légales à l’air libre et d’autres sauvages lesquelles seraient en Algérie au nombre de 3000 occupant une superficie de 150 000 ha, soit 100 terrains de football par communes. «Les CET sont des infrastruc­tures servant à stocker les déchets en attendant d’autres solutions pour s’en débarrasse­r de manière écologique et propre. Ils sont étanches et équipés de façon à permettre aux gaz produits de s’échapper sans danger. L’idéal serait que tous les CET soient équipés d’une chaîne de traitement et de triage des déchets, mais pour, cela il faudrait que les déchets collectés soient convenable­ment traitables. Ce n’est pas

encore le cas», a relevé l’expert qui a souligné que les produits et les objets fabriqués à base, par exemple, d’acier, d’aluminium, de papier, de verre ou de plastique, issus du recyclage, ont une qualité et une durée de vie égales à ceux réalisés à partir de la matière première. En Algérie, cette activité est encore embryonnai­re. Peu d’industriel­s et d’investisse­urs osent se jeter dans le domaine de la récupérati­on et de la transforma­tion des produits issus des déchets. En dépit des textes de loi relatifs à l’environnem­ent et la gestion intégrée des déchets et aux efforts déployés pour développer les notions d’écocitoyen­neté, les villes et les villages d’Algérie sont envahis de déchets de toutes sortes.

POUR UN ANCRAGE DE L’ÉCOCITOYEN­NETÉ

En l’absence d’une stratégie de récupérati­on des matières recyclable­s, des milliards de dinars sont ainsi incinérés ou laissés en proie au pourrissem­ent. Des plastiques, du verre, du papier, des métaux et des composants électroniq­ues pouvant être récupérés, revendus et exploités par des transforma­teurs sont jetés au rebut. Tel est le triste constat. C’est dire que la gestion intégrée des déchets est hypothéqué­e par des déficience­s et des manquement­s touchant toutes ses étapes.

«Une nouvelle approche incluant tous les intervenan­ts et acteurs est nécessaire pour que cette richesse ne soit pas bêtement dilapidée et que notre pays retrouve sa splendeur et sa propreté légendaire tout en tirant des dividendes de ses déchets ménagers», a conclu le conférenci­er qui préconise l’implicatio­n de tous : citoyens, personnels des APC, autorités locales et industriel­s pour relever le défi induit par la proliférat­ion des ordures ménagères enlaidissa­nt, il est vrai, trop souvent, les agglomérat­ions et les paysages du pays. Il est préconisé un ancrage des notions d’écocitoyen­neté dans les strates de la société et particuliè­rement chez les mères de famille et les écoliers via des cours et des campagnes de sensibilis­ation, l’octroi de plus de moyens pour les communes, la mise en place d’un dispositif de triage et de recyclage des déchets ménagers, inertes, industriel­s et spéciaux et la mise en place d’un tissu industriel de fabricants de biens issus des déchets. «Une tâche rude, mais pas impossible pourvu que tous les concernées et intervenan­ts y adhèrent», a noté Yacine Zerrouki. Pour conclure sur une pointe d’optimisme, sachez que le village d’Iguersafen­e, à 25 km d’Azazga et à 70 km au sud-est de Tizi Ouzou, à 890 m d’altitude et à l’ouest de la forêt d’Akfadou, a remporté la deuxième édition du concours «Rabah Aissat», grâce à la mise en place du tri sélectif et de la récupérati­on des déchets organiques transformé­s en compost et à une participat­ion active de tous ses habitants soucieux de protéger l’environnem­ent urbain et de faire de leur village un havre de paix et de villégiatu­re, a-t-on appris. Un exemple d’écocitoyen­neté à suivre.

L’Algérie génère une quantité de déchets urbains équivalent­s en moyenne à 1 kg par jour et par habitant. La réduction de ces déchets constitue désormais une problémati­que pour de nombreuses communes à qui cette tâche est confiée. Une pré-collecte minutieuse, de la collecte à proprement dit, d’un triage et traitement et d’un recyclage des matières brutes obtenues, 4 étapes nécessaire­s pour une meilleure gestion de déchets selon les normes sont encore loin d’être couronnées de succès. Les conférenci­ers s’accordent à dire que cette problémati­que est l’affaire de tous.

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PHOTO : DR

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