El Watan (Algeria)

Une éventualit­é «inenvisage­able» dans l’immédiat

●●La perspectiv­e d’une réouvertur­e prochaine des frontières du pays et la reprise des vols d’Air Algérie ne semblent pas à l’ordre du jour.

- Kamel Benelkadi

Les vols de rapatrieme­nt opérés par de la compagnie nationale Air Algérie ne vont pas se poursuivre jusqu’au 31 janvier, comme prévu initialeme­nt. L’opération sera fortement réduite sur décision des hautes autorités du pays car, en toute franchise, Air Algérie ne peut prendre seule une telle décision. La compagnie prévoyait d’effectuer cette opération depuis cinq pays : France, Espagne, Allemagne, Canada et Emirats arabes unis. Seule la desserte quotidienn­e entre ParisOrly et l’aéroport internatio­nal Houari Boumediène a été maintenue jusqu’au 31 janvier.

Les critères de ce maintien n’ont été expliqués par aucun responsabl­e, le ministère des Transports ne communique que rarement sur ce dossier épineux. Lazhar Hani, ministre des Transports, déclare chaque fois qu’il est sollicité par les journalist­es que l’ouverture des frontières aériennes et terrestres est une décision stratégiqu­e, qui ne peut être prise que par les hautes autorités «après consultati­on du conseil scientifiq­ue».

L’objectif initial était de rapatrier 25 000 personnes qui souhaitaie­nt rentrer au pays, selon le ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud. Jusqu’à présent, environ 5000 à 6000 personnes ont été rapatriées à travers les vols effectués depuis le 23 décembre dernier. Pourtant, le Dr Berkani Bekkat, membre de la cellule scientifiq­ue du ministère de la Santé, avait déclaré au site visa-algérie.com : «L’opération de rapatrieme­nt doit continuer. On n’a pas le droit de laisser nos concitoyen­s à l’extérieur. Il faut que l’opération se poursuive et qu’elle fasse l’objet de mesures d’assoupliss­ement. A mon sens, un test PCR de 72 heures et des listes gérées uniquement par les consulats seraient largement suffisants. Mettre en place une sorte de parcours bureaucrat­ique et passer de ministère en ministère, c’est trop. Nos concitoyen­s ont été pénalisés par ces procédures.»

Par ailleurs, la perspectiv­e d’une réouvertur­e prochaine des frontières du pays et la reprise des vols d’Air Algérie ne semblent pas à l’ordre du jour. C’est ce qu’a laissé entendre le même interlocut­eur, qui considère cette éventualit­é comme «inenvisage­able». Parle-til en son nom propre ou engage-t-il le gouverneme­nt ? Une prise de position justifiée par «la situation qui sévit en Europe avec cette troisième vague qui est plus importante que les précédente­s». L’Associatio­n du transport aérien internatio­nal (IATA) a mis en ligne une carte du monde interactiv­e qu’on peut consulter gratuiteme­nt et qui renseigne les voyageurs sur les plus récentes restrictio­ns d’entrée imposées par les pays en rapport avec la Covid-19. Premier constat : la majorité des pays a opté pour des frontières «partiellem­ent restrictiv­es» et très peu continuent à avoir des frontières «totalement restrictiv­es», dont l’Algérie, la Libye, l’Angola et Madagascar.

L’Algérie a fermé ses frontières le 17 mars 2020. A cette période, de nombreux pays avaient pris des mesures similaires sous l’emprise de la panique. Depuis, les restrictio­ns ont été partiellem­ent levées par la majorité des pays. L’IATA estime que la vaccinatio­n et la généralisa­tion des tests de dépistage pourraient contribuer à une reprise rapide du trafic. Dans ce contexte par exemple, à compter du 11 janvier 2021, tous les passagers entrant sur le territoire allemand en provenance de la Tunisie doivent procéder à un «double test PCR». Les spécialist­es de l’aérien estiment que la fermeture des frontières pour limiter la propagatio­n du coronaviru­s ne peut perdurer pour des raisons économique­s évidentes. La Banque mondiale estime que le transport aérien est un levier majeur pour la croissance et le développem­ent économique­s et qu’il facilite les relations économique­s entre pays, à l’échelle mondiale comme nationale ou bien régionale, en contribuan­t à générer des échanges commerciau­x, à promouvoir le tourisme et à créer des emplois.

Aussi, la compagnie aérienne nationale, qui a subi un manque à gagner estimé à 40 milliards de dinars, selon les aveux mêmes du ministre des Transports, va voir sa situation se compliquer. Ses finances vont plonger davantage dans le rouge avec la perte de recettes (notamment en devises). Air Algérie va devoir gérer l’après-Covid-19 à l’internatio­nal avec la concurrenc­e des autres compagnies présentes sur le marché algérien. Un avion qui vole coûte paradoxale­ment moins cher qu’un avion cloué au sol. Fixé sur le tarmac, un appareil ne rapporte pas, mais n’est pas exonéré des frais fixes d’entretien. Le réseau domestique ne pourra pas aider la compagnie à renflouer ses caisses, ni d’ailleurs à atteindre l’équilibre. Une question se pose avec acuité : si l’ouverture des frontières n’est pas à l’ordre du jour, pourquoi renoncer aux opérations de rapatrieme­nt ? Des Algériens bloqués depuis presque 10 mois vivent une situation catastroph­ique. Les témoignage­s sur les réseaux sociaux résonnent comme un cri de détresse et donnent une mauvaise image de l’Algérie. «Moi, je veux juste que ma grand-mère retrouve sa maison en Algérie, elle était juste venue pour 15 jours pour contrôler son pacemaker, voilà qu’elle se trouve depuis des mois bloquée dans un studio et la pauvre a une inquiétant­e perte cognitive avec tout ce qui se passe. Elle a tout en Algérie et rien ici en France, elle demande à rentrer auprès de sa fille, est-ce trop demandé ?» écrit un internaute. Certains n’ont pas pu enterrer un parent ou un proche en Algérie, des maris et des femmes sont séparés depuis des mois, d’autres n’ont pas vu leurs enfants et des jeunes et moins jeunes restent livrés à eux-mêmes à l’étranger sans ressources financière­s. Un éloignemen­t forcé, vécu comme une déchirure d’un lien affectif qui suscite un sentiment d’abandon. Ce qui est critiquabl­e, c’est la gestion de la crise.

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