El Watan (Algeria)

«Les Américains ont réalisé qu’un coup d’Etat était possible»

▮ Le 6 janvier, des militants pro-Trump sont parvenus à pénétrer dans le Capitole à Washington, suscitant l’émoi aux Etats-Unis et dans le monde. Selon l’historien Marc Simard, cet événement révèle davantage encore la «fragilité de la démocratie américain

- R. I.

Stupéfacti­on aux Etats-Unis et partout dans le monde, devant les images des militants proTrump qui ont fait irruption dans l’enceinte du Capitole, posant quelquefoi­s torse nu, drapeau au poing. Affirmant agir au nom de Donald Trump, les manifestan­ts sont ainsi parvenus à interrompr­e la session devant mener à la certificat­ion de la victoire de Joe Biden, le Président désigné. Pendant ce temps, quelques milliers de partisans du Président en fonction étaient rassemblés à l’extérieur, mais Donald Trump leur a demandé de quitter les lieux.

Les forces de sécurité sont intervenue­s pour mettre un terme à la situation et plusieurs coups de feu ont été tirés dans l’enceinte du siège du Congrès. Une manifestan­te a été tuée à bout portant essayant de pénétrer dans le Capitole. Une vidéo choc de la scène circule depuis. Trois autres personnes sont mortes aux alentours du bâtiment. 52 personnes avaient été interpellé­es à Washington au soir du 6 janvier dans le cadre de ces événements. «Notre démocratie est soumise à une attaque sans précédent. Ce n’est pas une manifestat­ion, c’est une insurrecti­on», s’est indigné Joe Biden.

Historien et chroniqueu­r québécois suivant de près la politique américaine, Marc Simard estime au micro de Sputnik que l’événement est la preuve que Donald Trump peut «instrument­aliser les groupes d’extrême droite ou complotist­es.» «On peut dire que l’arrière-plan de tout ça est effectivem­ent fait de vieille méfiance envers l’Etat et d’une sorte d’idéologie libertarie­nne. C’est la base sur laquelle s’enracinent les autres éléments. Il y a cette idée qu’il existe un complot quelque part visant à priver les Américains de leur liberté. Les membres de ces groupes pensent avoir reçu une révélation», critique-t-il. Avant la dernière élection présidenti­elle, de nombreux observateu­rs craignaien­t déjà que n’éclatent des conflits violents, voire une guerre civile le jour même du scrutin ou dans les jours suivants.

La plupart faisaient valoir la grande polarisati­on entre les camps républicai­n et démocrate, ainsi que la présence de graves tensions raciales dans la foulée de la mort de George Floyd. Marc Simard était de ces analystes inquiets.

TENSIONS RACIALES, MILICES ARMÉES : DES TENSIONS TOUJOURS PRÉSENTES

Ces tensions n’ont guère été atténuées depuis la dernière élection présidenti­elle. Au contraire, elles seraient toujours aussi révélatric­es de «la fragilité de la démocratie américaine». «Dans ces groupes nationalis­tes, il y en a qui sont convaincus d’être les héritiers des patriotes de la Révolution américaine. Ils considèren­t que l’élection a été volée et qu’il s’agit de renverser le gouverneme­nt comme à l’époque de la colonie britanniqu­e. […] Le vice-président Mike Pence a rompu le lien de servitude qui le rattachait à Trump, ce qui a fortement déplu à ces groupes», observe l’historien. Durant le premier débat télévisé l’ayant opposé à Joe Biden, Donald Trump avait refusé de condamner directemen­t les groupes «suprémacis­tes blancs» ou paramilita­ires tels que les «Proud Boys». Le président en fonction a plutôt demandé à ces derniers de «reculer et de se tenir prêts». Mais prêts à quoi ?

Pour Marc Simard, il est clair que l’intrusion des militants au Capitole aura pour effet de resserrer la surveillan­ce autour des groupes concernés : «Ces gens-là se sont un peu tiré une balle dans le pied, car ils ont montré que la démocratie pouvait être renversée. Même dans la base de Trump, certains pourraient avoir changé d’avis. Les autorités risquent de mener des enquêtes et de faire des descentes pour débusquer tous ces groupes et trouver où ils cachent leurs armes. […] Les Américains ont réalisé qu’un coup d’Etat était possible. Je pense que ça va avoir l’effet d’un électrocho­c», observe Marc Simard. Une étude publiée peu avant la dernière présidenti­elle par le Washington Examiner concluait que plus de 60% des Américains estimaient que leur pays était sur le point de basculer dans la guerre civile. 50% d’entre eux déclaraien­t aussi avoir fait des provisions de biens essentiels pour parer à cette éventualit­é. La surveillan­ce accrue des groupes paramilita­ires pourrait-elle calmer la situation ? Marc Simard estime que ce n’est pas impossible, mais y va d’une sombre prédiction : «La neutralisa­tion de ces groupes pourrait donner envie à un groupuscul­e parmi eux de commettre un attentat. Ils y verraient une atteinte encore plus grande à la Constituti­on et à la liberté dont ils se réclament. Un attentat à Washington d’ici un an ? Malheureus­ement, ce serait dans la logique des choses», conclut-il.

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Un groupe de militants pro-Trump a pris d’assaut le Capitole, temple de la démocratie américaine

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