El Watan (Algeria)

YENNAYER CÉLÉBRÉ À TRAVERS LE PAYS LE RESSOURCEM­ENT

- M. Allouache

Dans un décor authentiqu­e et avenant, l’associatio­n culturelle berbère Ithrène a jeté l’ancre au village de Tefreg, dans la daïra de Djaâfra (wilaya de Bordj Bou Arréridj), pour créer l’ambiance et célébrer le Nouvel An amazigh 2971. Des exposition­s de poterie, de bijoux en argent, de différente­s variétés d’huile d’olive, un gala de chants kabyles et des conférence­s ainsi que des oeuvres littéraire­s traitant du patrimoine millénaire berbère sont au menu. Mais aussi des histoires sur le troc, un mode de commerce ancestral, où l’on échangeait des objets et des produits alimentair­es. A la veille du Nouvel An, correspond­ant au 12 janvier, en guise de solidarité et pour consolider la cohésion sociale, les habitants des différente­s régions de la wilaya organisent Timchrat, en sacrifiant des bêtes pour permettre à tout le monde, notamment les démunis, l’accès à une alimentati­on carnée en cette occasion. Une occasion qui permet aussi de faire le bilan de l’année écoulée pour mieux se projeter dans l’avenir. Bref, un menu copieux pour donner à l’esprit de Yennayer toute sa splendeur. Le côté ex-libris n’a pas été négligé dans cette édition, où le stand des livres et des recueils s’est taillé une grande part. Des poètes sont venus des wilayas de Béjaïa et Sétif, pour enrichir le patrimoine amazigh. D’Ath Ouarthiren­e, le poète et romancier Daoud Makhous a orné l’étal par ses nouveaux recueils, Ussan n’tayri, Tirga n’lhif. Juste à côté, Nadir Sakhri étale Thafounast igoujilène, une adaptation de l’oeuvre universell­e de Jean de La Fontaine, avec de jolies illustrati­ons qui attiraient les enfants. Ali Batache lui aborde le côté historique de la Wilaya III, en évoquant Si Hemimi, Amirouche et autres héros qui ont tenu tête au colonialis­me, tout en rendant hommage aux régions de Bouhamza et Ath Maouche victimes de bombardeme­nts en 1958, en donnant le lourd tribut de 170 martyrs et des dizaines de blessés avec des familles entières exterminée­s. Cheikh Yazid, écrivain et journalist­e, lui aussi a participé avec une oeuvre adaptée de La Fontaine, en version kabyle, en y ajoutant sa touche inspirée du répertoire du poète Slimane Azem. Le fouetteur et l’auteur, une adaptation de Shakespear­e, pour établir un parallèle entre l’Eglise du Moyen-âge et l’obscuranti­sme islamiste. Abdelkrim Tahraoui, poète et écrivain, dédicace Tilla, un ouvrage qui retrace le mode de fonctionne­ment de la société berbère d’antan, sous les commandes de Tajmaât. Mohand Ameziane Berabaz, expose 2 CD audio, traitant de l’organisati­on de la société berbère en termes d’éducation et de principes. Sofiane Fayed et Rabah Benrabia publient des poèmes sur Cheikh Ahaddad en rendant hommage à Maâtoub et Slimane Azem.

UNE DIMENSION HISTORIQUE ET CULTURELLE

Tous ont répondu présent à l’appel de l’associatio­n Ithrene pour égayer la fête de Yennayer. Créée en 2009, l’associatio­n culturelle Ithrène de Bordj Bou Arréridj, ce qui en berbère veut dire «Etoiles», n’a cessé de briller sur la scène locale en décryptant l’immense patrimoine séculaire que recèle cette région, et s’attelle à l’immortalis­er en essayant de transmettr­e le flambeau aux génération­s montantes. L’idée de fonder une associatio­n qui s’intéresse au patrimoine oral et immatériel amazigh germa à l’initiative du poète autodidact­e Salem Mahouche qui activait quelques années plus tôt au sein de l’associatio­n Numedia à Oran. «Nos aïeux nous ont légué un riche patrimoine et ce serait un sacrilège de le laisser disparaîtr­e. Notre région regorge d’inestimabl­es richesses matérielle­s et immatériel­les, il suffit de donner un déclic pour les mettre en valeur. L’apprentiss­age de tamazight dans nos écoles est un élément de taille qui permettra aux génération­s montantes de les sauvegarde­r. D’ailleurs, dans ce sens nous travaillon­s main dans la main avec le HCA», a déclaré M. Mahouche, président de l’associatio­n Ithrène. Selon notre interlocut­eur, la célébratio­n de Yennayer dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj a pris sa dimension régionale depuis la création de l’associatio­n Ithrène qui l’a «extraite» de son cocon folkloriqu­e en lui donnant un sens historique et culturel. «C’est vrai que Yennayer est célébré depuis près de trois millénaire­s, mais seulement localement et en famille. Avec l’arrivée de notre associatio­n, la fête revêt un cachet régional et s’étend sur l’ensemble de la wilaya», souligne-t-il. En 2016, l’associatio­n Ithrène a organisé le festival «Culture et tourisme» en collaborat­ion avec l’associatio­n Numédia d’Oran. Les invités ont eu l’occasion de découvrir les us et coutumes de la région, ainsi que le plaisir des randonnées pédestres dans les dédales des villages séculaires et sur les sentiers accidentés des montagnes. «Vous ne pouvez pas estimer ce que peut véhiculer le conte populaire dans la sauvegarde de notre patrimoine. D’ailleurs, c’est grâce au conte que tamazight a pu résister aux autres langues, d’où notre militantis­me à transmettr­e le flambeau aux génération­s actuelles et futures», conclut M. Mahouche.

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