L’armée sur le qui-vive
L Avec des frontières terrestres longues de plus 6500 km, dont une bonne partie est partagée avec des pays pauvres et souffrant d’instabilité politique, le défi sécuritaire est de taille.
Les forces de l’Armée nationale populaire (ANP) sont, plus que jamais, en état d’alerte sur l’ensemble des lignes frontalières du pays. Déjà fortement mobilisées sur le front sud pour faire face aux menaces induites par les conflits qui ont secoué certains pays du Sahel mais aussi la Libye, les troupes de l’ANP sont sur le qui-vive. Pour parer à toute éventualité, l’armée intensifie les exercices tactiques, notamment sur le front ouest et sud-ouest, où les menaces sécuritaires sont prises très au sérieux par le haut commandement militaire. Les derniers exercices tactiques effectués à Béchar et à Tindouf, avec munitions réelles, en sont la preuve. De tels exercices visent à tester la disponibilité au combat des unités opérationnelles. Le chef d’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, a d’ailleurs supervisé ces exercices au deuxième jour de sa visite dans la 3e Région militaire. Dans ces exercices, l’armée n’a pas lésiné sur les moyens, allant des troupes au sol lourdement armées et équipées aux forces antiaériennes en passant par les avions de combat et leur ravitaillement en plein vol. Le chef d’état-major de l’ANP a relevé l’importance de ces efforts qui «visent à développer l’expérience au combat, à consolider les connaissances et les aptitudes et à conférer la synergie et la complémentarité à l’action collective».
Il a affirmé dans ce sillage que l’armée se place «à la hauteur des défis actuels» et demeure «tenace face aux ennemis d’hier et d’aujourd’hui». Le but est donc que l’armée soit toujours «à la hauteur des exigences du devoir national, de la responsabilité de défense de la patrie, de la préservation de son unité, de la protection de ses richesses et de la sauvegarde de sa souveraineté, notamment dans les conditions d’instabilité que connaît notre région».
SANS RÉPIT
L’enjeu est immense, à l’instar de l’immensité du territoire national et de ses particularités géographiques. Pour honorer cette lourde mission, l’armée doit demeurer en état d’alerte maximale. Les menaces peuvent à la fois venir du sud, de l’ouest et du sud-ouest. Elles peuvent également se manifester de l’extérieur comme de l’intérieur, où le terrorisme islamiste continue de faucher des vies à travers quelques coups d’éclats pour semer à nouveau la peur au sein des populations dans ce contexte géopolitique périlleux pour l’Algérie. Avec des frontières terrestres longues de plus 6500 km, dont une bonne partie est partagée avec des pays pauvres et souffrant d’instabilité politique, le défi sécuritaire est de taille.
Les récents développements au Sahara occidental, marqués par la reprise du conflit armé après la violation de l’accord de paix par le Maroc, viennent en rajouter une couche à cette épaisse fumée noire qui s’échappe près de nos frontières. En effet, cette nouvelle guerre à nos frontières aggrave les menaces sécuritaires qui pèsent sur toute la sous-région sahélo-sahélienne mais aussi sur l’Algérie. L’armée, qui fait face déjà aux conséquences du chaos libyen et à la fragilité sécuritaire tunisienne, redouble de vigilance à la frontière ouest, tout en gardant un oeil grand ouvert sur la frontière sud. Terrorisme, trafic d’armes, contrebande, trafic de drogue et traite des personnes sont autant de fléaux auxquels les forces de l’ANP font face au quotidien.
ENCERCLEMENT
Entourée de pays instables, fragiles ou carrément hostiles, l’Algérie est contrainte de consentir davantage d’efforts pour briser cette chaîne de feu qui l’encercle et garantir la sécurité de son territoire. En plus de la sécurisation des frontières de toutes les menaces et de tous les maux venant de l’étranger, l’armée continue de traquer les terroristes ou ce qu’il en reste sur l’ensemble du territoire. Et, comme le démontrent les chiffres, la guerre contre ce fléau transnational est loin d’être terminée. Le dernier attentat, qui a coûté la vie à cinq personnes à Tébessa, renseigne sur le degré de nuisance des groupes terroristes. Aussi, les vastes opérations de ratissage, lancées simultanément au Centre et à l’Est, confirment que les groupes terroristes encore actifs dans les montagnes sont soutenus matériellement et financièrement de l’intérieur comme de l’extérieur du territoire. En effet, en 2020, l’armée a arrêté 108 éléments de soutien au terrorisme, comme elle a récupéré de l’armement lourd et de l’argent provenant des groupes terroristes actifs au Sahel. D’ailleurs, une partie de l’argent de la rançon versée en octobre 2020 aux terroristes en contrepartie de la libération de trois otages européens au Mali a bien été découverte dans une casemate à Jijel. Aussi, plusieurs des 200 terroristes libérés dans le cadre de la même transaction sont algériens et semblent prêts à reprendre du service sur le territoire national, à l’instar de celui qui a été capturé par les services de sécurité, fin 2020, à Oran. Ainsi, la moindre baisse de vigilance peut avoir des conséquences graves sur la sécurité du pays. Le pire est qu’il y a encore des menaces bien réelles, mais jusque-là sous-estimées. Il s’agit de cette sorte de «cyberguerre» ou de guerre de la Toile que subit le pays, pas uniquement à travers le hacking de sites web d’institutions étatiques; mais aussi à travers l’injection d’importantes quantités de contenus fielleux, haineux et violents semant les graines de la «fitna» entre Algériens sur les réseaux sociaux. Il s’agit de contenus qui sont souvent véhiculés par des anonymes, visiblement des «trolls» qui polluent, par des messages provocateurs et dangereux, même les pages officielles des institutions de la République et de hauts responsables du pays. Même les comptes officiels du chef de l’Etat et de la présidence de la République ne sont pas épargnés. Comme toutes les autres, cette menace est aussi à prendre très au sérieux.