LE POUVOIR MAINTIENT SA FEUILLE DE ROUTE
Elections, renouvellement des assemblées et… rien de plus. Le pouvoir, incarné par le président Abdelmadjid Tebboune, reste rivé seulement sur le cap fixé depuis la fin de l’année 2019 : le passage par les élections pour tenter de résoudre la crise politique qui perdure. Aucun changement n’est visiblement envisagé à sa feuille de route. Le discours prononcé, jeudi soir, par le président Abdelmadjid Tebboune, le confirme. Après avoir présenté la révision constitutionnelle comme étant une démarche s’inscrivant dans le processus de la satisfaction des revendications du hirak «originel et béni», il annonce le passage à la deuxième étape. Celle-ci concerne la mise en place «d’institutions légitimes» à travers l’élection d’une nouvelle Assemblée populaire nationale (APN). Abdelmadjid Tebboune décide ainsi la dissolution de l’Assemblée actuelle, sur laquelle il s’est appuyé, pendant plus d’une année, pour valider une série de projets de loi, dont certains sont très contestés. Des législatives anticipées auront donc lieu dans trois mois, conformément à la Constitution. Entre-temps, le chef de l’Etat devra promulguer par ordonnance la nouvelle loi électorale révisée. Des élections locales seront certainement programmées au cours de l’année 2021. Cela confirme que l’agenda cher à l’ancien chef d’étatmajor de l’ANP décédé, Ahmed Gaïd Salah, reste inchangé. Il plaidait, rappelons-le, dans tous ses discours en 2019 pour «une solution à la crise dans le cadre de la Constitution», résumant ainsi les articles 7 et 8 de la Loi fondamentale à un passage par les urnes.
Pourtant, cet agenda ne fait toujours pas consensus. Rejeté déjà par le hirak, dont la mobilisation s’est poursuivie des mois après la présidentielle du 12 décembre 2019, il est aussi fortement contesté par une majorité des partis de l’opposition qui le qualifie de «tentative de remettre sur les rails un système autoritaire». C’est le cas des forces du Pacte pour l’alternative démocratique (PAD) qui a réagi, hier, au discours du président Tebboune. «Le PAD constate, hélas, après le dernier discours du chef de l’Etat, que la demande populaire de changement démocratique radical est loin d’être entendue et que la contre-révolution autoritaire ne lâche pas prise. Il enregistre avec révolte la persistance obstinée du pouvoir à imposer un agenda visant à restaurer le système autoritaire par un nouveau coup de force électoral, adossé à de multiples subterfuges clientélistes et étroitement encadré par le dispositif policier habituel», lit-on dans un communiqué de cette coalition. Le PAD, ajoute le communiqué, «considèrent que le salut de l’Etat national et du peuple ne saurait découler de l’alignement des organisations de la société civile et des partis politiques sur une feuille de route qui vise à perpétuer le système autoritaire en place et reconduire les mêmes procédés et méthodes qui ont ruiné le pays».
Ayant été reçu la semaine dernière à la Présidence, le FFS avait lui aussi rejeté la solution par l’élection et a appelé à «une conférence nationale inclusive» pour parvenir à un règlement consensuel de la crise politique actuelle. Il n’est, semble-t-il, pas écouté, comme ce fut le cas pour toutes les initiatives émanant des partis de l’opposition et des organisations de la société civile autonomes. Pour réussir ce qui est qualifié de «passage en force» par de nombreux observateurs, le pouvoir a eu recours également, contrairement aux dispositions de sa nouvelle Constitution, à la fermeture hermétique des champs politique et médiatique. Seuls ses nouveaux laudateurs et la clientèle habituelle du régime sont tolérés sur la scène nationale. Parallèlement, le hirak continue d’être diabolisé et réprimé. Le recours à des mises en scène qualifiées par certains acteurs politiques de «mauvais goût», comme celle du terroriste Abou Dahdah ayant apparu au journal télévisé de 20h de l’EPTV mercredi dernier, est une autre preuve que le pouvoir est décidé à respecter à la lettre sa feuille de route. Exit les propositions venant en dehors du pouvoir…