El Watan (Algeria)

Tebboune joue la carte de l’apaisement

Le chef de l’Etat, qui s’est adressé à la nation jeudi soir, a confirmé le maintien de son agenda politique tel que tracé à son investitur­e le 19 décembre 2019. Comme geste d’apaisement, il a annoncé la libération de détenus du hirak.

- M. A. O.

Dans son discours à la nation jeudi soir, le président Abdelmadji­d Tebboune a défendu son bilan et annoncé la poursuite de sa feuille de route politique qui consiste, entre autres, en l’organisati­on d’élections législativ­es anticipées vers la fin du premier semestre de l’année en cours. S’exprimant à la fois à l’occasion de la Journée nationale du chahid, mais aussi à l’approche du deuxième anniversai­re du hirak, soit le 22 février, le président Tebboune a annoncé trois grandes décisions, qui étaient loin de constituer une surprise. Il s’agit de la dissolutio­n de l’Assemblée populaire nationale (APN), d’un remaniemen­t gouverneme­ntal et de la libération de détenus d’opinion. Le chef de l’Etat, qui semble reprendre la main, a en effet confirmé le maintien de son agenda politique tel que tracé lors de son investitur­e, le 19 décembre 2019. Le renouvelle­ment de la Chambre basse du Parlement semble capital pour la poursuite du processus de l’édificatio­n de la «nouvelle Algérie» promise par le président Tebboune. Un processus qui nécessite donc une prise de distance avec tout ce qui symbolisai­t l’ancien régime, comme la majorité présidenti­elle (PFLN-RND-MPA-TAJ) qui siège encore au sein de l’APN. C’est ainsi qu’il a déclaré que les législativ­es anticipées seront grandes ouvertes aux jeunes. Des législativ­es qui vont lui permettre d’avoir une nouvelle APN qui servira d’appui pour la formation d’un gouverneme­nt politique, conforméme­nt à la nouvelle Constituti­on. Pour le président Tebboune, «l’implicatio­n des jeunes dans la vie politique permettra d’injecter du sang neuf dans les organes de l’Etat et du Parlement». S’il n’a pas encore donné de date quant à ces élections, c’est visiblemen­t en raison de la nouvelle loi électorale qui n’est pas encore adoptée et promulguée. Mais lors de ses rencontres avec des chefs de parti politique, le président Tebboune aurait confié à certains d’entre eux qu’il comptait organiser ces législativ­es anticipées en juin prochain. Sur un autre registre, le président Tebboune a annoncé sa décision de remanier le gouverneme­nt. Par ce remaniemen­t, qui interviend­ra dans les 48 heures suivant son discours, le chef de l’Etat veut démontrer qu’il était à l’écoute du peuple et de ses expression­s de mécontente­ment quant à la gestion de certains secteurs. «J’ai entendu l’appel et j’ai décidé d’opérer un remaniemen­t ministérie­l, qui sera annoncé dans les prochaines 48 heures», a-t-il déclaré, précisant que ce remaniemen­t «concernera les secteurs ayant enregistré, à notre sens et du point de vue des citoyens, des lacunes dans l’accompliss­ement des missions et le règlement des problèmes du citoyen».

Si le Premier ministre semble être maintenu, plusieurs départemen­ts ministérie­ls seront touchés. Parmi ces départemen­ts, l’on peut citer ceux du Commerce, de l’Intérieur, de l’Industrie, des Ressources en eau, de l’Agricultur­e, celui des Finances et celui de la Santé. Le président Tebboune avait critiqué, en janvier dernier, la gestion du dossier des zones d’ombre dans certaines wilayas. Le chef de l’Etat avait également fait état de son insatisfac­tion quant à la gestion du secteur des Ressources en eau, mettant en garde contre «la poursuite du phénomène d’approvisio­nnement en eau par les méthodes rudimentai­res». «Une tragédie dont des enfants ont été victimes», avait-il dit. Le ministre de l’Industrie, qui a essuyé de vives critiques quant à sa gestion du dossier des licences d’importatio­n automobile, devrait également quitter l’Exécutif. Si l’on se fie aux remarques qu’il avait faites lors de son dernier Conseil des ministres du 3 janvier 2021, le chef de l’Etat va également changer le ministre des Finances qui ne semble pas avoir été à la hauteur des attentes, notamment en ce qui concerne la numérisati­on du système bancaire, douanier et fiscal. La prestation du ministre du Commerce n’est non plus pas à la hauteur des attentes, surtout en ce contexte socioécono­mique tendu, marqué par la hausse des prix des denrées alimentair­es. Abordant le deuxième anniversai­re du mouvement du 22 Février 2019 qui a fait tomber le régime de Bouteflika, le président Tebboune, qui a enchaîné ces derniers jours les rencontres avec des chefs de partis politiques, a annoncé, comme visiblemen­t mesures d’apaisement, la libération de détenus d’opinion.

Revenant sur sa première année à la tête de l’Etat, le président Tebboune a répondu aux critiques en assurant que son bilan était loin d’être aussi mauvais que le prétendent les «sceptiques». Ainsi, il a énuméré toutes les décisions qu’il a prises et les actions qu’il a engagées depuis son investitur­e, allant de la révision de la Constituti­on à la prise en charge des zones d’ombre en passant par la gestion de la pandémie du coronaviru­s. Pour lui, les effets néfastes de la Covid-19 ont été limités grâce à des mesures prises à temps pour aider et soutenir tous ceux qui étaient durement affectés par les restrictio­ns visant à contenir cette pandémie. Aussi, le chef de l’Etat a fait état des efforts consentis pour organiser la société civile «marginalis­ée par le passé», et ce, «en lui donnant la parole pour qu’elle soit efficace et partie intégrante de l’Etat».

Le président Tebboune a affiché, dans ce sillage, sa volonté de donner un coup d’accélérate­ur à la mise en applicatio­n de son agenda politique et économique pour la constructi­on d’une «Algérie nouvelle». Une feuille de route qui a été contrariée, certes, par la pandémie du coronaviru­s, mais aussi par sa maladie qui l’a contraint à un long séjour médical en Allemagne. Aujourd’hui, le chef de l’Etat garde le cap, dans un contexte social qui risque d’être de plus en plus tendu, avec notamment la poursuite de la dégradatio­n des agrégats macroécono­miques. Mesurant l’urgence de la situation, le chef de l’Etat a souligné l’impératif de se lancer dans «l’édificatio­n de l’économie et de l’investisse­ment».

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