El Watan (Algeria)

1500 familles vivotent dans les gourbis

La commune compte une dizaine de bidonville­s, dont la plupart ont été érigés aux abords des oueds ou dans les domaines agricoles.

- Ramdane Kebbabi

Emmitouflé dans sa kechabia, L. Ahmed (57 ans) vivote à haouch Kormana depuis 1979, un bidonville sis entre l’autoroute Est-Ouest et l’oued traversant Khemis El Khechna et Hammadi, à l’ouest de Boumerdès. Le site abrite 150 familles. Chacune a son histoire. La plupart sont natives de Sidi Aïssa, dans la wilaya de M’sila. «Le dernier a atterri ici il y a 14 ans. On a tous des certificat­s de résidence, mais cela n’a pas servi à grandchose», regrette Ahmed, avant de nous inviter à visiter son taudis. Ancien convoyeur de Districh (distributi­on de chaussures), Ahmed partage trois pièces de parpaing avec ses 7 enfants, dont deux sont mariés. Le benjamin souffrait d’une tumeur cervicale. Ballotté d’un hôpital à un autre, le malheureux perdit la vue et l’odorat au bout de quelques séances de radiothéra­pie. Désespéré, son père tente le traitement à base de plantes naturelles, plus efficace avec moins d’effets secondaire­s, estime-t-il. La commune de Khemis El Khechna compte neuf autres bidonville­s abritant plus de 1500 familles. Le gros de ces baraquemen­ts a été érigé aux abords des oueds ou dans les anciens domaines agricoles autogérés. Des sites de misère où les habitants sont exposés à tous les maux. «Les autorités ne viennent ici qu’à l’approche des échéances électorale­s ou lorsqu’elles veulent remettre un ordre d’appel à nos enfants pour aller accomplir le service national», peste Mohamed, un père de 5 enfants qui occupe deux bicoques à haouch Kormana. Malgré l’exiguïté et les risques d’infections découlant de l’insalubrit­é, certains pensionnai­res des lieux ne se sont pas empêchés d’élever les moutons et les vaches dans de petites masures érigées à proximité de leurs gourbis. Un travail qui leur permet d’arrondir leurs fins de mois en l’absence d’emplois stables. Même si cela se fait au détriment de leur cadre de vie, devenu invivable en raison des puanteurs se dégageant des fosses septiques et des excréments des animaux. Les risques de maladies y sont omniprésen­ts. Pour se rendre à l’école, les élèves doivent traverser le fleuve d’à côté qui, en hiver, connaît des crues fréquentes. «Une fois, nos enfants ne sont pas partis à l’école durant deux semaines. On a réclamé la réalisatio­n d’un pont, mais aucun responsabl­e n’a répondu à notre doléance. 90% des nos enfants quittent l’école à l’âge précoce», regrette Dahmane. Marié à trois femmes, ce sexagénair­e est la coqueluche du site. «J’ai 16 enfants. Mes femmes s’entendent à merveille. Elles mangent dans la même assiette»,

confie ce retraité d’Infrafer. A Haouch Erriacha, les autorités ont dénombré 700 taudis. En 2003, ils étaient 42, précise un élu à l’APC. Venus d’horizons différents, les habitants partagent les mêmes souffrance­s et ont les mêmes espoirs. Difficile de distinguer les baraques des uns et des autres tellement elles se ressemblen­t et sont toutes faites à base de matériaux de fortune. Le décor y est déprimant. Les eaux usées disputent la place aux monticules d’ordures, aux gravats, la tôle et le toub. Les câbles électrique­s se chevauchen­t à tel point qu’il est impossible de savoir qui est raccordé au réseau de celui qui ne l’est pas. En l’absence de conduites d’AEP, les habitants s’alimentent à l’aide de citernes qu’ils payent de l’argent des cotisation­s.

«On vit avec les rats. Tout le monde est malade ici. Celui qui n’a pas contracté l’asthme souffre du diabète. L’Etat nous a oubliés. Tous les jeunes du site sniffent. L’année passée, un adolescent s’est suicidé en se jetant du haut d’un poteau. Il a perdu tout espoir

en l’avenir», glisse Sadek, un ancien GLD, qui s’y est installé en 2001 après l’assassinat de son frère par les groupes terroriste­s à Lakdaria. Las des promesses sans lendemain, les habitants réclament leur droit au logement. Ils se demandent pourquoi l’opération d’éradicatio­n de l’habitat précaire a été menée à terme dans plusieurs localités du pays et pas à Khemis El Khechna, devenue la commune par excellence des bidonville­s.

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Les occupants des taudis vivent dans des conditions intenables

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