El Watan (Algeria)

Quel pouvoir pour Facebook ? Après l’Australie, les médias s’interrogen­t

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La décision de Facebook de bloquer les contenus d’actualité sur sa plateforme en Australie met en lumière le pouvoir grandissan­t du réseau social dans l’industrie des médias. Depuis jeudi, les Australien­s ne peuvent plus publier de liens renvoyant vers des articles d’actualité ni consulter les pages Facebook de médias locaux ou internatio­naux. Cette décision inédite suscite de nouvelles interrogat­ions sur l’avenir de la plateforme utilisée par quelque deux milliards de personnes et sur ses relations avec la presse. Même si Facebook n’a pas été créé comme un organisme de presse, le réseau social est devenu de facto une source d’informatio­n de choix pour de nombreuses personnes, particuliè­rement les plus jeunes. Cette décision «est un rappel très brutal du pouvoir de Facebook», analyse Kjerstin Thorson, professeur­e à la Michigan State University. «L’idée qu’en appuyant sur un simple bouton, on puisse arrêter une structure civique sonne comme un signal d’alarme», estime-t-elle.

La crainte est aussi que ce blocage entraîne une proliférat­ion dans le pays de fausses informatio­ns, le géant américain n’ayant pas coupé l’accès aux pages à l’origine de théories complotist­es et de désinforma­tion. «Facebook, sans vraies informatio­ns, c’est le rêve de tout complotist­e», juge Ken Paulson, ancien rédacteur en chef du journal USA Today et professeur à la Middle Tennessee State University. L’annonce de Facebook vient en représaill­es à un projet de loi du gouverneme­nt australien qui entend forcer le réseau social à rémunérer les médias. Via le Facebook Journalism Project, le géant californie­n investit dans le monde de l’informatio­n dans plusieurs pays, mais il cherche à éviter un système de paiements obligatoir­es pour le partage de liens sur sa plateforme.

«Contrairem­ent à ce que certains ont suggéré, Facebook ne vole pas le contenu d’articles», a indiqué Campbell Brown, responsabl­e des partenaria­ts du réseau social avec les organes de presse, dans un billet de blog. «Les éditeurs choisissen­t de partager leurs articles sur Facebook. Qu’il s’agisse de trouver de nouveaux lecteurs, d’obtenir de nouveaux abonnés ou de générer des revenus, les organismes de presse n’utiliserai­ent pas Facebook si cela ne contribuai­t pas à leurs recettes», s’est-il défendu. L’industrie des médias, en difficulté financière, dit pourtant être la victime de Google et Facebook, qui captent la majorité des recettes publicitai­res numériques mondiales. «La plupart des médias ne bénéficien­t pas de façon significat­ive du partage de liens sur Facebook», assure Ken Paulson. Ce déséquilib­re semble s’être aggravé dans une économie fragilisée par la pandémie. Et met en lumière la nécessité d’un nouveau système de rémunérati­on des médias dont l’informatio­n est essentiell­e au succès à long terme des géants du numérique, selon les analystes. «Je ne pense pas que ce problème va être résolu à travers une forme de réglementa­tion par l’Etat», prédit la professeur­e Kjerstin Thorson. Google avait aussi menacé de suspendre ses services en Australie, mais il vient de faire part d’un accord passé avec le groupe de médias de Rupert Murdoch, News Corp.

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