El Watan (Algeria)

Ce que redoutent les militaires

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Le 1er février, l’armée birmane fomente un coup d’Etat. La cheffe du gouverneme­nt civil, Aung San Suu Kyi, et le président de la République, Win Myint, sont arrêtés et le gouverneme­nt démis. L’armée juge le pronunciam­iento nécessaire pour préserver la «stabilité» de l’Etat et promet de nouvelles élections «libres et équitables», une fois que l’état d’urgence d’un an levé. Elle a accusé la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, d’irrégulari­tés électorale­s «énormes», après sa victoire au mois de novembre. Les militaires dénoncent, depuis plusieurs semaines, des millions de cas de fraudes et font planer le spectre d’un coup d’Etat. Le 27 janvier, le commandant en chef de l’armée birmane, Min Aung Hlaing, a averti que «la Constituti­on sera abolie, si elle n’est pas suivie». En fait, la destitutio­n de la cheffe du gouverneme­nt obéit à une raison inhérente à l’avenir de l’armée dans le pays. Les militaires se sentent menacés par la défaite de novembre du Parti de la solidarité et du développem­ent de l’union (PSDU), formation qui sert les intérêts de l’armée. La LND y a obtenu 396 des 476 sièges du Parlement, soit 82% des députés, tandis que le PSDU a dû se contenter de 33 élus en plus des 25% de sièges attribués à l’armée par la Constituti­on birmane de 2008. Les résultas du scrutin sont validés par la Commission électorale.

Avec sa grande majorité, Mme Suu Kyi compte modifier la Constituti­on. Intention manifestée en 2019. Et jusque-là, elle est restée inerte sur les conflits ethniques et le génocide des Rohingyas pour éviter les frictions avec l’armée. La Constituti­on de 2008 interdit à toute personne ayant des enfants étrangers d’accéder à la présidence de la République, c’est le cas d’Aung San Suu Kyi dont les deux fils sont de nationalit­é britanniqu­e. Le texte garantit à l’armée un quart des sièges au Parlement ainsi que trois ministères stratégiqu­es (l’Intérieur, la Défense et les Frontières). En plus, l’armée ne dépend pas du gouverneme­nt, mais directemen­t du commandant en chef des forces armées.

Un projet de modificati­on de la Loi fondamenta­le a généré des tensions entre les pouvoirs civil et militaire. Des propositio­ns en question sont issues d’un comité de 45 parlementa­ires que le gouverneme­nt d’Aung San Suu Kyi a fait adopter au Parlement en janvier 2019. Une des principale­s propositio­ns des députés de la LND serait de réduire le quota des 25% de sièges alloué aux militaires en plusieurs phases. Ce qui peut permettre à Mme Suu Kyi de devenir enfin présidente et de réduire l’influence des généraux sur l’échiquier politique birman et, pourquoi pas, son éliminatio­n définitive de la scène politique. Ce que l’armée appréhende.

Amnay Idir

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