Alger la vieille

Oui, c'était un peu choquant à la veille de l'anniversaire du hirak, le nouveau président du Sénat, qui était déjà président par intérim en bloquant toute élection, a été élu à 90 ans. Mais le président de la République en a déjà 76, on en est donc à 166 ans pour les deux premiers personnages de l'Etat. Si on ajoute le Premier ministre de 67 ans et le chef d'état-major de 76 ans, on passe à 300 ans tout juste. Ce qui fait trois siècles, ce qui fait beaucoup, mais ce qui ne veut pas dire grand-chose, sauf qu'ils sont tous nés avant l'indépendance, donc sous la colonisation. Ce qui ne prouve absolument rien du tout, sauf qu'il y a trois siècles, l'Amérique entamait son indépendance, la France était portée par le siècle des Lumières pendant qu'Alger était dans son âge d'or en s'épanouissant politiquement et culturellement à travers le rayonnement de la Régence. En 1721 d'ailleurs, soit 300 ans exactement avant 2021, Bacaffa l'impitoyable était couronné négus d'Ethiopie après la mort par empoisonnement de son prédécesseur David III. Ce qui ne signifie absolument rien, ou alors juste que la Nouvelle Algérie est déjà très vieille, un an après sa naissance. Sauf que Sid Ali Khadli, ministre de la Jeunesse, n'a que 38 ans, ce qui fait de lui un jeune, qui n'a d'ailleurs pas été touché par le remaniement, alors que Ferhat Aït Ali, par exemple, a été remercié alors qu'il n'avait pourtant que 57 ans et toutes ses dents.

En gros, on critique Goudjil pour son âge, mais Khadli pour son inexistence et on associe la lutte en Algérie entre une vieille aristocratie dépassée et une jeune élite énergique, alors que la guerre des pouvoirs se joue surtout entre vieux à coups de cannes. Demain sera-t-on plus jeunes ? Rien n'est moins sûr, mais on regrettera peut-être Ferhat Aït Ali, l'homme qui marchait à pied dans son véhicule de fonction et qui va probablement retourner sur Facebook. Mais au moins il a maintenant un réel objectif, tenter de s'acheter une voiture d'occasion avec ses derniers salaires.