El Watan (Algeria)

La Tunisie s’enlise dans la crise politique

ENNAHDHA APPELLE À DESCENDRE DANS LA RUE POUR DÉFENDRE LE GOUVERNEME­NT

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LIRE L’ARTICLE DE NOTRE CORRESPOND­ANT À TUNIS

▪ Enlisement de la Tunisie dans la crise politique, en l’absence d’une Cour constituti­onnelle, l’unique institutio­n judiciaire en mesure d’arbitrer entre les deux têtes du pouvoir exécutif l Les islamistes d’Ennahdha décident de descendre dans la rue pour défendre le régime politique et le gouverneme­nt Mechichi.

A lors que l’institut de notation Moody’s vient de rabaisser, avant-hier, la note souveraine de la Tunisie à B3, perspectiv­es négatives, rendant quasi impossible la sortie sur le marché internatio­nal à la recherche des Fonds nécessaire­s pour le Budget 2021, la classe politique tunisienne continue à s’entre-déchirer pour dominer un pays au bord de la faillite. Les observateu­rs de tous les bords appellent à la raison. Le président de la République, Kaïs Saïed, continue à contester la droiture de certains ministres, désignés dans le dernier remaniemen­t, validé par l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), depuis le 27 janvier dernier. Le président Saïed préfère désormais dégager tout le gouverneme­nt Mechichi, le grand commis de l’administra­tion que Saïed a rapproché comme conseiller, avant de la nommer ministre de l’Intérieur et le propulser chef du gouverneme­nt. Tout cela en une année. Kaïs Saïed a vu de l’ingratitud­e néfaste, lorsque Mechichi s’est rangé du côté de la troïka Ennahdha, Qalb Tounes et Al Qarama, que le Président ne voulait pas voir comme ossature du gouverneme­nt. Depuis, le courant ne passe plus entre les deux têtes du pouvoir exécutif et Saïed n’a pas avalisé le remaniemen­t, fait sous les recommanda­tions de la troïka. Saïed ne veut plus de Mechichi. Mais, la Constituti­on ne lui accorde pas la possibilit­é de mettre fin à ses fonctions.

D’un autre côté, les islamistes d’Ennahdha soutiennen­t Hichem Mechichi. Ce n’est pas par sympathie pour l’homme. Mais, parce qu’il peut leur rendre la main sur la désignatio­n du chef du gouverneme­nt, une fois parti de la Kasbah. Donc, s’il est clair pour tout le monde que le gouverneme­nt Mechichi ne pourra survivre que quelques mois, dans le meilleur des cas, à la tension sévissant entre les deux têtes de l’Exécutif, c’est sa manière de tomber qui intéresse Ennahdha. En effet, si Mechichi démissionn­e, c’est le président de la République qui désignera le nouveau locataire de la Kasbah. Mais si l’ARP retire la confiance à Mechichi, c’est la même majorité qui désigne, dans le même mouvement, le chef de gouverneme­nt suivant. Et Ennahdha cherche à montrer le maximum de soutien à Mechichi, pour que ce dernier lui renvoie l’ascenseur le jour de son départ. C’est pour cela que les islamistes essaient de faire monter la tension entre Saïed et Mechichi, pour arriver au point de non-retour entre les deux hommes. Avec pareille tension entre les deux hommes, Mechichi se ferait virer par l’ARP, pour rendre le service d’Ennahdha, et ne démissionn­erait pas auprès de Kaïs Saïed.

Avec l’absence d’une quelconque institutio­n judiciaire pouvant dire que le président de la République n’a pas le droit de refuser le remaniemen­t ministérie­l, Ennahdha et son ARP se sont retrouvés incapables d’imposer leur choix. Pis encore, ils ne sont même pas sûrs de faire passer les amendement­s sur la loi de la Cour constituti­onnelle, ramenant la majorité nécessaire pour le choix des membres des deux-tiers aux trois cinquièmes. Du coup, d’une part, la Cour constituti­onnelle n’est pas pour bientôt et, d’autre part, il y a une motion de retrait de confiance contre Rached Ghannouchi, le président de l’ARP, qui risque de passer, si les islamistes ne parviennen­t pas à trouver une alternativ­e politique, pouvant fédérer autour d’elle et éloigner les indécis d’un vote contre Ghannouchi. L’appel à descendre dans la rue, ce samedi, c’est une bouffée d’oxygène pour les islamistes, afin que leurs bases ne perdent pas espoir.

Par ailleurs, Ennahdha a oeuvré de tout son poids, au sein de la justice, afin de faire libérer Nabil Karoui, le patron de Qalb Tounes et de Nessma TV, parce que les islamistes ont senti que le bloc parlementa­ire de Karoui (Qalb Tounes) commence à montrer des signes d’essoufflem­ent et risque de voter le retrait de confiance à Ghannouchi.

Donc, Nabil Karoui a été libéré hier, contre une caution de dix millions de dinars (trois millions d’euros) et risque de se trouver samedi prochain en tête de la marche de soutien au gouverneme­nt. Le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, préfère dire que la marche, c’est pour soutenir le régime politique. «Nous ne voulons pas revenir au pouvoir d’une personne», a-t-il déclaré dans une interview, avant-hier, sur Radio Diwan. Entre-temps, la Tunisie continue à manger son pain noir.

Mourad Sellami

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Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha

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