El Watan (Algeria)

Reprofilag­e

- Par Omar Berbiche

L’Algérie est assise sur un volcan qui menace à tout moment de lâcher ses laves dévastatri­ces, mais non moins salvatrice­s, faites de révolte difficilem­ent contenue jusqu’ici, grâce au civisme et à la maturité du peuple, pour changer le système de gouvernanc­e du pays.

Après une pause d’une année due à la pandémie, la puissance revendicat­ive avec laquelle le hirak a signé la reprise de ses marches ce lundi, à l’occasion de son deuxième anniversai­re, partout à travers le pays et particuliè­rement dans la capitale, en dépit de l’impression­nant dispositif sécuritair­e déployé, ne peut pas laisser indifféren­t le pouvoir, chevillé à ses fausses certitudes. Fidèle à ses principes fondateurs, le mouvement du 22 Février a repris le déroulé de l’histoire là où il a été interrompu après la survenue de la pandémie, en ne concédant aucune concession au pouvoir sur sa plateforme de revendicat­ions pour une Algérie libre et démocratiq­ue. La bataille mémorielle, qui a marqué la célébratio­n du second anniversai­re du hirak, s’inscrit dans cette même volonté de rupture avec les fondements du système et sa culture du hold-up de l’histoire, qui a constitué sa matrice politique et idéologiqu­e.

«Nous ne sommes pas venus festoyer, mais pour exiger

votre départ !», ce slogan du jour martelé par les manifestan­ts montre bien que le «hirak originel béni», virtuel, mis en avant par le pouvoir, n’a aucun lien avec celui porté par les millions d’Algériens qui ont réinvesti la rue ce lundi.

Et ce n’est certaineme­nt pas en jetant l’anathème sur le hirak qui s’inscrit dans l’esprit de la dynamique du changement du mouvement du 22 février 2019, voire en décrétant clos le dossier du fait de sa constituti­onnalisati­on et en le faisant savoir par les moyens coercitifs et la répression que le pouvoir parviendra à rallier à sa feuille de route les Algériens et les Algérienne­s qui rêvent d’une autre Algérie, qui serait l’émanation de la volonté populaire.

Le portrait reprofilé d’un hirak plus déterminé et plus radicalisé qu’il ne le fut auparavant, clairement perceptibl­e dans l’expression des visages et l’ambiance électrique qui avaient imprégné les marches de lundi dernier, et à une moindre échelle, la manifestat­ion des étudiants, ce mardi, devrait être médité sérieuseme­nt par les décideurs. Plus le pouvoir s’obstine à gagner du temps, en jouant les cartes de l’essoufflem­ent du mouvement, de la division du hirak, en s’appuyant sur les leviers de la répression et de l’instrument­alisation de la justice, en dialoguant avec des forces politiques et sociales qui n’ont ni l’ancrage populaire ni la légitimité pour parler au nom du peuple, plus le mouvement populaire se radicalise­ra et plus s’éloigneron­t les chances de trouver, de part et d’autre, des acteurs prédisposé­s au dialogue et ayant le sens patriotiqu­e pour mesurer la gravité de l’impasse dans laquelle se trouve le pays.

On sera alors dans une nouvelle configurat­ion politique autrement plus complexe, où la barre des revendicat­ions du mouvement populaire sera hissée encore plus haut, où le fameux slogan doctrinal du hirak «Yetnahaw ga3» risque de paraître dérisoire face aux nouvelles exigences qui pourraient s’y greffer, comme celle de demander des comptes sur la gouvernanc­e et la responsabi­lité politique des errements dans la gestion de la crise.

Newspapers in French

Newspapers from Algeria