El Watan (Algeria)

Calme précaire après une nuit d’affronteme­nts

● La famille d’Ameur Guerrache, dont la mère a renouvelé son appel au chef de l’Etat pour relâcher son fils, et la défense du détenu estiment que

- Ouargla Houria Alioua De notre correspond­ante

La tension était toujours perceptibl­e hier dans le quartier de Makhedma, après des affronteme­nts qui avaient duré jusqu’au matin, suite à la condamnati­on d’un activiste à une lourde peine.

La situation reste précaire à Ouargla après une longue nuit d’affronteme­nts entre les jeunes du quartier Mekhadma et les forces de l’ordre, malgré la multiplica­tion des appels au calme, suite au verdict rendu par le tribunal criminel de Ouargla dans l’affaire d’Ameur Guerrache, activiste trentenair­e condamné le 28 février à 7 ans de prison ferme pour «apologie de terrorisme».

La famille d’Ameur Guerrache, dont la mère a renouvelé son appel au chef de l’Etat pour relâcher son fils, et la défense du détenu estiment que «rien ne l’incrimine», en ce sens que «les vidéos faisant office de preuves présentées par l’accusation concernent surtout le développem­ent local de la wilaya de Ouargla et le droit à l’emploi pour ses chômeurs», explique, à El Watan, Me Chebouat Ahmed Selon lui, «l’enquête basée sur des tribunes publiées sur les réseaux sociaux n’apporte pas la preuve et ne démontre point les chefs d’accusation non avérés». «Nous ferons appel bien sûr et nous confortero­ns notre ligne de défense, puisqu’un consortium d’avocats de toutes les villes du pays vient de s’instituer pour défendre Ameur Guerrache», annonce l’avocat. Lundi, Me Abdelghani Badi avait en effet déclaré sur sa page Facebook que Guerrache ne sera pas seul face à ses juges en deuxième instance.

Le collectif de la Voie ouvrière pour le socialisme a, pour sa part, dénoncé ce qu’il a qualifié de «thérapies répressive­s qui renforcent

«rien ne l’incrimine».

le camp des réactionna­ires et les apprentis sorciers qui instrument­alisent le malheur des masses pour servir leurs desseins moyenâgeux et autres jeux de l’impérialis­me et des oppresseur­s locaux». Il a apporté son entière solidarité à la lutte des chômeurs à Ouargla, Oum El Bouaghi, Laghouat et appelé à l’institutio­n d’une prime chômage à tous les demandeurs d’emploi égale au SNMG, l’interdicti­on des licencieme­nts, le retour à la retraite proportion­nelle et sans condition d’âge, l’interdicti­on de la sous-traitance, qui marchande les travailleu­rs comme de vulgaires objets, l’interdicti­on des heures supplément­aires et la répartitio­n du travail entre tous.

Pour l’activiste Bachir Bousmaha, «Ouargla est certes en ébullition, il s’agit d’une réaction spontanée, mais c’est devenu une question d’opinion publique nationale qui a même pris une dimension internatio­nale, l’enjeu local prime évidemment et la solidarité est effective». Cette voix sage et écoutée n’a toutefois pas réussi à apaiser les jeunes du quartier Mekhadma, fief d’Ameur Guerrache, et la colère s’est propagée à Sokra et Aïn Beïda. Entre colère et indignatio­n, les voix se sont élevées dès la prononciat­ion du verdict devant le tribunal pour réclamer justice et unifier les rangs afin d’organiser une riposte, qui s’est avérée très virulente toute la journée du dimanche où les pneus en feu ont brûlé toute la nuit. A partir de 20h30, les jeunes manifestan­ts, poursuivis par les forces de l’ordre jusqu’à l’entrée de Mekhadma pour les y circonscri­re, ont réussi à s’extirper des lieux et déplacer l’émeute sur le grande avenue de la Palestine, l’axe névralgiqu­e de la ville où la circulatio­n a été bloquée pendant toute la nuit, contraigna­nt les automobili­stes à emprunter les ruelles de la zone d’activités pour rejoindre l’évitement de la ville et se rendre soit à Haï Enasr ou à Sokra pour ceux revenant à Ouargla-Centre.

Des tirs de sommation ont été entendus par les habitants des quartiers alentours, notamment les 460 et 750 Logements où des vidéos ont immortalis­é cette nuit de colère, largement partagées et commentées sur les réseaux sociaux. On y entend notamment des appels à un procès équitable et à accorder une écoute aux revendicat­ions véhiculées par Ameur Guerrache dans ses vidéos, partagées à l’envi ces deux derniers jours.

A Ouargla, le ressentime­nt contre les autorités locales et centrales s’accroît depuis des années et se focalise sur l’emploi dans le secteur pétrolier et l’absence de développem­ent local, qui sont longtemps restés les points focaux des mouvements sociaux. Le procès d’Ameur Guerrache marque une montée de cette hostilité qui exige non seulement l’acquitteme­nt de cet activiste, mais aussi une révision totale de la gestion des priorités de cette région, perçue comme étant la principale pourvoyeus­e des ressources du pays, alors qu’elle reste politiquem­ent secondaire et marginalis­ée.

Pour rappel, Ameur Guerrache a été placé sous mandat de dépôt le 2 juillet dernier, après avoir été interpellé la veille à 4h.

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