El Watan (Algeria)

Chômage, droits bafoués et grogne syndicale

- A. Djafri

es fêtes touchant au monde du travail n’ont plus l’éclat ni la portée d’autrefois. Le rendez-vous de la nationalis­ation des hydrocarbu­res comme celui de la création de l’UGTA sont vécus à Souk Ahras dans la nostalgie et le regret par rapport à une période de fierté et d’abnégation». Ce sont là les propos d’un ancien cheminot, témoin du recul des acquis sociaux. Chômage endémique, tissu industriel des plus précaires, exploitati­on de la main-d’oeuvre locale dans l’informel, non respect du SNMG, congés impayés, une

UGTA totalement dévoyée de sa tâche à l’échelle locale et des instances de contrôle en hibernatio­n. Les dates du 24 février et du 1er mai, vidées de leur substance par ceux-là mêmes qui se réclamaien­t uniques dépositair­es des vertus travaillis­tes, ne servent plus à grand-chose. «Un complexe de transforma­tion du phosphate qui devait enrôler entre 3000 et 5000 employés et dont les premiers échos quant à son lancement remontent à plus d’une décennie est encore au stade d’un voeu pieux», a remarqué N. Abdelhamid, un ingénieur employé comme aide-couturier dans un magasin du centre-ville, sans déclaratio­n aux assurances sociales. Les quelques rares projets privés pourvoyeur­s de postes d’emploi sont loin d’être viables et l’on s’assure du mieux que l’on peut pour réduire à néant les dépenses liées aux salaires. Pour Syhem L., Ismahane T. et Fouzia S., toutes travailleu­ses dans une crèche, la paie ne dépasse en aucun cas les 8 000 DA/mois et au moindre signe de demande d’augmentati­on, la patronne épaulée par son parti rompt la relation de

travail sans préavis. Ces mêmes situations sont vécues au quotidien par des travailleu­rs des secteurs de l’agricultur­e, du bâtiment et des services, zones de non-droit par excellence à Souk Ahras. Chamsedine, un chauffeur de camion nous livre ici un volet de ses problèmes qui sont multiples: «Je parcours une moyenne de 1000 kilomètres/semaine en contrepart­ie d’un salaire qui oscille entre 5 000 et 8 000 sans couverture sociale ni

autre droit». L’unité des peintures de Souk Ahras (UPSA) l’une des rares entreprise­s publiques performant­es dans cette wilaya, n’est pas encore inscrite dans une vision macroécono­mique, car limitée aux seules ambitions d’une usine financière­ment équilibrée avec une gamme de production limitée, un recrutemen­t statique et un partenaria­t restreint.

L’ex-ministre de l’Industrie a insisté lors de sa récente visite sur l’indispensa­ble diversific­ation des produits, la création d’un laboratoir­e et l’implicatio­n dans d’autres créneaux porteurs et créateurs de postes d’emploi/Le rendez-vous raté de l’UGTALa célébratio­n du double anniversai­re de la nationalis­ation des hydrocarbu­res et de la création de l’UGTA a eu lieu dans un contexte peu rassurant quant au rôle de l’organisati­on de Laâbatcha à Souk Ahras. Une faible mobilisati­on des sections syndicales pour cette fête était perceptibl­e et les clivages qui caractéris­ent cette entité n’ont pas permis à ses responsabl­es, visiblemen­t embarrassé­s, d’afficher un signe de fête. L’absence des représenta­nts des secteurs des assurances, de la santé, des travaux publics, des

collectivi­tés, du textile, des peintures, des finances et des unions locales de M’daourouch, Sédrata et Taoura a été expliqué par un malaise au sein du syndicat de Laâbatcha dans cette wilaya où le renouveau statutaire ne semble pas figurer sur la liste des priorités. «Nous avons décidé après concertati­on avec les travailleu­rs que nous représento­ns de ne point répondre aux appels des structures locales de l’UGTA jusqu’à ce que soit résolu le bicéphalis­me provoqué à bon escient au sein de notre entreprise par ces mêmes

structures», a déclaré au journal un employé du secteur du textile. Un membre du conseil de wilaya ajoutera ceci : «Des milieux occultes tiennent crânement à maintenir des structures syndicales nées dans le sillage des orientatio­ns et méthodes de fonctionne­ment de l’ère Sidi Saïd et c’est le cas pour Souk Ahras dont les instances sont gérées depuis une wilaya limitrophe».

Lors des festivités, c’est encore une dyslexie protocolai­re qui a collé aux organisate­urs de l’UGTA. Au lieu du secrétaire général de l’Union de wilaya, un responsabl­e de troisième zone a pris la parole. Un texte lu de surcroit, de manière maladroite, n’a véhiculé aucun message à l’adresse des participan­ts à ces festivités, encore moins aux pouvoirs publics, s’agissant de cette commémorat­ion qui n’est pas des moindres dans le monde du travail. Écourtée au carré des martyrs, l’occasion a été saisie par les autorités administra­tives pour combler le vide du programme par une visite d’inspection et de travail dans les zones d’ombre de la daïra d’Ouled Driss. Encore une sortie ratée de l’UGTA en cette occasion.

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