ZEGHMATI PROVOQUE UN TOLLÉ GÉNÉRAL
Belkacem Zeghmati, ministre de la Justice et garde des Sceaux, propose l’introduction «d’une procédure de déchéance de la nationalité algérienne acquise ou d’origine qui sera applicable à tout Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’Etat ou qui portent atteinte à l’unité nationale».
l Belkacem Zeghmati, ministre de la Justice et garde des Sceaux, propose l’introduction d’«une procédure de déchéance de la nationalité algérienne acquise ou d’origine qui sera applicable à tout Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’Etat ou qui portent atteinte à l’unité nationale».
Le ministère de la Justice a présenté, mercredi dernier en réunion du gouvernement, un avant-projet de loi problématique. Ce texte porte sur la modification de l’ordonnance n°70-86 du 15 décembre 1970 portant code de la nationalité algérienne. En vertu de cette révision, le département de Belkacem Zeghmati, garde des Sceaux, propose l’introduction d’«une procédure de déchéance de la nationalité algérienne acquise ou d’origine qui sera applicable à tout Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’Etat ou qui portent atteinte à l’unité nationale». La mesure, selon un communiqué du Premier ministère, s’appliquerait aussi à celui «qui active ou adhère à une organisation terroriste ainsi que celui qui la finance ou qui en fait l’apologie». «Ce dispositif concerne également toute personne qui collabore avec un Etat ennemi. En outre, les dispositions prévues demeurent conformes aux conventions internationales en la matière et garantissent le droit au recours», lit-on dans le document.
Aussitôt annoncée, cette mesure a suscité de vives réactions. Des internautes, des militants des droits de l’homme, des juristes et des intellectuels dénoncent une «grave dérive du pouvoir». Il y a bien un véritable danger. Dans un premier temps, les internautes algériens ont tourné en dérision cette annonce en faisant le lien avec le code de la route et les retraits du permis. «Désormais, des Algériens vont chercher ‘‘el ma3rifa’’ pour récupérer leur nationalité», «Je suis bloqué par un retrait… de nationalité» et «Mabrouk 3lik (Félicitations) la déchéance», peut-on lire sur les posts de plusieurs facebookers algériens.
DÉNONCIATION ET DÉRISION
D’autres ont relevé la gravité d’un tel projet, qui véhicule une arrièrepensée autoritaire, puisqu’il est destiné à réprimer des voix opposantes que le pouvoir ne pourra emprisonner. «Comme la peine de mort, la déchéance de la nationalité est une des armes qu’il ne faut pas mettre entre les mains d’un pouvoir autoritaire, puisqu’il l’utilisera contre ses opposants», écrit un autre internaute. Certains rappellent aussi la déportation par le colonialisme de milliers d’Algériens en NouvelleCalédonie.
Des militants et des défenseurs de des droits relèvent, pour leur part, le caractère «aberrant» et «grave» d’une telle instruction. Une procédure réclamée déjà par un député au temps où Abdelmalek Sellal était Premier ministre. Répondant à une question écrite d’un certain Mohamed Eddaoui, ce dernier lui a rappelé, en 2016, que «personne ne peut être déchu de sa nationalité d’origine» et que la «loi algérienne est en phase avec le droit international, qui consacre la nationalité comme un des droits de l’homme». Réagissant à cette information, l’avocat Mokrane Aït Larbi rappelle que «le retrait de la nationalité acquise à toute personne ayant commis certains crimes est applicable dans d’autres pays». «Quant au retrait de la nationalité algérienne d’origine, héritée de père en fils, est totalement inacceptable. Les pères et grands-pères des Algériens sont ceux qui sont morts pour la nationalité algérienne», affirme-til sur sa page Facebook. Selon lui, «quiconque tente de retirer la nationalité d’origine aux Algériens et Algériennes assumera sa responsabilité dans l’histoire de l’Algérie». «Même les harkis n’ont pas été déchus de leur nationalité d’origine, alors là, le reste des Algériens», rappelle-t-il, mettant en garde contre la «manipulation de la nationalité d’origine».
DES RÉFUGIÉS !
Pour sa part, le sociologue Lahouari Addi souligne que «le code de nationalité algérienne ne reconnaît pas à un Algérien d’avoir une nationalité étrangère». «Il va même plus loin : il déclare que la nationalité algérienne est inaliénable. Cela veut dire que même si un Algérien voudrait renoncer à sa nationalité, il ne le peut pas. L’administration, en particulier la police des frontières, reconnaît de facto et non de jure le passeport étranger entre les mains d’un Algérien», précise-t-il. Le sociologue souligne aussi que le «droit international ne permet pas à un Etat de transformer des citoyens en apatrides». «Ce projet risque de créer des réfugiés algériens sans passeport dont s’occuperont des organismes comme l’UNRWA. Si le gouvernement le fait, l’Algérie sera condamnée dans toutes les institutions internationales, y compris à l’ONU. Le ministre Zeghmati a menacé de déchéance des opposants établis à l’étranger, mais ce n’est qu’une menace. Cela renseigne sur la culture politique du ministre de la Justice, qui confond Etat et tribu», dénonce-t-il. Et d’enchaîner : «Dans le passé, quand quelqu’un commet une faute grave, par exemple un meurtre, la tribu l’exile. Il devient manfi (exilé). La tribu tatbarra menhou (le renie). Zeghmati croit que l’Etat algérien est une tribu.»