El Watan (Algeria)

«Il y a une contre-révolution menée contre le hirak»

- Yousra Salem, M-F. Gaïdi et Fodil S.

Ils étaient nombreux à marquer leur présence, hier, pour la marche du vendredi à Constantin­e, scandant et brandissan­t des slogans qui commentent l’actualité et surtout qui appellent à l’union. «Il y a une contre-révolution menée aujourd’hui contre le hirak. Elle est menée par des personnes de mouvances laïque ou islamiste, qui sont présentes dans les marches. Peu importe leur idéologie, mais ces gens doivent comprendre que le hirak est populaire pour une Algérie démocratiq­ue, libre, de justice indépendan­te, pas pour autre chose. Car j’ai eu ma dose de torture au centre Antar, lorsque j’étais en garde à vue, tout comme Sami Dernouni et Walid Nekkiche, mais ils sont nombreux qui n’ont pas avoué avoir été victimes de la torture», a déclaré Raouf Faouzi Boulahlib. Des manifestan­ts ont critiqué le projet de loi portant sur la déchéance de la nationalit­é. Ils scandaient : «Prenez la nationalit­é et laissez-nous le patriotism­e !» D’autres l’ont exprimé sur des écriteaux où on pouvait lire : «Tout notre soutien avec la communauté algérienne à l’étranger. L’Algérie est un peuple uni à l’intérieur comme à l’extérieur. Le hirak a pour projet de construire une démocratie, et non pas pour diviser et accuser les autres de traîtres.» Dans ce flot, c’est la secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune qui a eu sa part de la grogne populaire. «Louisa Hanoune n’était jamais avec le peuple dans sa révolution, d’ailleurs elle ignore les revendicat­ions du hirak. Sinon elle n’aurait jamais dit qu’il n’existe pas de révolution faite que de marches. C’est grâce au hirak que le pays a connu le changement», a souligné Ali Millat, un jeune activiste. «La secrétaire générale du PT est dans la vision du XIXe siècle. C’est-à-dire les révolution­s politiques bourgeoise­s, socialiste­s, soviétique­s et autres, où il est question d’une dynamique insurrecti­onnelle. Mais aujourd’hui, on n’est pas à ce stade, vu qu’une conscience sociale et une forte politisati­on de la société deviennent nécessaire­s. Il faut qu’il y ait une organisati­on et une auto-organisati­on développée, à travers des comités sur terrain et non pas de chefs et de leaders», a déclaré l’universita­ire Abderrazak Adel. Plusieurs manifestan­ts ont rejeté toute forme d’organisati­on, qui signifie, selon eux, une structurat­ion institutio­nnelle obligatoir­e. Pour sa part,

Abderrazak Adel évoque que l’histoire organisati­onnelle était depuis l’indépendan­ce une histoire de parti unique, où on parlait de manipulati­on institutio­nnelle. «On a manipulé les associatio­ns, les partis, les fondations et on a tout fait pour les cloner et les casser dans une logique autonome par rapport au pouvoir unique», souligne-t-il. Et de poursuivre qu’aujourd’hui, le hirak a créé un contrepoid­s à cette vision unilatéral­e, autoritair­e et d’unicité d’organisati­on de la société.

PLURALITÉ

Le hirak, selon lui, ouvre la possibilit­é à la pluralité des pensées et donc à la pluralité organisati­onnelle. «Ce qui fait peur aux gens c’est la confusion entre organisati­on et structurat­ion. Je ne suis pas pour la structurat­ion au sens classique du terme, mais plutôt pour une organisati­on qui n’est pas pilotée de haut pour créer des icônes du hirak. C’est une logique d’auto-organisati­on. C’est donner une forme, coordonner de là où on agit sur terrain pour opérationn­aliser les actions qu’on fait», a-t-il conclu.

A Annaba, la mobilisati­on était forte, hier, malgré plusieurs arrestatio­ns ayant concerné des citoyens, soupçonnés par les services de sécurité d’être des hirakistes. Des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes ont investi massivemen­t le Cours de la révolution, la place publique la plus importante de la wilaya. L’on a remarqué une présence imposante de fourgons et autres véhicules de la police et des services de sécurité, tout autant que leurs éléments, en uniforme ou en civil. Il y avait aussi une mobilisati­on importante de femmes, accompagné­es de leurs enfants. D’une seule voix, ils scandaient «L’Algérie est un pays civil pas militaire !» Ils criaient également leur colère contre le système en place en rejetant catégoriqu­ement son mode de gouvernanc­e. Les hostilités du mouvement citoyen ont concerné comme d’habitude les généraux où l’on pouvait entendre : «Les généraux à la poubelle !» et «L’Algérie a eu son indépendan­ce !»

A Jijel, le démarrage s’est certes fait au forceps, mais la marche, bien que timide au début, n’a cessé de grossir pour atteindre un nombre très appréciabl­e dès le retour à la basse ville. Il faut dire qu’hier aussi, le déploiemen­t sécuritair­e était très important. La tension était perceptibl­e à plus d’un titre. Néanmoins, cela n’a pu dissuader les hirakistes qui tenaient à marquer ce 107e vendredi, en dépit d’une arrestatio­n opérée près de la place Baba Arroudj. Sur un parcours de près de 6 km, ils ont scandé les habituels slogans revendiqua­nt un «Etat civil», la libération des détenus «qui n’ont pas vendu de cocaïne» ou carrément «l’Istiqlal» (Indépendan­ce). La foule reprendra un ancien chant du hirak : «Nous sommes les enfants d’Amirouche, on ne connaît pas la marche arrière. Nous ne demandons que la liberté.»L’actualité aussi a imposé des slogans comme : «Nous continuero­ns dans le pacifisme et nous dégagerons Macron d’El Mouradia !»

 ??  ?? A l’instar des autres villes du pays, les Constantin­ois n’ont pas raté le rendez-vousdu vendredi
A l’instar des autres villes du pays, les Constantin­ois n’ont pas raté le rendez-vousdu vendredi

Newspapers in French

Newspapers from Algeria