«La nationalité en Algérie est un droit naturel que rien ne doit remettre en cause»
Le gouvernement prépare un nouveau texte de loi sur la déchéance de la nationalité visant les ressortissants algériens à l’étranger. Quelle analyse en faites-vous ?
Bien que nous n’ayons pas eu accès à tous les éléments constituant ce nouveau projet de loi, nous pouvons d’ores et déjà relever un point primordial sur la nationalité en Algérie. Dans notre pays, la nationalité est essentiellement transmise par le sang et les quelques rares cas de naturalisation ne sont que des exceptions qui confirment la règle. Nous sommes donc dans un cas de droit naturel, que rien ne peut remettre en cause. La nationalité d’origine, telle que conçue chez nous et dans bien d’autres pays, ne doit normalement pas être concernée par la déchéance. Aucune loi ne peut supprimer un droit naturel. La déchéance de la nationalité est posée dans des pays où les étrangers peuvent prétendre facilement à la naturalisation, qui est soumise à des conditions. La déchéance pourrait donc intervenir dans le cas de non-respect prouvé de ces conditions mais en suivant une procédure judiciaire assez lourde et complexe.
Cet avant-projet de loi a suscité beaucoup d’appréhensions, notamment auprès des militants politiques et des défenseurs des droits de la personne. A votre avis, ce texte peut-il être un nouvel outil de représailles contre ceux qui s’opposent aux autorités ?
Effectivement, de telles appréhensions ne peuvent qu’être justifiées dans le contexte politique actuel que nous vivons.
Le système algérien, dans sa configuration actuelle, pourrait utiliser de façon abusive cette loi comme instrument de pression contre tout opposant politique. Il faut savoir que les Algériens tiennent à leur nationalité plus que tout autre chose. Certains d’entre eux préféreraient une condamnation à mort que la déchéance de la nationalité transmise par leurs parents et grands-parents. C’est pour cette raison que de tels textes juridiques nécessitent pour leur application une justice indépendante afin d’éviter toute forme de dérapage. Il faut remonter dans l’histoire pour voir comment la déchéance de la nationalité a été utilisée par des régimes fascistes pour réprimer des populations qui s’opposent à leurs politiques.
D’autres pays ont-ils adopté des lois similaires ?
La législation de nombreux pays contient des dispositions précises et claires sur la déchéance de la nationalité. Cependant, dans des pays perçus comme étant fermés, les textes de loi sont conçus de sorte à ce qu’ils puissent être utilisés comme un outil contre les opposants. En Egypte, à titre d’exemple, qui est dirigée d’une main de fer par le président Abdelfattah Al Sissi, une loi similaire a été adoptée tout récemment. Il semblerait que nos dirigeants s’en sont inspirés.
Cet avant-projet de loi intervient quelques jours après la dissolution de l’Assemblée populaire nationale (APN), ce qui permettrait donc sa promulgation par ordonnance. Qu’en pensez-vous ?
Avec la dissolution de l’APN, il y a effectivement vacance du Parlement qui permet la légifération par ordonnance, telle que définie dans l’article 142 de la Constitution. Mais la Constitution limite la légifération par ordonnance aux cas urgents, ce qui nous amène à poser cette question : la déchéance de la nationalité constitue-t-elle une urgence ? Bien évidemment non. Si on suit cette voie, on s’éloignerait de l’esprit de la Constitution et on serait en présence d’une aberration juridique. Dans les Etats de droit, un texte aussi sensible et important fait l’objet d’un large débat national et ne pourrait que suivre la voie parlementaire.