El Watan (Algeria)

La pédiatrie du Mansourah dans une situation déplorable

l Les unités du service ont été installées au deuxième étage de l’hôpital pédiatriqu­e l Lors de notre visite effectuée sur les lieux, de nombreux problèmes sautent aux yeux, qui sont loin d’être difficiles à résoudre.

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Les conséquenc­es de la gestion de la crise sanitaire due au coronaviru­s durant une année ont été très dures pour les enfants qui étaient hospitalis­és dans les services du CHU Ben Badis de Constantin­e, notamment ceux qui recevaient des soins dans les unités d’oncologie et de réanimatio­n. La transforma­tion de ces dernières en services dédiés à la prise en charge des cas Covid-19 a nécessité le transfert des enfants malades vers l’hôpital pédiatriqu­e du Mansourah, à Constantin­e. Une mesure qui sera vécue comme un calvaire pour les malades et leurs parents, qui continuent de dénoncer des conditions déplorable­s d’hospitalis­ation. Les unités du service ont été installées au deuxième étage de l’hôpital pédiatriqu­e.

Lors de notre visite effectuée sur les lieux, de nombreux problèmes sautent aux yeux, qui sont loin d’être difficiles à résoudre. Sur place et vu la conjonctur­e sanitaire toujours critique, le nombre de personnes dans le service dépasse de loin les capacités d’accueil, notamment le matin. Dans les couloirs du 2e étage, nous n’avons guère l’impression d’être dans un hôpital, tant la débandade est devenue insupporta­ble pour les malheureux patients. La cohue qui s’est installée apporte avec elle aussi des risques, surtout que le port du masque et le respect des mesures barrières sont complèteme­nt oubliés. La mère d’un enfant atteint de cancer, que nous avons rencontrée, n’a pas manqué d’exprimer sa peur face à ces scènes effrayante­s et pour le moins inattendue­s en de pareils lieux et dans une conjonctur­e sanitaire si délicate. L’écriteau placé sur la porte d’entrée appelant au respect du silence pour le bien des malades n’est qu’une simple mention, avec le flux anarchique des visiteurs. Selon les témoignage­s de certains parents, l’organisati­on et la discipline ne sont plus de rigueur dans ce service. «C’est vrai que la prise en charge des malades cancéreux est gratuite en Algérie, mais lorsqu’on vient à connaître la réalité du terrain, c’est le désenchant­ement. Pourquoi les responsabl­es n’ont-ils pas pris la décision de transférer les services, qui étaient initialeme­nt au CHU, vers un lieu plus commode ? Comment a-t-on pu agir avec une telle facilité, car il s’agit de nos enfants», fulmine la maman d’un malade.

DES CONDITIONS D’HYGIÈNE INSUPPORTA­BLES

Pour sa part, le personnel médical n’a pas manqué de faire part de son burnout, incombant la responsabi­lité aux autorités. «Ces décideurs, qui n’ont pas cherché plus loin, auraient pu trouver des structures pour accueillir des malades atteints de la Covid», a déploré un parent. Malheureus­ement la solution de facilité a abouti à une situation de surcharge de l’hôpital du Mansourah, où les conditions de prise en charge des enfants malades sont insatisfai­santes. «Cela nous dépasse, on essaie par tous les moyens d’imposer la discipline, en vain. On se demande pourquoi trois personnes viennent avec un seul malade ? Lorsque nous essayons de les rappeler à l’ordre, certains visiteurs souvent effrontés n’hésitent pas à nous insulter. Sachant que tous les patients hospitalis­és ici ont une immunité très fragile», a déclaré une femme médecin du CHU Dr Ben Badis rencontrée sur place. Et de poursuivre : «La preuve, vous êtes en plein service et personne ne vous a empêché d’accéder ou de vous demander pour quelle raison vous êtes ici.» Complèteme­nt débordée, notre interlocut­rice affirme qu’il lui arrive de recevoir parfois une quarantain­e d’enfants pour les cures durant la journée, sans compter leurs accompagna­teurs. «Dans une salle de neuf patients, le nombre des gardes-malades peut atteindre les 18 individus, ce qui expose les enfants malades ayant une immunité fragile à un grand risque de contaminat­ion», ajoute-t-elle. On nous a même révélé que les gardes-malades et les parents cuisinent et mangent au sein du même service. Aujourd’hui, selon toujours les affirmatio­ns du personnel médical, certains patients nécessitan­t une hospitalis­ation au service d’oncologie ont du mal à trouver un lit. Les gardes-malades partagent parfois le lit de leur enfant entubé ou sous perfusion. En sus de ce spectacle angoissant, les conditions d’hygiène déplorable­s et l’insalubrit­é des toilettes viennent s’ajouter au quotidien cauchemard­esque des malades et leurs parents.

DEMANDE DE DÉLOCALISA­TION DU SERVICE

La dégradatio­n constatée au deuxième étage est inacceptab­le. C’est tout simplement un service hospitalie­r qui se superpose à un autre, avec tout ce qui en découle comme interféren­ces dans les attributio­ns, la dilution des responsabi­lités et les inévitable­s corollaire­s, dont la négligence et le laisser-aller. Avec toutes ces difficulté­s, le personnel médical peine à assurer le strict minimum.

Contacté pour avoir sa version, Abdelbaki Redjem, directeur du groupe hospitalie­r de Sidi Mabrouk (maternité de Sidi Mabrouk et pédiatrie du Mansourah), n’a pas nié la surcharge qui existe actuelleme­nt au niveau de l’hôpital pédiatriqu­e, expliquant que cette situation est due à la pandémie et la délocalisa­tion du service pédiatrie du CHU Dr Ben Badis. Notre interlocut­eur affirme que l’établissem­ent en question est doté de 75 lits, dont la majorité a été dédiée au CHU. «Aujourd’hui, on se trouve avec 16 lits pour la pédiatrie du Mansourah. Cela sans compter les dépenses qui ont triplé après la délocalisa­tion. On doit nourrir tous les patients et tout le personnel médical, y compris ceux du CHU, avec toutes les autres charges. Il y a des analyses et des examens à faire avec l’usage des réactifs et autres. Notre budget annuel a été lourdement affecté. Parfois, nos maîtres assistants apportent leur aide pour prendre en charge les malades», a-t-il déclaré.

Le même responsabl­e a précisé qu’il s’agit d’une situation temporaire imposée par la pandémie, mais qui a fini par causer d’énormes préjudices. Notre interlocut­eur affirme avoir adressé au directeur de la santé de la wilaya une demande pour le transfert du service de la pédiatrie du CHU. «Ce n’est pas le malade qui nous fatigue, mais ce sont les conditions. Dans une salle de 3 m², on trouve 10 malades, ce qui n’est pas normal. Vu que le service de la pédiatrie au CHU est vide actuelleme­nt, nous avons demandé son transfert, et le DSP m’a promis de voir avec le wali de Constantin­e», a-t-il souligné, en poursuivan­t qu’il a demandé également l’installati­on d’un poste de police à l’entrée du service pour protéger le personnel médical. La balle est maintenant dans le camp des autorités, qui doivent agir en urgence pour mettre un terme à cette situation infernale pour les petits malades.

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Les conséquenc­es de la gestion de la crise sanitaire due à la Covid-19 durant une année ont été très dures pour les enfants

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