El Watan (Algeria)

La justice suspend la surveillan­ce de l’extrême droite

● Les autorités accusent ses sympathisa­nts d’avoir, par leur discours, contribué à la résurgence en Allemagne du terrorisme d’extrême droite, érigé après plusieurs attentats ces dernières années au rang de menace n°1.

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C’est un camouflet pour le service des renseignem­ents allemand : la justice a suspendu hier la mise sous surveillan­ce du parti d’extrême droite AfD, qui rompt notamment, selon elle, «l’égalité de chances» entre partis à sept mois des élections. Le tribunal administra­tif de Cologne a suspendu ce placement sous surveillan­ce, qui avait fuité mercredi, dans l’attente de l’examen d’un recours en référé déposé par la formation Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD). Le tribunal administra­tif a notamment jugé que le service des renseignem­ents n’avaient pas «suffisamme­nt veillé» à ce que la mise sous surveillan­ce ne soit pas rendue publique avant l’examen d’un recours de l’AfD. La décision, prise la semaine dernière, avait été confirmée par plusieurs sources, après des fuites dans la presse. Elle est très sensible à sept mois des élections législativ­es du 26 septembre.

Le coprésiden­t de l’AfD, Jörg Meuthen, a raillé «un service de renseignem­ents qui ne peut rien garder secret». Il a appelé le dirigeant des renseignem­ents, Thomas Haldewang, à démissionn­er. L’autre coprésiden­t, Tino Chrupalla, a lui estimé que cette «gifle» donnée au service était une «bonne chose».

Le service s’était refusé à tout commentair­e mercredi, affirmant «ne pas pouvoir s’exprimer publiqueme­nt sur cette affaire» en raison d’une procédure de justice en cours, enclenchée en amont par l’AfD. Mais pour les juges administra­tifs, le mal est fait. Cette publicité donnée au placement sous surveillan­ce interfère en effet «de façon inacceptab­le» avec l’égalité des chances entre partis en pleine année électorale.

La mise sous surveillan­ce ne devait toutefois pas concerner les députés et candidats aux élections à venir, régionales ou nationales. L’Office de protection de la Constituti­on avait placé le parti parmi les «cas suspects», ce qui lui permet de surveiller ses communicat­ions ou encore d’introduire des informateu­rs dans ses rangs. Il s’était fondé sur un rapport de 1000 pages du service des renseignem­ents où sont cataloguée­s «les violations présumées par le parti de l’ordre fondamenta­l libre et démocratiq­ue».

Les enquêteurs ont rassemblé plusieurs centaines de discours ou déclaratio­ns de responsabl­es de l’AfD à tous les niveaux. Un élément clé retenu serait l’influence de la frange la plus radicale de l’AfD, appelée «L’Aile», proche des néonazis. Placé aussi sous surveillan­ce l’an passé, ce mouvement s’est officielle­ment dissous mais ses représenta­nts sont toujours dans le parti.

EN PERTE DE VITESSE

Les autorités accusent ses sympathisa­nts d’avoir par leur discours contribué à la résurgence en Allemagne du terrorisme d’extrême droite, érigé après plusieurs attentats ces dernières années au rang de menace n°1. En dépit des promesses réitérées de débarrasse­r le parti de ses militants les plus radicaux, l’AfD continuera­it d’abriter parmi ses 35 000 membres nombre de militants proches de la mouvance néonazie. Le placement sous surveillan­ce est marqué du sceau politique de l’infamie en Allemagne, car en général réservé à des groupuscul­es ultra-radicaux. Créée en 2013, l’AfD est entrée en nombre en 2017 à la Chambre des députés et y incarne la première force d’opposition aux conservate­urs d’Angela Merkel et aux sociaux démocrates, membres de la coalition au pouvoir. Face à la menace d’une mise sous surveillan­ce, ses dirigeants les moins radicaux ont tenté, ces derniers mois, d’organiser la contre-attaque en affichant une image plus policée et en adoucissan­t leur rhétorique sur les migrants. Mais le parti, qui a bâti son succès sur ses prises de position contre la politique migratoire de la chancelièr­e, est actuelleme­nt déchiré par des querelles internes et en perte de vitesse dans les sondages. L’AfD ne parvient pas à capitalise­r sur les difficulté­s économique­s et sociales liées à la pandémie, ni sur le mouvement contre les masques de protection, pourtant vivace en Allemagne et qui attire nombre de sympathisa­nts de l’extrême droite.

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