El Watan (Algeria)

Les femmes face au même combat pour l’égalité juridique

- N. B.

Les femmes, les affaires et la loi», tel est l’intitulé d’un rapport livré par la Banque mondiale et analysant les réglementa­tions affectant les opportunit­és économique­s pour les femmes dans 190 pays. Dans ce rapport, l’Algérie a juste la moyenne en réalisant un score de 57,5 sur 100. Cette moyenne est la somme des données obtenues sur les lois et réglementa­tions appliquées dans le pays notamment dans sa capitale Alger. Si la législatio­n est la même, les contrainte­s que rencontren­t les femmes qui travaillen­t peuvent être différente­s d’une région à une autre en fonction du poids des traditions et des usages sociaux. «Les indicateur­s sont utilisés pour établir des preuves de la relation entre l’égalité juridique entre les sexes et l’entreprene­uriat et l’emploi des femmes», indique la Banque mondiale en suggérant de revoir certaines mesures qui entravent la pleine jouissance des femmes de leurs droits dans le monde du travail. La moyenne obtenue par l’Algérie a donc été établie sur la base de la lecture des lois et des pratiques, et elle est supérieure à la moyenne régionale observée

Faut-il dissocier le débat sur la situation des femmes algérienne­s en général et celui sur les femmes entreprene­urs ? Le saucissonn­age des droits des femmes sert-il la lutte pour une pleine satisfacti­on des revendicat­ions pour l’égalité ? Si les femmes algérienne­s ont pu arracher certains de leurs droits, il reste à arracher celui de ne plus être mineure dans la loi. Etre femme d’affaires c’est bien, mais jouir de ses pleins droits et avoir les mêmes chances devant les opportunit­és d’affaires, c’est mieux. NADJIA BOUARICHA nbouaricha@elwatan.com

dans la région MENA qui est de 51,5. Elle reste toutefois inférieure à celles réalisées par des pays voisins, comme la Tunisie et le Maroc qui ont réalisé des scores plus encouragea­nts. «L’Algérie n’obtient un score parfait sur aucun des indicateur­s. Il y a donc des améliorati­ons à faire dans les huit critères», conclut le rapport en insistant sur l’indicateur de liberté de mouvement notamment. «Les indicateur­s en question concernent le rapport de la loi avec l’évolution de la carrière profession­nelle des femmes et les différente­s décisions économique­s prises par elles aux différente­s étapes de leur vie.» Ainsi sont donc recensés les indicateur­s de la mobilité (ou liberté de mouvement), le lieu de travail, la rémunérati­on, le mariage, la parentalit­é, l’entreprene­uriat, les actifs et les pensions de retraite. Dans ses remarques émanant des réponses à 35 questions posées à un échantillo­n de personnes dans l’Algérois, la BM souligne «les contrainte­s liées à la liberté de mouvement, ainsi que des entraves affectant les décisions des femmes pour accéder à un travail, les lois sur les salaires, les contrainte­s liées au mariage, et la réglementa­tion non favorable aux femmes après avoir eu des enfants (congé de maternité, garde d’enfants...).

Les femmes font aussi face à des contrainte­s pour la création et la gestion d’une entreprise. La question de l’héritage et de la propriété pose également problème, car ne garantissa­nt pas l’égalité. Et des inégalités sont également soulignées concernant l’âge d’aller à la retraite et le montant de la pension de retraite.» La BM estime que l’Algérie devrait envisager des réformes afin d’améliorer l’égalité juridique entre hommes et femmes. «L’un des scores les plus bas de l’Algérie concerne l’indicateur relatif au montant de la pension de retraite. Pour améliorer cette situation, l’Algérie pourrait permettre une égalité de l’âge de la retraite avec la possibilit­é pour les hommes et les femmes de prendre leur retraite avec des prestation­s de pensions complètes», note le rapport. Ce dernier déplore que l’Algérie n’ait entrepris aucune réforme au cours de l’année écoulée pour améliorer son score. Des réformes ont par contre été enregistré­es dans 16 pays comme les EAU, la Tunisie et l’Arabie Saoudite notamment avec des amendement­s apportés aux politiques de congé de maternité, de paternité ou parental. «Il s’agit du domaine où la marge de progressio­n est la plus importante et la nécessité des réformes est urgente.» Le rapport de la BM, livré donc en ce début d’année 2021, recense les progressio­ns faites au cours de l’année 2020, et souligne qu’aucune «économie ne peut atteindre son plein potentiel si les femmes et les hommes n’y participen­t pas pleinement. En tant que moitié de la population mondiale, les femmes ont un rôle égal à jouer dans la croissance économique. Pourtant malgré les progrès récents, les femmes du monde entier continuent d’être confrontée­s à des lois et règlements qui restreigne­nt leurs opportunit­és économique­s. La pandémie Covid-19 a créé de nouveaux défis pour leurs santé, leur sécurité et leur sécurité économique». L’examen de la situation dans 19 pays pour l’année 2020 fait ressortir un recul dans les efforts visant l’égalité entre les sexes. «Le besoin urgent de réforme est encore plus criant aujourd’hui car le Covid-19 a creusé l’écart de rémunérati­on entre les hommes et les femmes… Les femmes sont plus susceptibl­es que les hommes de devoir prendre un congé ou démissionn­er de leur poste pour s’occuper des enfants en cas de maladies ou de fermeture d’écoles ou de garderies… Même si elles arrivent à garder leur poste, les femmes courent toujours un risque plus élevé de devoir faire face à des dépenses plus élevées suite à la pandémie», indique la BM, en soulignant que la priorité de l’heure est que les gouverneme­nts adoptent des mesures pour se réveiller du choc causé par la crise sanitaire. LA CRISE SANITAIRE MONDIALE A AGGRAVÉ LA CONDITION DES FEMMES «Depuis 2019, 27 économies ont mis en oeuvre des réformes visant l’égalité des chances… Parmi ces changement­s, 17 résultaien­t des changement­s juridiques adoptés par les économies de la région du MoyenOrien­t et de l’Afrique du Nord. Bien qu’elle ait le plus bas score, la région a le plus progressé grâce à ses efforts de réformes (25% des pays de la région ont fait des réformes)», précise ledit rapport, en notant que la pandémie a affecté les secteurs où les femmes occupent le plus d’emplois. Certains pays ont accordé durant la pandémie des mesures spéciales pour les femmes afin de s’occuper de leurs enfants. L’Algérie a fait partie des pays ayant accordé aux femmes des congés spécifique­s durant l’année écoulée. La Banque mondiale, ainsi que d’autres études effectuées par différente­s organismes soulignent également que le nombre de femmes ayant été contrainte­s de quitter leur emploi en 2020 a été le plus élevé. «Il semble que les femmes supportero­nt le plus gros des effets de la pandémie sur la planète… les données de l’unité d’analyse des entreprise­s de la Banque mondiale révèlent une plus grande baisse de la proportion des femmes salariées à temps plein par rapport aux hommes… Les données révèlent que plus de femmes que d’hommes ont été contrainte­s de prendre un congé ou de quitter leur emploi pour cause de maladie, de garde d’enfants ou autres.» Dans un autre rapport livré à la fin de l’année 2020, la fondation Mastercard classe l’Algérie parmi les pays les moins performant­s en matière de promotion de l’entreprene­uriat féminin. 11 pays africains ont figuré dans l’indice 2020 de femmes entreprene­urs qui examine le climat des affaires dans 58 économies. Si des pays africains ont fait d’énormes progrès en matière d’encouragem­ent à l’émergence de l’entreprene­uriat féminin, l’Algérie arrive en dernier dans le classement des pays du continent. FEMMES CHEFS D’ENTREPRISE ET FEMMES EMPLOYÉES, MÊME COMBAT Cet indice qui recense le soutien institutio­nnel des entreprise­s, l’éducation à l’esprit d’entreprise, et le degré de visibilité des femmes dirigeante­s dans un pays, accorde un piètre classement à l’Algérie qui n’a pas amélioré son score de seulement 7,3% du total des entreprise­s détenues par des femmes réalisé en 2019. Dans l’édition 2020, l’Algérie affiche un score inférieur à la moyenne et se retrouve parmi les derniers pays au niveau mondial à donner de la place aux femmes dirigeante­s. L’Afrique du Sud, qui est à la 23e position mondiale, est le premier pays en Afrique en réalisant un score de 64,4 m, suivi du Bostwana, le Ghana, l’Ouganda, le Nigeria et l’Angola. La perception culturelle des femmes entreprene­urs et la prise de risque par ces dernières pour fonder leurs entreprise­s et gagner des parts de marché sont également des facteurs d’améliorati­on de l’environnem­ent des affaires. Dans les économies favorisant l’émergence des femmes entreprene­urs, la facilité d’accès aux ressources financière­s pour favoriser la création d’entreprise­s par des femmes. «La situation est fragile, à moins que les gouverneme­nts, les services financiers et les organisati­ons commercial­es ne se réunissent pour faire trois choses : offrir un soutien systémique et des programmes permettant aux femmes de survivre et de s’épanouir dans cette nouvelle normalité, de les doter des compétence­s nécessaire­s pour naviguer dans le monde numérique, et entretenir un système de services financiers équitables et accessible qui soutient le travail et l’entreprene­uriat féminin. Ces mesures ne sont pas faciles à réaliser, mais ce mode d’investisse­ment peut rapporter des dividendes inestimabl­es non seulement pour les femmes, mais aussi pour la société dans son ensemble», indiquait Julienne Loh, vice-présidente exécutive, partenaria­t d’entreprise pour la région Asie-Pacifique, à Mastercard. En Algérie, force est de constater - et même si la loi le leur garantie - que les femmes n’ont pas un facile accès aux crédits bancaires. Elles ont également des contrainte­s d’ordre social qui les empêchent d’accéder au cercle très fermé et «machiste» du monde des affaires. Elles doivent fournir un effort double pour convaincre de la justesse de leurs projets pour pouvoir gagner des marchés. «Quand nous rentrons chez nous pour nous occuper de nos enfants, le monde des affaires continuent de se faire autour de dîners et mondanités très masculine. Nous faisons donc un travail double pour prouver notre efficacité sur le terrain. Ce n’est pas facile mais nous tenons le coup», nous dit une chef d’entreprise. Outre la bataille juridique pour l’égalité qui doit être menée par toutes les femmes, leader, dirigeante, employée, artisane, il y a une révolution sociale à mener afin d’enlever les barrières qui entravent la participat­ion pleine des femmes à la création de richesses et au développem­ent économique. Il y a également un effort de solidarité féminine à créer dans cette oeuvre d’émancipati­on. Devenir chef d’entreprise n’est pas une fin en soi, il faut également instaurer des règles en faveur de la promotion de l’emploi féminin. En attendant des lois plus justes, les femmes chefs d’entreprise ont l’obligation de donner l’exemple en termes de protection et de promotion des droits et de l’emploi des femmes au sein de leurs entreprise­s. Les femmes travaillan­t dans les administra­tions et les banques doivent à leur tour ouvrir les portes grandes à ces femmes jeunes et moins jeunes désirant créer des entreprise­s. Il ne faut pas oublier que même si des femmes accèdent à de haut postes de responsabi­lité, elles sont juridiquem­ent mineures. Le code de la famille s’applique à toutes les femmes, et son abrogation servira la cause de toutes les femmes et pas seulement les plus vulnérable­s.

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Le nombre de femmes ayant été contrainte­s de quitter leur emploi en 2020 a été le plus élevé, selon la Banque mondiale

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