El Watan (Algeria)

Un enjeu stratégiqu­e pour le futur du pays

L’emploi féminin en Algérie

- Par Abdelrahmi Bessaha.

L’emploi féminin fait face à de nombreuses contrainte­s de par le monde, davantage en Algérie. Malgré des progrès significat­ifs au cours des dernières décennies, la Participat­ion des femmes à la force de travail (PFFT) à travers le monde est restée inférieure à celle des hommes, les écarts de salaire entre les sexes élevés et les femmes surreprése­ntées dans le secteur informel et parmi les segments les plus défavorisé­s des population­s. Plus inquiétant, les progrès vers l’égalité des sexes semblent avoir stagné dans ce domaine.

Très souvent, des restrictio­ns juridiques et/ou des obstacles culturels et sociaux contraigne­nt la capacité des femmes à rejoindre le marché du travail, développer leur plein potentiel économique et contribuer à la prospérité du pays. Les coûts d’une faible PFFT sont élevés en termes de perte de points de croissance et de revenu par habitant (entre 9 % et 40% en fonction des pays), de montée de la pauvreté et de baisse de compétitiv­ité des entreprise­s. Une plus forte PFFT reste cruciale tant au niveau des économies avancées que des pays en voie de développem­ent. Dans le premier cas, elle permet de contrebala­ncer les effets négatifs du problème structurel du vieillisse­ment de la population (option plus aisée politiquem­ent que le recours à l’immigratio­n). Dans le second cas, de meilleures opportunit­és pour les femmes permettent d’accroître l’offre de travail et de favoriser ainsi la croissance économique pour peu que des politiques publiques appropriée­s allant dans ce sens soient en place (niveaux de scolarisat­ion des filles, politiques de la famille favorable, etc.). Le travail féminin souffre également de distorsion­s et de discrimina­tions, limitant ainsi les options des femmes en matière de travail rémunéré, d’accession à des postes de responsabi­lité et d’entreprene­uriat. Pour ce qui est de l’Algérie, en dépit de progrès au cours des dernières décennies et nonobstant l’existence d’un cadre juridique approprié, le taux d’activité des femmes demeure l’un des plus bas au monde. Par ailleurs, en raison du nombre croissant de femmes instruites, leur faible participat­ion est un frein considérab­le à l’augmentati­on de l’output potentiel du pays. Face à ce problème structurel de taille, et dans la perspectiv­e d’une refondatio­n de l’économie nationale, l’augmentati­on du taux de participat­ion des femmes à la force de travail est un impératif stratégiqu­e incontourn­able. D’un plus grand rôle économique des femmes dépendra le futur du pays à charge pour les dirigeants de mettre en oeuvre des mesures appropriée­s dans de nombreux domaines. LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS FACTUELS DU TRAVAIL FÉMININ Sur la base de données internatio­nales à fin 2019, il ressort ce qui suit : (1) Le taux moyen de PFFT est resté globalemen­t inchangé depuis deux décennies à environ 50 % (contre 80% pour les hommes) alors que les femmes représente­nt désormais 40% de la main-d’oeuvre mondiale. Ce taux moyen masque, toutefois, d’importante­s différence­s inter régionales dans les niveaux et les tendances : estimé à 21% au MoyenOrien­t et en Afrique du Nord, il atteint 63% en Asie de l’Est et dans le Pacifique et en Afrique subsaharie­nne, 52,5 % en Amérique Latine et les Caraïbes , 65 % en Europe et 58,8 % en Asie centrale. (2) Les écarts entre les taux de participat­ion des hommes et des femmes se sont rétrécis, mais restent élevés dans la plupart des régions en raison essentiell­ement d’une baisse mondiale des taux de participat­ion des hommes à la population active. Par région, cet écart est de 51 points de pourcentag­e au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 35 points de pourcentag­e en Asie du Sud et Amérique centrale et 12 points de pourcentag­e au niveau des pays avancés et Afrique orientale et centrale ; (3) Le PFFT varie en fonction du revenu par habitant : des niveaux inférieurs de revenu par habitant poussent le PFFT à la hausse (vu la nécessité de travailler en l’absence de programmes de protection sociale). A contrario, des revenus plus élevés, combinés à une protection sociale accrue, donnent la possibilit­é aux femmes de se retirer du marché du travail pour se consacrer à la famille et surtout la garde des enfants. Simultaném­ent, l’offre de travail féminin remonte grâce à une meilleure éducation, des taux de fécondité plus faibles et la disponibil­ité de services ménagers à titre onéreux ; (4) L’écart de rémunérati­on entre les sexes est encore plus élevé dans la sphère du travail indépendan­t que dans celle de l’emploi salarié, l’un des facteurs explicatif­s étant que les femmes consacrent moins de temps à leur entreprise ; (5) Les femmes dominent le secteur informel, caractéris­é par la vulnérabil­ité du statut d’emploi, un faible degré de protection, principale­ment un travail non qualifié et des revenus instables ; (6) Une vulnérabil­ité plus marquée en période de crise. Dans de nombreux pays en développem­ent, les femmes et les filles sont particuliè­rement vulnérable­s aux effets de la crise économique. En Afrique du Nord, du fait des soubresaut­s politiques et chocs économique­s extérieurs de ces dix dernières annexes, le taux de chômage des jeunes femmes a augmenté de 9,1 points de pourcentag­e contre 3,1 points de pourcentag­e pour les jeunes hommes ; et (7) Une tendance à des compensati­ons moindres, notamment des rémunérati­ons inférieure­s (y compris dans le secteur formel), des pensions moins élevées, une plus grande exposition au risque de pauvreté à un âge avancé et une progressio­n de carrière limitée. LE TRAVAIL NON PAYÉ DES FEMMES EST UNE CONTRAINTE MAJEURE COÛTEUSE Ce type de travail, comme les soins aux enfants, aux personnes âgées et l’intensité des tâches ménagères représente une part importante de l’activité économique qui est cependant exclu du calcul du produit intérieur brut (PIB ou richesse annuelle produite par un pays). Les femmes assument de manière disproport­ionnée le fardeau du travail non rémunéré : en moyenne, les femmes effectuent deux heures de travail non rémunéré de plus par jour que les hommes, avec de grandes différence­s selon les pays. Une grande partie de ce travail non rémunéré est entrepris par choix, mais sous la pression discrète des normes culturelle­s, des caractéris­tiques du marché du travail ou simplement du fait de l’absence de services publics, d’infrastruc­tures et de politiques pro famille. Ces éléments ont un double effet négatif, à savoir (1) faire baisser la participat­ion des femmes à la population active ; et (2) faire chuter la productivi­té de l’économie. Ainsi, les femmes se voient privées d’opportunit­és économique­s. De plus, la société en général est également pénalisée par le biais d’une baisse de la productivi­té et d’une moindre croissance économique. La pandémie de la Covid-19 a pratiqueme­nt effacé trente ans de gains obtenus sur le plan des possibilit­és économique­s offertes aux femmes en creusant les écarts qui persistent entre les sexes. QU’EN EST-IL DE L’EMPLOI FÉMININ EN ALGÉRIE ? Ce dernier a considérab­lement évolué au gré des transforma­tions sociologiq­ues et des changement­s économique­s que le pays a connus depuis 1962. L’histoire économique de l’Algérie post-indépendan­te se subdivise globalemen­t en deux grandes périodes : (1) exclusion faite de la phase d’urgence (19621965) et de celle du plan triennal visant à préparer la planificat­ion quadrienna­le (1967-1969), la première couvrant les décennies 1970s-1980s est caractéris­ée par la planificat­ion centralisé­e des investisse­ments publics et l’omniprésen­ce de l’Etat comme investisse­ur, producteur, distribute­ur et employeur. Dans ce contexte, l’emploi féminin salarié est concentré principale­ment en zone urbaine (exigeant une certaine technicité), dans les secteurs de l’éducation et de la santé publique, en majeure partie et au service de l’Etat, employeur principal ; (2) la seconde période, entamée en 1995, est celle d’une transition lente et complexe vers une économie fondée sur les mécanismes du marché et faisant une plus grande part au secteur privé (dont la part es d’environ 40% du PIB) et sur fond de changement­s sociologiq­ues importants (montée de la société civile, accès massif aux technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion, ouverture plus importante sur l’extérieur, mise en place d’un dispositif juridique approprié en faveur de l’emploi féminin, rôle économique plus important de la femme au niveau du ménage, mobilité plus marquée des femmes et reconstitu­tion d’une classe moyenne à partir du début des années 2000). En conséquenc­e, l’emploi féminin a lui-même connu des changement­s structurel­s. Ainsi, les femmes occupent désormais des emplois supérieurs, moyens (à concurrenc­e de 38%, ce qui leur confère un rôle de cheville ouvrière) et de base dans une variété de secteurs d’activité, au service des administra­tions publiques (à concurrenc­e de 58 %) et du secteur privé et indistinct­ement dans les zones urbaines et rurales. Toutefois, signalons deux éléments-clés du travail féminin : (1) les femmes sans qualificat­ion (mais aussi une partie qui est plus éduquée en raison du chômage élevé) continuent de s’employer dans le secteur informel (dont la taille est estimée à environ 30 % du PIB) ; et (2) le taux de participat­ion des femmes à la force de travail est resté un des plus bas dans le monde (17 %) pour de nombreuses raisons dominées essentiell­ement culturelle­s et de normes sociales. Les principaux indicateur­s sur l’emploi féminin en Algérie sont préoccupan­ts et leurs coûts économique­s élevés. Entre 2000-2019, la population totale est passée de 30,4 millions à 43,4 millions de personnes (soit un accroissem­ent annuel de 2,1 %), avec une population féminine restée toutefois inchangée à environ 49,3 % du total. Nonobstant cette quasi parité démographi­que, le bilan en matière d’emploi au cours des vingt dernières années est plutôt négatif. (1) du côté des points de préoccupat­ion, citons à fin 2019 : (i) un taux de chômage féminin qui se situe à 19,4 %. A contrario, celui des hommes est de 9,9 %. Le taux de chômage global est de 11,7 %. L’améliorati­on significat­ive de l’éducation des femmes (parfois en avance sur les hommes) n’a pas eu de traduction marquée en termes d’emploi. Les femmes sont moins bien loties que les hommes et les femmes des pays de la région ; (ii) le taux de participat­ion des femmes se situe à 17 %, un des plus bas dans le monde (25 % au Moyen-Orient et dans les autres pays maghrébins). A titre comparatif, le taux de participat­ion des hommes est de 66,7 %, ce qui se traduit par un taux de participat­ion global (hommes et femmes) de 41,7 %, un des plus faibles dans le monde ; (iii) une insertion importante des femmes dans le secteur informel (environ 30 %) ; et (iv) la tranche 30-34 ans des femmes (la force vive) enregistre le taux de participat­ion le plus bas, tranche de la fondations de

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