Le travail au noir comme palliatif
Un marché de l’emploi morose
En quête de revenus d’appoint pour les ménages, les femmes sont de plus en plus nombreuses à exercer des activités dans un cadre informel. Le phénomène a pris de l’ampleur ces dernières années avec la dégradation du pouvoir d’achat et les difficultés d’accéder à un emploi dans la sphère légale.
Nourrices, garde-malades, couturières, pâtissières, coiffeuses, vendeuses et biens d’autres catégories font partie de ces femmes actives, que ce soit à domicile ou à l’extérieur, loin du cadre légal et sans protection sociale. L’enquête sur l’emploi de l’Office national des statistiques (ONS) de 2019 réalisée auprès des ménages a conclu que 42% des personnes qui ont déclaré travailler n’étaient pas affiliées à la sécurité sociale avec une proportion prépondérante chez les femmes. Autre indicateur, sur les 1 449 000 chômeurs identifiés en 2019, 53% étaient des femmes. C’est parmi les 25-29 ans que se concentre le plus grand nombre de chômeuses. Ce qui montre que le taux de chômage des femmes est beaucoup plus élevé que celui des hommes. Entre 2009 et 2019, il oscillait entre 16 et 20% tandis que celui des hommes se situait entre 8 et 10.Au cours de cette période, l’emploi féminin avait atteint, selon l’ONS, un peu plus de deux millions, contre 1,4 million en 2009 alors que la proportion de femmes dans l’emploi total s’est accrue lentement passant de 15% en 2009 à 18% en 2019. Ce sont donc autant de points qui expliquent le recours au travail informel, considéré par les spécialités comme l’unique recours des femmes sans ressources financières régulières. Mais aussi sans grandes connaissances susceptibles de leur assurer une intégration dans le monde du travail. Ce sont, en effet, les femmes ayant un niveau d’éducation limité qui sont employées dans la sphère parallèle. Cela pour souligner que l’instruction est étroitement liée à l’informalité sur le marché de l’emploi féminin comme c’est le cas d’ailleurs dans d’autres pays du monde. Ce que confirme une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT) publiée en 2019. Près de 91% des femmes n’ayant suivi aucun enseignement ou ayant suivi un enseignement primaire occupent un emploi informel. Aussi, ces femmes sont plus exposées que les hommes au risque d’occuper un emploi informel dans les pays où le PIB par habitant est le plus faible, dont l’Algérie. VULNÉRABILITÉS D’autres facteurs expliquent ce phénomène. «En plus de l’éducation limitée, le manque de qualification, la richesse du ménage et les normes sociales jouent un rôle important dans l’intégration des femmes au marché du travail informel. Ces facteurs d’ordre économique et socioculturel accréditent l’idée de l’existence d’un secteur informel de survie pour les femmes et mettent en lumière leur rôle de reproduction sociale et non d’accumulation», a conclu dans une enquête Hassiba Gherbi, enseignante universitaire, qui a longuement travaillé sur ce dossier (lire entretien ci-contre). Par ailleurs, en raison des difficultés liées à la discrimination et la faible mobilité, l’emploi informel s’est présenté comme un substitut temporel répondant à de nouvelles pratiques sociales exercées par les exclues de la sphère administrée. Au fil des ans, les tergiversations observées en matière d’orientations économiques et le désengagement de l’Etat ont donné naissance à un développement sans précédent du travail informel chez les femmes sous ses différentes formes. Un travail qui est en perte de vitesse en cette période de pandémie.