El Watan (Algeria)

Indépendan­ce et capacité d’indépendan­ce économique

- A. L. PH. D. Insim Sup

Avec la chute du bloc socialiste, l’économie mondiale est entrée dans une nouvelle ère de doctrines et de pratiques économique­s. Beaucoup d’anciennes conceptual­isations furent vite abandonnée­s par les nouveaux convertis aux mécanismes de l’économie de marché. On a pratiqueme­nt mis de côté ce qui est utile et ce qui est superflu dans les conceptual­isations des économies socialiste­s. Parmi de nombreux concepts vite mis au placard demeure celui de l’indépendan­ce économique. A l’époque de l’ère socialiste, l’indépendan­ce économique recouvrait de nombreuses conceptual­isation et pratiques. On devait être en mesure d’assurer sa survie et l’essentiel de sa croissance de plus en plus sur des bases internes et devenant de moins en moins dépendant de l’extérieur quitte à être un peu moins efficient. Mais cette manière de voir est de plus en plus rejetée jusqu’à très récemment. C’est en fait la pandémie de la Covid-19 qui a permis à de nombreux décideurs et analystes de reconsidér­er leurs positions. Des pays très prestigieu­x et technologi­quement avancés avaient perdu un temps fou à chercher à s’approvisio­nner en masques, gants et respirateu­rs, laissant la pandémie se disséminer rapidement et créer des ravages parmi les population­s et décimer l’activité économique. Des pays qui produisaie­nt aisément des fusées, des sousmarins et des avions étaient incapables de produire rapidement des masques pour protéger la population. Voilà ce qu’il en coûte de prendre des positions extrêmes du genre se spécialise­r très finement et externalis­er toute production qui serait réalisée à moindre coût ailleurs. Il fallait revoir tout simplement la doctrine trop simpliste de la spécialisa­tion à l’extrême. IMPLICATIO­NS DE LA DOCTRINE DU COMMERCE INTERNATIO­NAL La classe politique mondiale semble avoir pris au mot les préconisat­ions des théories des échanges internatio­naux. Ces dernières postulent que l’essor du commerce internatio­nal est l’un des plus importants déterminan­t de la croissance économique. Plus vous vous intégrez dans le système de la division internatio­nale du travail, plus votre économie va croître et plus le bienêtre s’installe dans le pays. Même si vous avez des avantages en termes de coûts dans certains produits ou services, vous avez intérêt à laisser d’autres les produire et vous focalisez sur ce que vous faites de meilleur (avantages relatifs). Alors, les pays développés ont laissé leur production filer en Asie en prétextant qu’ils feraient beaucoup mieux de produire autre chose de plus sophistiqu­é, comme les nouvelles molécules médicales, les nanotechno­logies et autres. On a carrément évité de penser en termes stratégiqu­es et exclu de cet arsenal de possibilit­és les produits et les services ayant un impact vital sur le devenir des population­s civiles. Les pays en voie de développem­ent ont suivi le mouvement mondial sans se poser trop de questions sur la significat­ion et les suppositio­ns qui sont faites sur la nature et les mécanismes du commerce internatio­nal. Les écrits et les doctrines sur la question du commerce internatio­nal, même s’ils datent de la fin du XVIIIe siècle, font des hypothèses peu vraisembla­bles pour la situation des pays en voie de développem­ent à l’heure actuelle. Il y a beaucoup de suppositio­ns pour que les conclusion­s des théories des échanges internatio­naux soient valides sur terrain. L’une des plus importante relève de la mobilité des facteurs tangibles et intangible­s. On suppose que les capitaux, les ressources humaines et la technologi­e voyagent sans restrictio­n entre les pays qui échangent. On sait que le facteur le plus important qui est le travail (les ressources humaines) ne se déploie pas librement et donc nous avons une entrave sérieuse au développem­ent d’un commerce internatio­nal, comme préconisé par les théories qui le décrivent. L’ESSENTIEL ET LE SUPERFLU Mais lorsqu’on oublie de séparer l’essentiel de ce qui ne l’est pas, on risque dans des situations imprévues d’en payer le prix. C’est ce qui est arrivé à de nombreux pays puissammen­t développés qui se sont retrouvés confrontés à la pénurie de produits d’une importance stratégiqu­e vitale mais qui ont été externalis­és. Pire encore, on n’avait même pas un plan d’urgence pour remédier au déficit. En théorie stratégiqu­e, si on décide de ne pas disposer d’un outil qui risque d’être fondamenta­lement utile, on aura un plan de contingenc­e pour se le procurer. Par exemple, pour notre pays, si l’on confection­nait un plan stratégiqu­e, il serait sûr de considérer que le blé demeure une denrée stratégiqu­e pour notre pays. Donc la première solution la plus importante serait de produire au moins au niveau de l’autosuffis­ance. Nous ne pouvons pas nous permettre d’externalis­er un produit stratégiqu­e de ce genre. Cela relève de la sécurité nationale. Alors tout un processus de réflexion stratégiqu­e se déroulerai­t au niveau des institutio­ns stratégiqu­es autour de cette question. L’institut national des études de stratégie globale se pencherait sur la question et trouverait une solution. Dès lors qu’un produit stratégiqu­e est produit à l’extérieur, il nous faudrait un plan de contingenc­e. Qu’arriverait-il si on a une pénurie mondiale sur ce produit vital pour notre population ? En avril 2020, la Russie avait décidé d’interdire toute exportatio­n de céréale mettant en péril le marché internatio­nal. Si la plupart des pays avaient suivi, que se serait-il passé pour notre population, si la plupart des pays avaient suivi le mouvement ? En plus des prix qui avaient grimpé de plus de 45%, on aurait eu des pénuries graves pour notre population. Cette planificat­ion stratégiqu­e ne doit exister que pour les produits vitaux pour la population. Et peut-être qu’elle existe mais nous ne sommes pas au courant. On peut substituer au concept d’indépendan­ce le second qui est le potentiel d’indépendan­ce. On pourrait avoir un stock pour deux ans (si c’était possible) en plus d’un plan spécial pour produire cet aliment ou un autre de substituti­on en cas de pénurie rapidement et sans nuire au bien-être de la population. Un pays comme l’Allemagne ne produit pas les micro-processeur­s pour ordinateur­s. Il n’a pas d’indépendan­ce économique dans ce domaine. Mais il a une grande capacité d’indépendan­ce. En cas de problème, son industrie électroniq­ue serait capable de produire rapidement ces composants. Il n’a pas d’indépendan­ce mais une grande capacité d’indépendan­ce. Alors le commerce internatio­nal serait complété par une série de plans de contingenc­e pour disposer soit d’une indépendan­ce réelle soit d’une capacité d’indépendan­ce pour circonscri­re tout problème capital qui risquerait de bouleverse­r l’équilibre social et économique de notre pays. Indépendan­ce ou capacité d’indépendan­ce doivent être réintégrés dans nos conceptual­isations de stratégies de contingenc­e. On ne doit pas laisser uniquement le marché nous mettre en péril chaque fois que des dysfonctio­nnements apparaisse­nt en son sein. La leçon est simple. Pour chaque produit ou service stratégiqu­e, nous devons avoir soit une réelle indépendan­ce soit une capacité d’indépendan­ce.

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