«La coassurance engendre un gain de 20 à 25% pour les grands assurés algériens»
L’assurance des grands risques industriels des entreprises économiques est un acte de gestion accompli par plusieurs parties. Il s’agit de l’assuré en tant que preneur d’assurance et décideur, l’assureur en tant que vendeur de la prestation de garantie et éventuellement le courtier d’assurance ou un organisme comme une star-tup ayant suffisamment de connaissance pour aider l’assuré dans sa prise de décision. S’assurer auprès d’une ou plusieurs compagnies d’assurance est l’ultime étape dans la gestion d’un risque aléatoire, étant admis qu’il faut d’abord le déterminer, le mesurer et le quantifier. Cette discipline, dont l’objectif est de parvenir à construire une police ou un contrat d’assurance qui répond parfaitement à un besoin de sécurité économique, social et financier, est le Risk management. Le but est aussi de résoudre une problématique qui consiste à assurer le risque complètement et au moindre coût. C’est ce qu’explique Djamel Abbaci, titulaire d’un diplôme de troisième cycle à l’université de Sceaux, Paris 11, ancien directeur régional de la CAAR et actuellement assureur conseil et courtier en assurance.
La valeur d’assurance d’une entreprise économique pose-t-elle toujours problème pour les assureurs ?
Nous savons que la valeur d’assurance d’une entreprise économique est un problème posé depuis fort longtemps pour les assureurs. Sa relation étroite avec le principe indemnitaire est fondamentale et sert aussi à la tarification des risques industriels. Dans notre réflexion, nous devons savoir que nous ne cherchons pas à définir la notion de la valeur à assurer, qui reste un problème à résoudre dans un cadre global, c’est-à-dire, entre experts algériens réunis sous l’autorité de l’Union des assureurs et des réassureurs (UAR), et les experts des réassureurs traditionnels de la compagnie centrale de réassurance.
Le but de ce travail entre Algériens et étrangers a plusieurs avantages, dont le plus important est l’acceptation par toutes les parties des conclusions des rapports techniques et d’expertises des risques assurés, coassurés et réassurés.
L’accomplissement de cette action demeure une exigence incontournable pour le développement de la couverture des grands risques industriels des entreprises algériennes, comme ceux de Sonelgaz, Sonatrach, complexe sidérurgique d’El Hadjar, ou tout autre investissement en cours de réalisation. Devant le gigantisme et l’innovation technologique, les conséquences d’un sinistre deviennent importantes. En termes d’assurance, il faut savoir qu’annuellement Sonatrach paye 200 milliards de dinars, Air Algérie plus de 2,5 milliards et Sonelgaz aussi plus de 2,5 milliards.
Quel rôle pour les experts dans ce contexte ?
Le besoin de déterminer un seuil dans le cadre d’un sinistre maximum possible devient difficile à fixer sans une expertise de valorisation et d’actualisation des valeurs d’assurance de chaque grande entreprise.
Ce travail ne sert pas uniquement à inventorier les éléments de l’actif des grandes entreprises économiques, mais surtout à alimenter ou renseigner les offres techniques des cahiers des charges lors de la consultation du marché des assurances.
Evaluer les risques et le patrimoine de son entreprise par des experts expérimentés est une action importante à accomplir préalablement à l’acte d’assurance. Cette tâche, comme nous l’avons souligné plus haut, ne peut être réalisée par la compagnie d’assurance dans le cadre de la garantie «honoraires des experts». Garantie accordée généralement de manière financièrement limitée et après signature d’un contrat d’assurance.
Comment, dans ces conditions, peut-on évaluer son risque et sur quelles informations le fait-on ?
Cette démarche, qui pèse nécessairement sur l’entreprise avant toutes autres intervenants (assureurs, réassureurs…), montre que l’improvisation et l’incompétence dans la gestion ne peuvent être admises, car leur impact sur les paramètres de tarification des risques est important (prime, limite de garantie, franchise, choix des garanties…).
En conséquence, cette tâche, habituellement délaissée et confiée par nos entreprises aux courtiers et compagnies d’assurance, doit être prise en charge avant tout par l’assuré pour mieux maîtriser ses dépenses en matière d’assurance. Sur ce plan, lancer, comme le font actuellement nos grandes entreprises, des cahiers des charges pour assurer par lots certains risques, laisse la question du recours à la réassurance sans effet sur la réduction de la facture d’assurance de nos entreprises. La deuxième action à accomplir par l’autorité de tutelle du secteur des assurances consiste dans la détermination d’une bonne gouvernance dans la gestion des grands risques, c’est-à-dire l’assurance des grands risques qui dépassent la capacité financière d’une compagnie d’assurance, généralement 12 000 000 000,00 DA, au-delà de ce seuil, l’assuré se tourne vers le marché international de la réassurance pour plus de capacités financières d’indemnisation et de couverture des risques. Cette procédure, que nous venons de décrire de manière sommaire, n’est pas pour réduire la facture d’importation des services dont le coût historique en 2010, suivant les statistiques de la Banque d’Algérie, était déjà de 11,00 milliards de dollars (assurance et expertise).
Comment faire alors pour réduire la facture d’importation des capacités financières auprès du marché international de la réassurance ?
Si cette question est prise en charge globalement par l’autorité politique du pays, il n’en demeure pas moins que des actions sectorielles ne seraient pas sans impact pour réduire la facture d’importation des capacités financières auprès du marché international de la réassurance.
Cette solution existe dans la loi de 2006/04 sur les assurances, qui précise dans l’article 03 que «la coassurance est une participation de plusieurs assureurs à la couverture du même risque, dans le cadre d’un contrat d’assurance unique. La gestion et l’exécution du contrat d’assurance sont confiées à un assureur appelé ‘‘apériteur’’, dûment mandaté par les autres assureurs participants à la couverture du risque». L’absence du caractère obligatoire et coercitif dans l’application de cette disposition a engendré l’augmentation du montant de la facture d’importation des capacités financières, car n’ayant pas épuisé au préalable les pleins de souscription de toutes les compagnies d’assurance de droit algérien, dont le nombre est de 10. Sur ce plan, on qualifie le plein de souscription la garantie maximum à laquelle un assureur estime pouvoir s’engager envers l’assuré. En pratique, le pouvoir de souscription cumulé de tous les coassureurs réduit la facture d’importation des capacités financières auprès du marché international. Autrement dit, si une partie des capitaux des risques importants est assurée dans le cadre de la coassurance obligatoire, cela aboutira à la réduction des valeurs de placement des risques en réassurance. De cette manière, plus on augmente le nombre de coassureurs et plus le montant de la facture des placements en réassurance se réduit.
Cela veut dire que l’assuré gagnerait en termes de coût d’assurance ?
Exactement. A la fin de ce circuit, l’assuré gagnerait en termes de coût d’assurance, car une grande partie des commissions de chargement de réassurance va être supprimée. Ainsi, la coassurance engendre un gain de prime d’assurance de 20 à 25% pour les assurés algériens. Dans cette logique de coassurance, le risque est réparti entre plusieurs compagnies d’assurance nationales de manière volontaire et organisée. Les capitaux à assurer sont couverts en fonction du pouvoir de souscription de chaque coassureur et de leur nombre. Dans certains pays, la coassurance permet le placement en totalité, ou dans une large mesure, des gros risques sur le marché de l’assurance national avant de recourir directement, comme cela se fait actuellement au détriment de l’intérêt national, au marché international avec les coûts que cela engendre.