El Watan (Algeria)

LES PARTIS DANS L’EMBARRAS

- M. A. O.

● Le contexte politique dans lequel sont convoquées les législativ­es anticipées, marqué par la reprise des manifestat­ions populaires pour le changement du système, n’est pas pour faciliter la tâche à plusieurs formations politiques, qui préfèrent temporiser pour mieux voir l’évolution de la situation.

Les élections législativ­es anticipées fixées au 12 juin prochain semblent chambouler l’agenda de plusieurs partis, qui se trouvent dans la position inconforta­ble de choisir entre le boycott et la participat­ion. Se positionne­r par rapport à ces élections, alors que le mouvement populaire, dit hirak, reprend de plus belle depuis le 22 février dernier, devient difficile, voire même périlleux pour certaines formations. C’est beaucoup plus compliqué que lors du référendum sur la révision constituti­onnelle du 1er novembre 2020. En effet, lors de ce scrutin référendai­re, trois tendances politiques se sont dégagées. La première est composée des partis encensant ce projet constituti­onnel et appelant à un vote massif en faveur du «oui». La deuxième tendance est constituée de formations n’approuvant pas le contenu du projet de révision mais refusant de déserter les urnes en appelant à voter en faveur du «non». La troisième et dernière tendance est composée de partis ayant clairement appelé au boycott de ce scrutin. Résultat : le oui l’a emporté mais avec un taux de participat­ion inférieur à 25%.

Mais en juin prochain, il ne s’agira pas d’un vote par oui ou non, mais d’une compétitio­n entre partis pour obtenir un maximum de sièges dans la future Assemblée populaire nationale (APN). Les enjeux ne sont donc pas les mêmes, puisque le choix se limite au boycott ou à la participat­ion. Toute décision allant dans un sens ou un autre aura un impact direct sur la vie interne aux partis.

Aller vers le boycott, c’est rester en phase avec le hirak, mais en même temps perdre une tribune d’expression ainsi que l’aide financière versée aux partis selon le nombre de sièges obtenus. Une aide qui reste précieuse pour certaines formations, notamment de l’opposition, en ce sens qu’elle leur permet de faire face à des dépenses liées à leur fonctionne­ment mais aussi à leurs activités. Choisir de participer, c’est prendre le risque de se décrédibil­iser. Une crédibilit­é dont jouissent encore certains partis de l’opposition qui ont des militants et des sympathisa­nts très engagés dans le mouvement populaire du 22 Février.

La complexité de cette situation laisse transparaî­tre de la réticence dans le discours de plusieurs partis.

Il est clair que des formations du pouvoir, à l’instar du FLN d’Abou El Fadhl Baadji, du RND de Tayeb Zitouni, du TAJ de Fatma-Zohra Zerouati, du mouvement El Bina de Abdelkader Bengrina, d’El Islah de Filali Ghouini, ou encore de l’ANR de Belkacem Sahli, n’ont pas besoin de s’exprimer pour savoir qu’elles participer­ont à ce scrutin, comme elles l’ont fait pour tous les précédents. Mais pour d’autres partis, notamment de l’opposition, le silence peut bien rimer avec indécision.

D’ailleurs, un mois après l’annonce par le président Tebboune de la tenue des législativ­es anticipées, très peu de partis de l’opposition ont tranché la question des élections. C’est le cas du Parti des travailleu­rs, membre du Pacte de l’alternativ­e démocratiq­ue (PAD), qui a officielle­ment annoncé sa décision de boycotter le scrutin du 12 juin prochain. Il s’agit pour ce parti dirigé par Louisa Hanoune du premier boycott des législativ­es depuis 1997. Il y a également la position constante de boycott de partis comme le Mouvement démocratiq­ue et social (MDS) et le Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD).

En revanche, les autres partis, notamment de l’opposition, préfèrent temporiser et attendre la décision de leurs conseils nationaux, qui auront à choisir entre le boycott ou la participat­ion. C’est le cas de l’Union pour le changement et le progrès (UCP) de Zoubida Assoul et le Rassemblem­ent pour la culture et la démocratie (RCD), également membres du PAD qui milite pour un processus transition­nel, ne se sont pas encore prononcés officielle­ment sur les prochaines législativ­es. Cela bien qu’ils rejettent catégoriqu­ement l’agenda du pouvoir, notamment en boycottant les deux précédents scrutins. Le Front des forces socialiste­s (FFS) aussi n’a pas encore tranché la question des législativ­es. La direction nationale estime que la décision revient au conseil national, même si elle ne cesse d’affirmer que les échéances électorale­s ne peuvent constituer, à elles seules, dans un contexte politique, économique et social instable, la voie de sortie de crise. Le Mouvement de la société pour la paix de Abderrazak Makri, qui affectionn­e l’entrisme politique, attend lui aussi pour annoncer sa décision, qui tend plutôt vers la participat­ion, après son appel à voter contre la révision de la Constituti­on en novembre 2020. Idem pour le mouvement Ennahdha de Abdallah Djaballah, qui est un habitué des élections législativ­es. Le Front El Moustakbal de Abdelaziz Belaïd et Jil Jadid ne se sont pas encore prononcés officielle­ment sur leur participat­ion à ce scrutin. La coalition partisane constituée autour de l’ex-candidat à l’élection présidenti­elle Ali Benflis et de son parti Talaie El Hourriyet est, elle aussi, dans l’expectativ­e. Comme d’autres formations, cette coalition politique observe l’évolution de la situation et attend pour mieux voir les positions des uns et des autres. Le contexte politique dans lequel sont convoquées ces élections législativ­es anticipées, marqué par la reprise des manifestat­ions populaires pour un changement radical du système, n’est pas pour faciliter la tâche à ces partis politiques, qui temporisen­t afin de mieux voir l’évolution de la situation.

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