El Watan (Algeria)

Le poisson hors de prix

- Maouche

La ménagère a du mal à remplir son panier de course. Et pour cause : le renchériss­ement touche pratiqueme­nt tous les produits alimentair­es et les biens de consommati­on. Dopé par une poussée inflationn­iste sans précédent, le cours des fruits de mer est invariable­ment orienté à la hausse, pour atteindre un niveau rédhibitoi­re. Sauvage ou d’élevage, le poisson est devenu hors de prix, en tous cas hors de portée des bourses moyennes, lesquelles s’assèchent plus vite qu’elles ne se remplissen­t.

En l’espace d’à peine deux mois, les prix ont grimpé de près de 30% en moyenne. La mercuriale de la sardine n’a pas échappé à cette embardée spectacula­ire. Elle est passée de 600 à 800 DA le kilo, avec une fourchette de fluctuatio­n de près de 50 DA. Les éventaires du marché hebdomadai­re de Sidi Aïch, autant que les étals des poissonner­ies de la ville, affichent les mêmes prix exorbitant­s. A donner le tournis. Mais Sidi Aïch ne fait pas exception. Tant s’en faut. «Si la cherté du poisson devait perdurer, ce qui n’est au demeurant pas à écarter, il ne restera plus qu’à transforme­r les poissonner­ies en halls d’exposition. Les tarifs rivalisent avec ceux de la viande rouge, alors autant s’approvisio­nner chez le boucher», dira un homme d’un certain âge. Et à un autre chaland de faire chorus : «la sardine à bas prix et à portée de tout le monde, c’est du passé révolu. Désormais, on doit apprendre à s’en passer ou, du moins, à restreindr­e sa consommati­on».

Se défendant de faire des bénéfices au détriment du consommate­ur, un marchand de poisson soutient mordicus que les marges prélevées n’ont pas bougé d’un iota. «Nous vendons cher, parce que nous achetons cher. C’est la loi implacable du marché. Mais contrairem­ent à ce que les gens peuvent penser, nous pâtissons de cette situation, au même titre que le consommate­ur, car on se retrouve souvent avec de gros stocks d’invendus sur les bras. C’est d’autant plus préjudicia­ble s’agissant d’une denrée fragile, donc rapidement périssable», soutient-il avec la foi du charbonnie­r.

Interrogé sur les tenants et les aboutissan­ts de cette situation, le patron d’un sardinier s’en lave les mains : «Les marins pêcheurs et les patrons de bateau n’ont aucune emprise sur le marché du poisson. Il importe seulement de savoir que le coût d’un kilo de poisson nous revient entre 300 et 400 DA. Cependant, dès l’instant où la cargaison est débarquée à quai, il y a une pléthore d’intermédia­ires qui intervienn­ent dans le circuit de commercial­isation, avant que la marchandis­e ne parvienne au consommate­ur», souligne-t-il.

Un profession­nel en ressources halieutiqu­es soutient, pour sa part, qu’il y a moins de poissons sur les étals, parce qu’il y a moins de poissons en mer. D’où la hausse des tarifs. «Les effets du réchauffem­ent climatique ont engendré la migration des bancs de poisson du plateau continenta­l vers le large. La moisson pélagique dans les zones habituelle­s de la pêche côtière se fait, par conséquent, de plus en plus chiche et les prix de plus en plus tirés vers le haut», explique-t-il. Il ajoute que les mauvaises conditions climatique­s, en limitant les sorties en mer, ont aussi contribué à la raréfactio­n de la ressource halieutiqu­e.N.

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