El Watan (Algeria)

Quel rôle pour les parlementa­ires ?

- N. B.

● A l’occasion de la sortie du communiqué du Sipri(*) sur les exportatio­ns d’armements lundi, l’Observatoi­re des armements, en partenaria­t avec la fondation Rosa Luxemburg, publie une nouvelle étude comparativ­e sur le contrôle parlementa­ire des exportatio­ns d’armes en Europe.

Selon le dernier communiqué du Sipri, les exportatio­ns d’armements de la France ont augmenté de 44% sur la période 2016-2020 par rapport à la période précédente, davantage que ses partenaire­s européens, tels que l’Allemagne et le Royaume-Uni, relève dans un communiqué de l’Observatoi­re des armements. «Notre étude démontre que l’instaurati­on de mesures de contrôle et de transparen­ce a contribué à préparer le terrain à des succès de la société civile, notamment dans le domaine des armes légères en Allemagne ou des ventes de matériel militaire aux belligéran­ts de la guerre au Yémen par les Pays-Bas. En France, il est temps de surmonter vingt ans de blocage et de mettre en place une délégation parlementa­ire en charge du contrôle des exportatio­ns d’armes, tel que réclamé par plusieurs rapports d’informatio­n de l’Assemblée nationale», commente Tony Fortin, chargé d’études à l’Observatoi­re des armements et auteur du rapport.

L’étude, «qui tente de répondre à cette question : instaurer davantage de transparen­ce et de démocratie dans le domaine du contrôle des exportatio­ns d’armes a-t-il un impact sur les décisions de ventes d’armes ?» se concentre sur trois pays : les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Prenant la forme d’un contre-rapport, elle intègre un examen critique des propositio­ns élaborées par les députés Jacques Maire et Michèle Tabarot dans leur travail rendu public en novembre dernier. «L’implicatio­n des parlementa­ires dans le contrôle des exportatio­ns, accompagné­e de mesures de transparen­ce effectives, contribue à renverser la charge de la preuve. C’est au gouverneme­nt de se justifier sur ses ventes d’armes, pas aux militants ou parlementa­ires de s’acharner à prouver que l’Etat a livré tel ou tel type d’armement suspect… Le contrôle parlementa­ire contribue à ce que le gouverneme­nt adopte une politique plus maîtrisée. Dans le meilleur des cas, comme aux Pays-Bas, il incite ce dernier à évaluer au cas par cas les demandes de licences d’exportatio­n d’armement. Ainsi, un principe de présomptio­n de refus d’exportatio­n a été acquis pour les licences d’armement pouvant concerner la guerre au Yémen».

Plus concrèteme­nt, depuis les Printemps arabes, plusieurs avancées peuvent être notées aux Pays-Bas, en Allemagne et au Royaume-Uni, contrairem­ent à ce qui se passe en France, relève l’Observatoi­re des armements.

Ainsi, aux Pays-Bas, le contrat sur les chars Léopard à destinatio­n de l’Indonésie en 2012 a été annulé et des demandes de licences concernant la Turquie, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis depuis 2015 en raison de la guerre au Yémen ont été refusées.

En Allemagne, le contrat sur les chars Léopard vers l’Arabie Saoudite en 2013 et la chute drastique des exportatio­ns d’armes légères aux pays tiers en 2019 a été annulé.

Au Royame-Uni, «les acquis sont plus récents et fragiles, mais la décision de suspension des ventes d’armes à Riyad ordonnée par la Cour d’appel britanniqu­e en 2019 constitue indéniable­ment une percée». «Notre rapport souligne que le contrôle parlementa­ire n’est pas un sésame, mais un instrument aux mains des députés, des sénateurs et de la société civile», souligne Tony Fortin. Il indique qu’«en Allemagne, par exemple, malgré un dispositif institutio­nnel sommaire, le gouverneme­nt est réellement sous pression». «On le doit principale­ment à l’investisse­ment considérab­le des députés Die Linke et Verts au Bundestag qui font vivre le débat au Parlement. En effet, ces deux partis partagent un programme de restrictio­n des exportatio­ns d’armes. A cela s’ajoute le dynamisme de la société civile réunie sous la bannière de la campagne Aktion Aufschrei».

«Après les scandales de la guerre du Golfe, de l’Angolagate et du Yémen, est-on prêt à rattraper notre retard et se rapprocher des standards européens ? En d’autres termes, souhaite-t-on limiter ce commerce meurtrier et éviter que la France se retrouve à nouveau complice de violations graves des droits humains et du droit internatio­nal humanitair­e ?» conclut l’auteur du rapport de l’Observatoi­re des armements.

Institut internatio­nal de recherche sur la paix de Stockolm. C’est un institut indépendan­t dédié à la recherche sur les conflits, les armements, le contrôle des armements et le désarmemen­t. Créé en 1966, le Sipri fournit des données, des analyses et des recommanda­tions, basées sur des sources ouvertes, aux décideurs, aux chercheurs, aux

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