L’école des femmes
● Ce sont des furies qui ont fait résonner les planches du Théâtre national algérien ● Elles se sont emparées du pouvoir ● Celui détenu et dominé par les hommes ● Ainsi, ont-elles poussé les tréteaux pour occuper la place des... grands hommes et effectuer un «état de siège» ● Et elles ne sont pas venues depuis Sidi Bel Abbès pour faire de la politique de la chaise vide.
Samedi soir, des femmes ont investi le Théâtre national algérien et pris le pouvoir le temps d’une pièce théâtrale intitulée El Djidar El Khames produite par le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, écrite par Ali Thamart, et mise en scène par Azzedine Abbar, en compétition au Festival culturel national du théâtre professionnel se déroulant du 11 au 21 mars, au TNA. Et elles ont fait du bruit. Un tapage nocturne, agréable. Et elles se sont faites entendre. La pièce s’ouvre sur quatre femmes, évoluant dans une polyphonie, «cacophonie» ponctuées d’un questionnaire existentiel. Une cinquième entre en scène pour éclairer ces planches. Et la lumière fut. Dévoilant leur délicatesse, leur fragilité, tantôt avec pertinence, tantôt avec futilité. L’une d’elles a perdu ses lentilles de contact. L’autre se croit être une star. Celle-ci est une erreur de casting, cellelà oscille entre un passé glorieux d’une vedette de théâtre, s’émouvant sur son défunt mari, un metteur en scène ou encore une cinquième comparse faisant une fixation sur un ongle cassé. Donc, le décor est planté, dans une sorte de cour des miracles squattée par des femmes qui n’ont pas la langue dans la poche et qui ont oublié d’être «bêtes» face à un sexisme et autre machisme manichéen décrété (sois belle et tais-toi).
«DIVINE COMÉDIE»
En fait, elles évoluent et s’affairent dans un vrai théâtre. Ce sont des comédiennes. Aussi, le public est-il invité à un vaudeville déjanté, hilarant, décoinçant les zygomatiques. Car ça déménage à tous les étages. Mais l’arrivée impromptue d’une nouvelle metteuse en scène, Wahida, succédant à l’ancien, impose une nouvelle direction, discipline et approche. Aussi, a-t-elle suscité une prise de conscience quant à l’acte créatif théâtral. Une nouvelle philosophie. La pièce Leïla qu’elle projette de mettre en scène. Une vague histoire incongrue de Chaperon rouge où le loup… garou n’est pas celui qu’on croit, selon la dramaturge. Car ayant des dents longues et une langue pendue et médisante. Mais les comédiennes sont réfractaires à ce nouvel ordre établi bousculant leurs habitudes, confort et autre cancan. Dans un accès de passion... du 4e Art, une des filles saluera la mémoire des légendes du théâtre algérien : «Alloua (Abdelkader) ne s’est pas enfui, il a passé sa vie à défendre les démunis. C’est pour cela qu’on l’assassiné. Où sont Yacine (Kateb), Boudia (Mohamed), Touri (Mohamed)..? Yacine, reviens ! Ils ont ont éteint ton étoile, ta Nedjma.» Et à des voix off féminines de faire taire ce cri du coeur, de détresse inhumaine.
UNE CAUSE, UN COMBAT, UN ENGAGEMENT
Entre deux interludes musicaux, le tumulte où fusent les noms d’oiseaux, des référents universels, Antigone et Shakespeare, dont le nom est écorché «cheikh Zoubir»... vif, une femme de ménage, Zoulikha, s’invite et ajoute son grain de sel. Et recadre cette 5e dimension. En disant naïvement des vérités générales minant cette microsociété par l’hypocrisie, la bigoterie, la convoitise, l’ego surdimensionnée, le simulacre. Son histoire ? C’est une épouse répudiée dont les enfants se sont exilés, des harraga. Et elle se mesure à la fraîche émoulue metteuse en scène au cynisme réducteur en lui prédisant son départ. Sous les feux de la rampe couvait une révolte. Celles de belles, rebelles, femmes courage. Unies et réunies contre la bêtise humaine. Une cause, un combat, un engagement déclinés dans la pièce El Djidar El Khames et démontrés excellemment par les comédiennes de la Mekerra sous une direction fluide, bien ficelée et décapante de Azzedine Abbas. Pour rappel, au temps de Shakespeare, les femmes n’avaient pas le droit de jouer sur scène et les hommes jouaient même des rôles de femmes (le nombre de rôles masculins shakespeariens est sept fois supérieur à celui des femmes). Ces «Girls power» de