Responsabilité partagée
Faut-il laisser la rue gronder avant de daigner résoudre des problèmes qui minent notre société ? Les exemples se suivent et se ressemblent à travers les différentes localités du pays. Le mode opératoire est connu de tous. Il ne manque pas de faire des victimes collatérales par son caractère aussi éruptif que violent. Il s’agit du recours récurrent à l’obstruction des voies de circulation automobile.
Dans ce grand cafouillage, de lourdes conséquences pénalisantes sont subies par les usagers de la route. Et il n’est pas aisé de démêler l’écheveau en pareille circonstance, pour connaître les tenants et les aboutissants de tels actes. Il va sans dire que trop souvent des jeux de manipulation sont exécutés naïvement par une foule crédule. Se servir des fibres sensibles du citoyen est une technique bien rodée entre les mains de promoteurs idéologiques. On se souvient encore de la tragédie des femmes de Ouargla jetées à la vindicte populaire sous prétexte qu'elles sont de mauvaises moeurs. Le prêche de la bonne morale qui enflamme la foule d’honnêtes gens est lancé pour annuler toute manifestation culturelle programmée par les pouvoirs publics. La culture en général et les concerts en particulier sont subitement devenus proscrits par un semblant de fatwa. A ce désert culturel et de divertissement asphyxiant, s’est greffé un chômage endémique dans les rangs de la jeunesse. Ce cocktail détonant a fini par éjecter bon nombre de jeunes vers des rivages dangereux. La drogue, la prostitution, le suicide et l’émigration clandestine s’imposent comme les seules alternatives aux yeux de ces frêles personnes. Elles sont les victimes des descentes policières opérées dans les lieux qualifiés, pour la circonstance, de débauche. Et pour mieux s’aligner du bon côté de la morale, les pouvoirs publics ont bien instrumentalisé la colère du voisinage, outré par le libertinage des fêtards, avant d’envoyer des troupes spéciales faire la chasse aux jeunes femmes.
C’est ce qui ressort du dernier coup de filet des gendarmes opéré sur la côte ouest de Béjaïa. Certaines indiscrétions précisent encore qu’il s’agit particulièrement de personnes venues des wilayas où les interdictions étouffent les moindres libertés de la vie sociale. La chape de plomb imposée par la crise sanitaire, depuis plus d’une année, a exacerbé davantage les frustrations. Le rôle de l’Etat est plus que jamais indispensable pour encadrer cette jeunesse et veiller à son épanouissement, loin des idéologies rétrogrades soutenues par des opportunistes de tout bord. La multiplication et la diversification des opportunités à l’emploi demeurent le moyen le plus sûr pour valoriser cette frange de la population. En retour, cette force de travail réservera toutes ses compétences au service de son pays, loin du chant des sirènes qui l'attire vers d’autres cieux.