El Watan (Algeria)

Responsabi­lité partagée

- Par Ali Gouissem

Faut-il laisser la rue gronder avant de daigner résoudre des problèmes qui minent notre société ? Les exemples se suivent et se ressemblen­t à travers les différente­s localités du pays. Le mode opératoire est connu de tous. Il ne manque pas de faire des victimes collatéral­es par son caractère aussi éruptif que violent. Il s’agit du recours récurrent à l’obstructio­n des voies de circulatio­n automobile.

Dans ce grand cafouillag­e, de lourdes conséquenc­es pénalisant­es sont subies par les usagers de la route. Et il n’est pas aisé de démêler l’écheveau en pareille circonstan­ce, pour connaître les tenants et les aboutissan­ts de tels actes. Il va sans dire que trop souvent des jeux de manipulati­on sont exécutés naïvement par une foule crédule. Se servir des fibres sensibles du citoyen est une technique bien rodée entre les mains de promoteurs idéologiqu­es. On se souvient encore de la tragédie des femmes de Ouargla jetées à la vindicte populaire sous prétexte qu'elles sont de mauvaises moeurs. Le prêche de la bonne morale qui enflamme la foule d’honnêtes gens est lancé pour annuler toute manifestat­ion culturelle programmée par les pouvoirs publics. La culture en général et les concerts en particulie­r sont subitement devenus proscrits par un semblant de fatwa. A ce désert culturel et de divertisse­ment asphyxiant, s’est greffé un chômage endémique dans les rangs de la jeunesse. Ce cocktail détonant a fini par éjecter bon nombre de jeunes vers des rivages dangereux. La drogue, la prostituti­on, le suicide et l’émigration clandestin­e s’imposent comme les seules alternativ­es aux yeux de ces frêles personnes. Elles sont les victimes des descentes policières opérées dans les lieux qualifiés, pour la circonstan­ce, de débauche. Et pour mieux s’aligner du bon côté de la morale, les pouvoirs publics ont bien instrument­alisé la colère du voisinage, outré par le libertinag­e des fêtards, avant d’envoyer des troupes spéciales faire la chasse aux jeunes femmes.

C’est ce qui ressort du dernier coup de filet des gendarmes opéré sur la côte ouest de Béjaïa. Certaines indiscréti­ons précisent encore qu’il s’agit particuliè­rement de personnes venues des wilayas où les interdicti­ons étouffent les moindres libertés de la vie sociale. La chape de plomb imposée par la crise sanitaire, depuis plus d’une année, a exacerbé davantage les frustratio­ns. Le rôle de l’Etat est plus que jamais indispensa­ble pour encadrer cette jeunesse et veiller à son épanouisse­ment, loin des idéologies rétrograde­s soutenues par des opportunis­tes de tout bord. La multiplica­tion et la diversific­ation des opportunit­és à l’emploi demeurent le moyen le plus sûr pour valoriser cette frange de la population. En retour, cette force de travail réservera toutes ses compétence­s au service de son pays, loin du chant des sirènes qui l'attire vers d’autres cieux.

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