El Watan (Algeria)

Le vieux bâti fortement ébranlé

L Béjaïa a continué, cependant, à stresser sous le rythme des répliques qui n’ont pas cessé de nourrir ce qui reste de la grosse frayeur de la nuit de mercredi.

- KAMEL MEDJDOUB

Deux jours après le séisme de magnitude 5,9 sur l’échelle de Richter, qui a menacé de réduire en tas de ruines la région, Béjaïa laisse s’exprimer un grand ouf de soulagemen­t. Pour moins que cela, des bâtiments entiers ont été réduits en miettes et des victimes déplorées en nombre. «On l’a échappé belle !» «C’est un miracle !» continuait à commenter hier des citoyens, le souvenir de Boumerdès étant toujours vivace. «C’est la baraka de yemma Gouraya», répètent les plus superstiti­eux. «Aucun mort et aucun bâtiment n’est tombé», s’exclament presque les autorités, par la voix de cinq ministres dépêchés dans la wilaya, soulagés de ne pas devoir faire face à un surplus de tension sociale. On s’est préparé au pire. Des équipes de secours de la Protection civile, avec chiens secouriste­s entraînés pour des missions de recherche de victimes, étaient mobilisées pour intervenir. La quarantain­e de blessés, soignés au CHU pour des traumatise­s et chocs émotionnel­s, sont rentrés chez eux, excepté un jeune citoyen polytrauma­tisé qui a sauté du troisième étage où il réside. Béjaïa respire, mais le temps est à la prudence. Le Cap Carbon, où se trouve le plus haut phare du monde, l’endroit le plus proche de l’épicentre, est interdit de fréquentat­ion. Le PNG, Parc national de Gouraya, a lancé un appel à la population pour éviter de fréquenter les sentiers qui parcourent ces lieux, qui englobent aussi le Pic des singes, la corniche et les aiguades, soit les plus beaux sites touristiqu­es de la ville. Secouée, la montagne menace de lâcher encore des pierres, dont beaucoup jonchent les sentiers.

Béjaïa a continué, cependant, à stresser sous le rythme des répliques qui n’ont pas cessé de nourrir ce qui reste de la grosse frayeur de la nuit de mercredi.

La nuit de jeudi, bien que le pire est passé, des familles entières ont cherché refuge dans la rue, et beaucoup d’entre elles se sont installées sur le vaste parking du stade de l’Unité maghrébine, envahi la veille par des dizaines de voitures quelques instants après le fort tremblemen­t. Habitués de l’activité sismique fréquente, beaucoup de Bougiotes ont acquis le bon réflexe de fuir vers les surfaces dégagées, mais, dans la nuit de mercredi à jeudi, beaucoup, emportés par la panique, se sont précipités dehors pour s’abriter sous les bâtiments ou à leur proximité. Dans l’histoire récente de la wilaya, jamais la terre n’a tremblé aussi dangereuse­ment et vigoureuse­ment. L’expérience la plus récente était la secousse de 5,1 le 29 novembre 2012 et qui a fait sortir tout le monde. Ces deux tremblemen­ts ont en commun un épicentre situé au nord-est de la wilaya, en pleine mer, et le temps de frappe, peu après minuit.

Mercredi dernier, à 1h04, la terre a tremblé à 28 km au nord-est du Cap Carbon, selon le Craag, qui avait recalculé la secousse à 5,9. L’USGS (U. S. Geological Survey), l’institut d’études géologique­s des Etats-Unis, et le Centre sismologiq­ue euro-méditerran­éen, l’ont signalé, quant à eux, à une magnitude de 6,0 et entre 20 et 24 km du même endroit. La secousse a en tout cas été très violemment ressentie par la population de la ville et du chef-lieu de wilaya, particuliè­rement pour les habitants de la vulnérable vieille ville et des nombreux quartiers situés au nord-est. La puissance de la secousse a surpris tout le monde, pour la raison que la terre a tremblé près de cinq heures plus tôt, à 20h38, à une magnitude de 4,0, et à 30 km au nord-est du Cap Carbon, selon le Craag. D’aucuns étaient rassurés que les répliques qui allaient venir ne sauraient être plus violentes que la première secousse tellurique, avant que le tremblemen­t de 1h04, ressenti dans le pourtour méditerran­éen, ne vienne les secouer brusquemen­t dans leur sommeil. «C’est la secousse principale», a expliqué, en substance, Abdelkrim Yelles Chaouche, le directeur du Craag, qui a vite fait d’écarter le risque de tsunami dans ce genre de cas. «La première était une secousse prémonitoi­re», affirme un sismologue.

A Béjaïa, la frayeur de la population a été exacerbée par l’inconstanc­e de la magnitude des nombreuses répliques survenues en dents de scie. Treize minutes après le choc principal, une réplique de magnitude 5,1 a frappé. De quoi constituer un séisme ravageur. Après s’être stabilisée aux environs de 3 degrés, une énième secousse a été enregistré­e dans la matinée de jeudi à une magnitude de 4,4.

L’activité sismique s’est quelque peu calmée depuis l’après-midi d’hier. Le chef-lieu de wilaya a repris son calme au moment où le Craag a installé, au niveau de la Maison du PNG, une station sismologiq­ue portable pour les besoins de capter les répliques du choc principal, selon la cellule de communicat­ion du PNG. La sérénité reprend place, au moment où sur le terrain des équipes de CTC sillonnent les quartiers pour expertiser les bâtisses. 130 ingénieurs du CTC ont été appelés de plusieurs wilayas limitrophe­s en renfort, à croire le chiffre avancé par le ministre de l’Habitat, Tarek Belaribi, qui a été interpellé dans la rue par des citoyens, dont des habitants du plateau délabré d’Amimoune, fatigués d’attendre leur recasement. Promesse leur a été donnée de «prendre des décisions» à la fin de cette semaine, à la faveur d’une visite sur le chantier de logements à Oued Ghir.

Des dégâts ont été constatés dans plusieurs maisons. L’une d’elle s’est complèteme­nt effondrée dans la vieille ville, sans heureuseme­nt faire des pertes humaines. La majorité des habitation­s ont subi des fissuratio­ns à des degrés divers dans plusieurs quartiers. Selon le PDG du CTC, le nombre d’habitation­s endommagée­s après le tremblemen­t dépasse les 300. Plusieurs édifices publics le sont aussi, n’épargnant pas les sièges des administra­tions et les cités universita­ires. Selon le directeur de l’éducation, 23 établissem­ents scolaires ont été légèrement touchés. Après expertise, 17 d’entre eux seront restaurés, situés en majorité au chef-lieu de wilaya, dont le lycée El Hammadia, qui compte 1800 élèves. Plusieurs écoles, CEM et lycées ne pourront pas rouvrir pour la reprise de demain. Cinq mosquées, fragilisée­s par le séisme, ont été provisoire­ment fermées dans la même ville par mesure de précaution. L’université, qui a compté son lot de dégâts, sera, elle aussi, fermée aux étudiants après la prolongati­on des vacances d’une semaine. Les enseigneme­nts et les examens sont aussi décalés d’une semaine. Durant cette semaine, à Béjaïa, on continuera à discuter des prochaines répliques et des suites des engagement­s pris par les cinq ministres.

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De nombreux dégâts matériels ont été recensés

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