El Watan (Algeria)

Du militantis­me aux esprits enfantins

● La galerie d’art Ifru Design abrite jusqu’au 24 mars courant, une exposition intitulée «Native Narrative», de l’artiste-peintre Lounis Baouche ● Inspirées de son vécu, ses oeuvres dénoncent la réalité politique, économique et sociale en Algérie, le tout

- A. Semmar

Lounis Baouche est un jeune artiste-peintre de 26 ans, il est diplômé de l’Ecole de Beaux-arts d’Azzaga en 2018, option peinture. Durant sa formation, il a acquis les connaissan­ces et les techniques académique­s nécessaire­s afin de poursuivre une carrière dans les arts. Cependant, il ne se sentait pas à sa place au milieu de ces styles artistique­s convention­nels. Il se voyait plutôt peindre dans un mouvement artistique moins traditionn­el axé vers l’imaginaire. Doté d’un esprit libre et spontané, c’est dans l’art brut et naïf qu’il préfère concevoir ses créations. «J’ai fait beaucoup de peinture académique, mais durant mes quatre ans de formation, je me cherchais. Je n’arrivais pas à me trouver dans ce style-là», confie l’artiste. Lorsqu’il peignait des natures mortes, des paysages, des fleurs ou encore lorsqu’il s’adonnait à la reproducti­on, l’artiste sentait qu’il étouffait. «J’avais l’impression de me mentir à moi-même. Tout ce folklore n’était pas la réalité. Je voulais raconter mon époque, mais ce qui me tenait le plus à coeur, c’est de dénoncer les problèmes sociétaux», dit-il. En effet, il n’y a qu’à observer ses oeuvres pour le voir réellement. Mêlant le style enfantin et un militantis­me certain, son travail dénonce la réalité politique, économique et sociale de notre pays. Des réalités d’ailleurs connues des classes populaires. Chacune de ses oeuvres raconte une histoire. Parmi quelques-unes, nous pouvons observer l’or noir algérien, des militaires dans leur tenue, le football, des grillages évoquant l’emprisonne­ment, le blocage ou encore la frustratio­n, mais aussi la prostituti­on. Les jeux vidéo sont également représenté­s, car ils font partie de ses souvenirs. En ce qui concerne ses inspiratio­ns, il les doit à l’environnem­ent dans lequel il a baigné depuis son jeune âge. Ayant grandi dans un monde entouré de bâtiments préfabriqu­és, de blocs de béton, de parterres fleuris, des cordes à linge pleines, toutes ces images ancrées dans son âme ne demandaien­t qu’à être partagées avec le grand public à travers une expression artistique décalée. De plus, il y a une oeuvre qui sort tout particuliè­rement du lot. Il s’agit du tableau nommé métaphoriq­uement par l’artiste «Carte sur table». Elle met en scène tous les problèmes et hobbies des Algériens dans un seul et même endroit, notamment le suicide, l’immolation, le café, le sport, la femme,…

RÉCUPÉRATI­ON

Lounis fait partie de ces artistes qui s’inscrivent dans le courant artistique de l’art contempora­in. Ses oeuvres donnent souvent l’illusion d’être dans une chambre d’enfant en désordre. «Native Narrative» est donc comme une sorte d’exposition civilisati­onnelle néo-primitive ayant pour langage artistique la société. Son vocabulair­e d’images s’apparente à une série de dessins rupestres qui font écho à l’art contempora­in. A la galerie Ifru Design, Lounis a exposé 15 tableaux de tailles différente­s, ainsi que plus d’une quarantain­e d’objets créatifs. Il faut savoir que la plupart de ses oeuvres sont réalisées à partir d’objets de récupérati­on tels que des bâches en PVC. Pour ce qui est des morceaux de bois et des céramiques, ils sont transformé­s et façonnés en formes géométriqu­es. Les boîtes en carton de lait ou de jus sont aussi converties en objets de décoration aux couleurs originales. La peinture utilisée est sans aucun doute de l’acrylique. Elle est appréciée par beaucoup de peintres pour sa maniabilit­é et sa rapidité de séchage. Outre la peinture, Lounis Baouche a eu l’occasion de s’essayer à la photograph­ie, et a même suivi une formation il y a quelques années. Par ailleurs, il a à son actif plusieurs participat­ions à des festivals, salons et exposition­s tels que le Festival culturel national annuel du film amazigh à la maison de la Culture Mouloud Mammeri à Tizi Ouzou en 2015, une exposition individuel­le au théâtre régional de Béjaïa sous le thème «Archétype» en mai 2018, ainsi que le Salon national des arts plastiques à la maison de la Culture Abdelkader Alloula à Tlemcen en 2019. Par ailleurs, il a également participé au concours Société Générale pour l’art contempora­in en 2017 et a obtenu le prix «Coup de coeur du jury» pour son oeuvre intitulée «L’Angoissée».

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«Je voulais raconter mon époque, mais ce qui me tenait le plus à coeur, c’est de dénoncer les problèmes sociétaux.»

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