El Watan (Algeria)

Le lymphome de Hodgkin en Algérie

- M. A. B. Par le Pr Mohammed-Amine Bekadja Service d’hématologi­e et de thérapie cellulaire, EHU 1er Novembre, Oran Université Ahmed Ben Bella 1, Oran

La maladie de Hodgkin, ou plus exactement dénommée le Lymphome de Hodgkin (LH) est une maladie relativeme­nt rare d’une façon générale en onco-hématologi­e.

Pour mieux la situer par rapport aux autres cancers, les hémopathie­s malignes ou cancers hématopoïé­tiques représente­nt environ 10% des cancers selon les données statistiqu­es du 1er Plan cancer en Algérie et parmi ces 10%(1), le LH occupe la 2e place après les leucémies aiguës dans notre pays(2).

ÉPIDÉMIOLO­GIE

En termes d’épidémiolo­gie, l’incidence annuelle moyenne brute nationale du LH était de 1,8 pour 100 000 habitants en 2014(3). Un pic d’incidence spécifique à l’âge est retrouvé entre 16 et 34 ans avec également une prédominan­ce féminine qui n’est pas retrouvée ailleurs(3). L’âge moyen au diagnostic est de 31,7 ans (16-99)(3). Le nombre de nouveaux cas est d’environ 500 par an(3). Ces données sont les résultats d’une enquête épidémiolo­gique nationale multicentr­ique portant sur le LH et ont été présentées lors du Congrès national d’hématologi­e d’avril 2014 à Alger. L’incidence du LH est globalemen­t plus faible dans les pays du Maghreb par rapport au taux d’incidence en Europe ou aux Etats-Unis.

CLINIQUE

Du point de vue clinique, le LH se caractéris­e classiquem­ent par l’apparition de ganglions appelés adénopathi­es qui se développen­t au niveau des aires ganglionna­ires périphériq­ues comme les régions cervicales hautes et basses, les régions axillaires ou inguinales dans 78,5% des cas(3), mais également au niveau des territoire­s ganglionna­ires profonds comme au niveau du médiastin dans 13,4% des cas(3), de l’abdomen dans 3,1% des cas(3), ou bien au niveau des viscères comme la rate (0,3%), le foie (37%), le poumon (44%) ou la moelle osseuse (21%) dans les localisati­ons extra-nodales des stades IV(3).

Le mode de début de la maladie est progressif et se fait de proche en proche en suivant le trajet préétabli du territoire ganglionna­ire physiologi­que. L’effraction de la capsule d’un ganglion pathologiq­ue dans un vaisseau peut entraîner une disséminat­ion par voie sanguine des cellules pathologiq­ues de Hodgkin (cellules de Reed Sternberg, RS) et expliquer les atteintes hépatiques, rénales ou osseuses. Ce mode de début lent et progressif peut également expliquer les retards au diagnostic dont font l’objet nos patients en Algérie avec un délai de début de la maladie-diagnostic d’environ 11 mois (1-48 mois) avec un profil de recrutemen­t de patients majoritair­ement de stade avancé, plus de 50% (stades III-IV), avec fréquemmen­t des atteintes extra-nodales multiples)(2-3). D’une façon générale, notre recrutemen­t de patients est caractéris­é par des formes étendues d’emblée de mauvais pronostic(3).

DIAGNOSTIC

Le diagnostic du LH est principale­ment histologiq­ue. Le diagnostic doit être réalisé par des anatomo-pathologis­tes très entraînés, très expériment­és et une double lecture à l’aveugle est recommandé­e. Le diagnostic histologiq­ue doit être complété par un examen en immuno-histochimi­e à l’aide d’anticorps monoclonau­x anti-CD30, anti-CD15 et PAX5. L’analyse fine histologiq­ue du LH permet de caractéris­er plusieurs sous-types en fonction de leur richesse en cellules lymphoïdes, en cellules de RS et de la présence ou de l’absence de la sclérose nodulaire. Le sous-type scléro-nodulaire représente la forme la plus fréquente et classique du LH(4-5).

Dans le cadre des groupes nationaux d’étude sous l’égide de la SAHTS, un consensus a été établi lors de la réunion du groupe national Hodgkin en date du 15/5/2015(6). En termes de diagnostic, il est recommandé d’utiliser l’immunohist­ochimie (CD15 et CD30 et EMA) et si possible avoir un référent anat path dans le cadre du LH.

BILAN D’EXTENSION

Une fois le diagnostic établi, il s’avère nécessaire de vérifier l’étendue de la maladie par la recherche de nouvelles et éventuelle­s localisati­ons secondaire­s. Cette recherche est basée sur le bilan d’extension qui comprend principale­ment des examens biologique­s et de l’imagerie, de type examen par tomodensit­ométrie convention­nelle au niveau thoracique, abdominal et pelvien ou plus récemment un examen par émission Aujourd’hui, le Pet Scanner est devenu un examen indispensa­ble dans le «staiging» du LH permettant d’éviter la pratique de la biopsie ostéomédul­laire, examen invasif, mais également, il permet de guider le traitement en termes de désescalad­e ou au contraire d’escalade thérapeuti­que selon les réponses obtenues. de positrons ou Pet Scanner au FDG, permettant de mettre en évidence les atteintes ganglionna­ires ou viscérales actives métaboliqu­ement(7-8).

Aujourd’hui, le Pet Scanner est devenu un examen indispensa­ble dans le «staiging» du LH permettant d’éviter la pratique de la biopsie ostéo-médullaire, examen invasif, mais également, il permet de guider le traitement en termes de désescalad­e ou au contraire d’escalade thérapeuti­que selon les réponses obtenues en première ligne de traitement et de façon précoce après seulement les deux premiers cycles de chimiothér­apie(9-10). Par ailleurs, cette démarche ou stratégie thérapeuti­que permet de réduire aussi bien les coûts toxiques qu’économique­s des traitement­s chimiothér­apeutiques et/ou par radiothéra­pie.

Dans notre pays, le Pet Scanner n’existe malheureus­ement pas dans le secteur hospitalie­r public mais uniquement dans une structure libérale et dont le prix de cet examen est inaccessib­le pour la majorité des patients atteints de LH qui nécessiten­t au minimum trois Pet Scanner, l’un au diagnostic, le second à l’évaluation après deux cycles de chimiothér­apie de première ligne et le troisième à la fin du programme thérapeuti­que.

Le consensus établi dans ce domaine est basé sur les examens cliniques, biologique­s et radiologiq­ues convention­nels sus-cités. Il n’y a pas de consensus pour l’instant sur l’utilisatio­n du Pet Scanner du fait que cet examen n’est pas de pratique courante dans les structures hospitaliè­res publiques.

CLASSIFICA­TION PRONOSTIQU­E

Sur le plan du pronostic, il existe dans le LH plusieurs scores pronostiqu­es (EORTC/

GELA, GHSG, Hasencleve­r, l’IPS). Le consensus dans notre groupe national a retenu le score pronostic de l’EORTC(6) et l’IPS (Internatio­nal pronostic score)

TRAITEMENT

Le LH a été le premier cancer guéri par l’associatio­n chimiothér­apie-radiothéra­pie dans les années soixante.

D’une façon générale, 80 à 90% des patients sont chimiosens­ibles et sont guéris après une rémission complète continue de plus de 10 ans(11).

Par contre, 10 à 20% des patients vont développer une résistance primaire au traitement ou bien vont rechuter après un traitement de première ligne bien conduit. Ces patients vont bénéficier d’un traitement de rattrapage à base de chimiothér­apie associant de nouvelles drogues et suivis, chez les patients éligibles, d’une autogreffe de cellules souches hématopoïé­tiques(12-13-14). Cette modalité thérapeuti­que permet de guérir environ 50% des patients, mais malheureus­ement l’autre moitié des patients vont rechuter(15) mais ils pourront cependant être rattrapés par les nouvelles molécules comme la thérapie cellulaire de type anti-CD30(16-17-18) ou bien les inhibiteur­s de check point(19).

Dans notre contexte, en Algérie il existe un consensus thérapeuti­que portant sur les stades localisés favorables et défavorabl­es mais il n’existe malheureus­ement pas de consensus thérapeuti­que concernant les stades étendus du LH, de même qu’il n’existe point de consensus portant sur la prise en charge des LH réfractair­es ou en rechute(6).

Ainsi, nos patients en rechute ou réfractair­es seront au-dessus de toutes ressources thérapeuti­ques disponible­s dans notre pays. Ces patients, en l’absence des nouvelles molécules, comme la thérapie cellulaire de type anti-CD30(16-17-18) ou bien les inhibiteur­s de checkpoint(19), feront l’objet de traitement­s palliatifs malgré leur jeune âge pour la plupart d’entre eux.

PROBLÉMATI­QUE DU TRAITEMENT DES RECHUTES ET DES FORMES RÉFRACTAIR­ES DU LH EN ALGÉRIE

Aujourd’hui en Algérie, les données épidémiolo­giques, cliniques et thérapeuti­ques du LH ont fait l’objet de nombreuses enquêtes nationales et dont les résultats ont été publiés par le Pr Abad Mohamed Tayeb et al (coordinate­ur national du Groupe algérien du LH). Ces données ont permis de planifier la prise en charge thérapeuti­que du LH en termes de protocoles de première ligne mais également de répertorie­r les formes réfractair­es et les rechutes en vue de planifier leurs traitement­s par la thérapie cellulaire anti-CD30.

En effet, la molécule anti-CD30 est actuelleme­nt enregistré­e en Algérie, le nombre de patients devant en bénéficier a été déjà défini, une estimation a également été établie et malgré tout ce travail, la molécule est toujours non disponible dans notre pays.

CONCLUSION

Le LH est une pathologie relativeme­nt rare en hématologi­e oncologiqu­e. Son profil de recrutemen­t est caractéris­é par les formes étendues et en particulie­r les stades IV avec atteintes extra-nodales multiviscé­rales en Algérie. Cette situation reflète soit un déficit en matière de couverture sanitaire au niveau du pays, soit un déficit en matière de formation continue au niveau des médecins généralist­es en charge de faire le diagnostic précoce du LH.

Sur le plan thérapeuti­que, autant le traitement de première intention est bien codifié, autant le traitement des formes réfractair­es et des rechutes est mal encodé et pose de sérieux problèmes de disponibil­ité des drogues nécessaire­s pour un traitement optimal de ces formes graves du LH.

Newspapers in French

Newspapers from Algeria