LA FORCE TRANQUILLE
Coïncidant avec la fête de la Victoire du 19 Mars 1962, cette nouvelle journée de la mobilisation a été une occasion pour des centaines de milliers d’Algériens de réitérer leur attachement «au recouvrement de leur indépendance», confisquée au lendemain du
Istiqlal» (Indépendance) ! C’est à travers ce slogan transcrit sur des pancartes aux couleurs du drapeau national, vert blanc rouge, que des centaines de milliers de manifestants ont tenu à exprimer leur attachement à cet idéal. Un objectif qui renvoie non seulement à la libération du territoire, mais aussi à celle du citoyen algérien qui aspire toujours à vivre dans une véritable démocratie. Ces pancartes étaient, effet, entre les mains des manifestants, jeunes et vieux, ayant pris part, hier, au 109e vendredi du hirak à Alger. Coïncidant avec la fête de la Victoire du 19 Mars 1962, cette nouvelle journée de la mobilisation a été une occasion pour des centaines de milliers d’Algériens de réitérer leur attachement «au recouvrement de leur indépendance», confisquée au lendemain du cessez-le-feu, synonyme de la fin de la Guerre de Libération. Pour eux, le kit «souveraineté et citoyenneté» a été traqué avec le détournement du fleuve de la Révolution. En scandant ce slogan et en le transcrivant sur des pancartes, les manifestants semblent vouloir préciser que l’Algérien attend toujours la concrétisation d’un rêve : l’édification d’une Algérie libre et démocratique… Retour sur une nouvelle journée de mobilisation du mouvement populaire qui est loin de s’essouffler… A Alger, comme c’était le cas depuis le début du hirak, a connu trois marches distinctes qui ont pris naissance, peu avant 14h, des quartiers populaires, en particulier de Bab El Oud et de La Casbah, ainsi que de Belouizdad et du 1er Mai.
«LES ALGÉRIENS UNIS»
La première procession s’est ébranlée à partir de la place du 1er Mai en direction de la Grande Poste, via la rue Hassiba Ben Bouali et la place Mauritania. La seconde, beaucoup plus dense, a démarré de la place des Martyrs en empruntant le boulevard Zighout Youcef et la rue Asselah Hocine. Ces foules rejoignent une autre venant de la rue Didouche Mourad en direction de la place Audin et la Grande Poste, lieu de convergence des foules des manifestants depuis plus de deux ans. Arborant pancartes, banderoles et drapeaux, les foules apportent notamment des réponses à ce qui est qualifié de «manoeuvres» visant à diviser le mouvement pour permettre au système de régner encore plus longtemps. «Les Algériens khawa, khawa, echaab twahed y a lkhwana !» (Les Algériens sont des frères, le peuple est uni espèces de traîtres), lancent les manifestants. Les foules, dont les rangs grossissaient tout le long des parcours empruntés, entonnent aussi des slogans hostiles au pouvoir en place et aux généraux. Les protestataires tiennent à réaffirmer également leur rejet de la division des rangs sur la base de vieux clivages idéologiques. «Makan islami, makan 3ilmani, kayen 3issaba tesrak 3inani» (Il n’y a ni islamiste, ni laïc, il y a juste une bande qui continue à voler), scandent-ils encore. Pour traduire cet attachement à la diversité, les représentants des différents courants habituels ont marché sur le même parcours et dans le respect mutuel. La marche d’hier, comme c’était le cas depuis des mois, a été marquée par la présence de plusieurs leaders politiques de l’opposition : Mohcine Belabbas, président du RCD, Karim Tabbou, porte-parole de l’UDS, l’économiste Smail Lalmas, Mustapha Bouchachi…
«POUR UNE ALGÉRIE LIBRE ET DÉMOCRATIQUE»
Dans une déclaration, ce dernier insiste sur la préservation de l’unité du hirak. «C’est ce qui fait notre force», affirme-t-il, précisant que «le maintien de la mobilisation est un cinglant rejet de l’agenda électoral proposé par le régime». «Lorsqu’ils sont sortis le 22 février 2019, les Algériens n’avaient pas demandé des élections législatives. Ils ont réclamé plutôt un changement radical du système», rappelle-t-il. Cela a été exprimé aussi par les manifestants. Déterminés à aller jusqu’au bout, ils rejettent le fait accompli, traduit par l’imposition de la feuille du route du régime. «Makanch intikhabat ma3a el 3isabet» (Pas d’élections avec les bandes), entonnent les marcheurs. Sur des pancartes, on pouvait encore lire : «Ni Constitution, ni Parlement, nous voulons une justice et une presse libres» et «Législatives : c’est encore une fois une fuite en avant qui ne fera qu’enfoncer le pays dans la crise». Inscrits sur deux banderoles distinctes, deux slogans résument encore le consensus autour de l’objectif visé par le hirak: «Dawla madania, machi 3askaria» (pour un Etat civil et non pas militaire) et «Algérie libre et démocratique». Ces deux banderoles brandies au milieu d’une foule compacte descendant de l’avenue Pasteur en direction de la place Audin traduisent encore le degré de maturité de ce mouvement qui montre, malgré toutes les polémiques, qu’il a fixé le cap vers l’édification d’une réelle démocratie. Cet idéal est exprimé aussi dans une autre banderole traduisant «Une vision au coeur du hirak». Elle résume ainsi les objectifs du mouvement : «Une période de transition pluraliste et un Etat de droit qui comprend la liberté, la justice et la prospérité»…