«Les élections ne peuvent constituer à elles seules la solution à la crise»
Le Dr Hakim Belahcel, membre de l’instance présidentielle du FFS, revient dans cet entretien sur ce qui a motivé sa récente rencontre avec le président Abdelmadjid Tebboune, en compagnie du premier secrétaire du parti. Le Dr Belahcel considère que les éle
Le FFS a subi de vives critiques après la rencontre que vous avez eue, vous-même et le premier secrétaire Youcef Aouchiche, avec le président Abdelmadjid Tebboune en février dernier. Comment avez-vous accueilli ces critiques et quelle a été la réaction de la base militante ?
Notre pays traverse en ce moment l’une des périodes les plus incertaines de toute son existence. Terrassé par une crise profonde et intégrale, accumulée et accentuée par plusieurs décennies de gouvernance opaque et autoritaire, l’Etat algérien est plus que jamais en proie à l’effondrement, compromettant ainsi son intégrité territoriale et la cohésion sociale.
Le diagnostic n’est pas exagéré lorsqu’on lui associe les affres d’un séisme socioéconomique engendré par la crise sanitaire et la perte drastique du pouvoir d’achat. C’est dans ce contexte particulièrement inquiétant et menaçant, marqué aussi par le renforcement de l’immobilisme politique, que le peuple algérien a décidé de renouer avec la mobilisation populaire pour exiger un Etat de droit, après une trêve sanitaire salutaire. Animé par son sens de la responsabilité et ses devoirs patriotiques envers la nation algérienne, le FFS, éternel fervent défenseur et initiateur des solutions consensuelles, concertées et transparentes, a saisi l’opportunité de cette rencontre, demandée par le chef de l’Etat, afin d’alerter et de mettre en garde les décideurs actuels sur la gravité de la situation globale du pays et des retombées désastreuses d’entretenir ce statu quo. Cette rencontre s’inscrit donc en droite ligne et en totale cohérence avec les efforts consentis par le FFS, depuis sa fondation, à la recherche d’une issue viable et durable, basée sur un dialogue global, public et responsable.
Evidemment, face à l’incompréhension, voire la désapprobation, parfaitement compréhensible compte tenu de la défiance vis-à-vis du pouvoir et de sa politique, qu’a pu susciter cette rencontre, y compris parmi certains de nos militants, la direction nationale du parti ne lésinera sur aucun effort pour expliquer le sens de notre démarche avec respect, pédagogie et lucidité. Ainsi, nous avons, suite à cette rencontre, organisé plusieurs réunions militantes élargies aux sympathisants. Les débats furent ouverts, francs et même parfois animés et surtout responsables. C’est ce qui fonde l’esprit du FFS qui, en toutes circonstances, conjugue l’éthique de conviction et de responsabilités. C’est également l’application des engagements de notre direction de réhabiliter le libre débat au sein de nos structures.
Vous avez tenu, le samedi 6 mars, une session extraordinaire du conseil national. La convocation de cette instance délibérante était-elle liée à votre rencontre avec le chef de l’Etat ?
L’un des engagements de l’instance présidentielle du FFS, élue démocratiquement lors de notre dernier congrès extraordinaire, est de réhabiliter notre conseil national dans ses prérogatives d’instance de délibération et de contrôle de l’action de la direction nationale. Un mois après avoir tenu une session ordinaire, il nous est apparu nécessaire de convoquer une nouvelle session pour rendre compte à notre conseil national. Nous le ferons chaque fois que cela sera nécessaire.
Cette session extraordinaire de notre conseil national était particulièrement attendue. Ses débats, ses échanges et ses conclusions ont encore une fois démontré, contrairement à ceux qui prédisaient l’inverse, l’esprit de cohésion et le sens des responsabilités des membres de notre conseil national. Il est objectif de constater que le FFS est l’un des seuls partis à avoir une vie militante riche et active. C’est tout à l’honneur de nos militants.
Qu’est-ce qui a été décidé lors de cette session extraordinaire ?
Cette session extraordinaire n’avait pas pour but de prendre des décisions mais de débattre de la situation politique. Ce qui est principalement ressorti de nos débats, c’est la demande des membres du conseil national de continuer à soutenir la dynamique populaire et lui donner les prolongements politiques nécessaires à l’aboutissement de ses légitimes revendications, tout en la préservant des apprentis sorciers de tout bord. L’exigence de poursuivre la démarche de dialogue sans exclusive a aussi été fortement réaffirmée dans nos débats, tout en maintenant la vigilance et l’exigence de la satisfaction par le pouvoir des préalables nécessaires à sa réussite. A cet effet, les membres du conseil national ont posé la nécessité d’accélérer la démarche de la convention nationale devant aboutir à l’élaboration de la proposition politique de sortie de crise du FFS, qui sera proposée aux acteurs politiques et sociaux.
Sur le plan interne, une grande majorité des membres du conseil national ont demandé d’accélérer le calendrier devant mener à notre prochain congrès ordinaire, qui est aussi l’un des engagements de notre instance présidentielle afin de faire de cette échéance un événement politique majeur et un cadre de rassemblement de la grande famille du FFS.
Vous évoquez la convention nationale de sortie de crise. Où en est justement ce projet politique ?
La convention nationale que nous sommes en train de préparer activement à l’échelle du parti se propose de constituer un cadre de dialogue apaisé pour convenir d’une solution consensuelle de sortie de crise.
Cette initiative s’inscrit dans la continuité des anciennes propositions du parti pour une sortie de crise par un dialogue national, inclusif et responsable, qui aboutirait à l’adoption d’un contrat national, lequel consacrera la souveraineté populaire et jettera les bases d’une IIe République. Dans les prochains jours, nous allons poursuivre les débats et les rencontres au niveau du parti afin de finaliser cette initiative politique et la valider au final, lors d’une nouvelle session du conseil national. En même temps, nous allons élargir nos discussions et nos échanges avec des acteurs politiques, des représentants sociaux et des personnalités nationales pour enrichir cette initiative. Le FFS considère que le salut de notre pays réside dans la volonté et l’engagement de tous les acteurs politiques et sociaux d’adhérer sans réserve au dialogue, que nous appelons de nos voeux, pour construire ensemble un compromis national et historique qui préservera l’avenir de notre pays en tant qu’Etat et nation.
Le président de la République a dissous l’Assemblée populaire nationale (APN). Comment avez-vous accueilli cette décision ?
A travers ses différentes participations aux élections législatives, notre parti a toujours oeuvré pour la réhabilitation de cette importante institution dans ses rôles politique, délibérant, de contrôle et législatif. Malheureusement, le régime, à travers la succession des huit législatures, marquées par la fraude, a délégitimé cette institution, qui aurait pu jouer un rôle essentiel dans la vie politique et la stabilité institutionnelle du pays.
Nous espérons que la dissolution de l’actuelle Assemblée n’ouvrira pas la voie à un nouveau coup de force électoral, qui ne ferait que reproduire les mêmes effets.
La nouvelle loi électorale a été adoptée en Conseil des ministres. Elle sera promulguée par ordonnance. Qu’en pensez-vous ?
Au FFS, nous avons toujours dit que la crise multiforme qui secoue notre pays et qui hypothèque son présent et son devenir ne peut pas être résorbée par la seule voie électorale. L’échec du dernier référendum constitutionnel en a été une nouvelle illustration.
Des élections législatives sont convoquées pour le 12 juin prochain. Le FFS compte-t-il y participer ?
Nous l’avons dit, les échéances électorales ne peuvent constituer à elles seules, dans un contexte politique, économique et social instable, la voie de sortie de crise. Cette crise doit passer par une solution politique consensuelle entre tous les acteurs politiques sans exclusive.
Quant à notre position sur cette échéance qui vient d’être convoquée, il revient à notre conseil national d’arrêter la décision du parti en toute autonomie et responsabilité.
Les marches populaires ont repris depuis le 22 février dernier. Qu’en pensez-vous ? Cela suffit-il pour changer le système ?
Le peuple continue de se mobiliser à travers toute l’Algérie de façon pacifique pour revendiquer son droit légitime à l’autodétermination et à l’instauration d’un véritable changement dans le pays.
Aujourd’hui, à l’occasion du deuxième anniversaire de son formidable soulèvement contre l’ordre établi, la mobilisation se poursuit tout en rejetant, avec beaucoup de maturité politique et de patriotisme, les tentatives de détournement et de dévoiement de certaines parties, qui tentent de dévoyer cette colère populaire légitime vers des démarches obscures et aventureuses, élaborées contre les intérêts suprêmes de la nation algérienne.
Le FFS est profondément convaincu que cette campagne propagandiste, qui agit aujourd’hui au grand jour pour aligner notre patrie dans la longue liste des pays foudroyés par le désordre et le chaos, est tout aussi néfaste pour la sauvegarde de l’Etat algérien que les forces compradores et rétrogrades, qui oeuvrent au profit de la stagnation politique dans le pays.
Pour notre part au sein du FFS, nous continuerons à lutter, avec toutes les forces vives de la nation, afin de donner un prolongement politique aux revendications légitimes de notre peuple.