«Les actes du pouvoir sont en contradiction avec ses discours»
L’avocat et défenseur des droits de l’homme, Mustapha Bouchachi, a estimé que «les actes du pouvoir en place sont en contradiction avec ses discours», dans la mesure où si officiellement il affirme qu’il répond aux revendications du hirak, dans la pratique, il ne cesse de réprimer. Pour Me Bouchachi, qui est intervenu, hier, au siège de l’association Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), à l’occasion de son forum qui a été relancé après plusieurs mois d’arrêt, «les données existantes actuellement montrent qu’il n’y a aucune volonté du pouvoir» d’aller dans le sens de la satisfaction des revendications du mouvement populaire. D’ailleurs, Me Bouchachi, et après avoir rappelé les multiples phases de «dialogue» initié par les autorités en place depuis le début du hirak, que ce soit celui de la commission présidée par Karim Younès, ou les rencontres organisées par la Présidence actuellement, a indiqué que «le dialogue dans lequel le peuple pourra s’inscrire, c’est celui qui sera précédé par des mesures qui sont la libération des détenus d’opinion, l’arrêt de la répression et l’ouverture des champs politique et médiatique». L’avocat rappelle, à cet effet, que dans le contexte présent des manifestations sont réprimées chaque vendredi dans certaines régions du pays. Tout en soulignant que «l’institution militaire a raté le virage, après la démission de Bouteflika, en imposant une feuille de route d’une manière unilatérale», l’invité du forum de RAJ a estimé qu’«il n’y a pas d’autres voies que la poursuite du hirak». Expliquant ce choix, Me
Bouchachi dira que face à la situation actuelle, trois options se présentent aux Algériens : «Aller vers la confrontation, ce qui conduira vers la violence, chose qui est catégoriquement rejetée ; s’inscrire dans le processus en cours, en participant aux élections afin de changer le système de l’intérieur, ce qui ne mènera à rien au vu de plusieurs données ; ou finalement poursuivre le hirak.» Pour ce qui est de l’impossibilité du «changement du système de l’intérieur», l’avocat a pointé du doigt la nouvelle Constitution, et les conditions dans lesquelles a été élaborée, qui «offre des pouvoirs pharaoniques au président de la République», et l’Autorité nationale d’organisation des élections (ANIE), dont la composante est désignée par le pouvoir, «qui ne dispose d’aucun pouvoir face à l’administration qui reste concrètement l’entité qui organise les élections». Il a même cité la Cour constitutionnelle, qui est censée régler les litiges électoraux et qui reste «l’un des appareils du pouvoir». Donc, pour lui, s’inscrire dans la feuille de route du pouvoir ne fera que «contribuer à sa pérennisation». D’où sa réflexion sur la nécessité de poursuivre le hirak. Et à ce titre, ajoute-t-il, le seul moyen pour «protéger la révolution de la contre-révolution est l’union». Me Bouchachi plaide pour la mise de côté des idéologies et d’éviter la diabolisation. Pour lui, le moment est au militantisme et non à la politique, dans la mesure, explique-t-il, où «la politique s’exerce dans les environnements démocratiques». Ceci, bien entendu, précise-t-il, «ne veut pas dire que
Allant dans le même sens, Abdelouahab Fersaoui, président de RAJ, a estimé que «la démocratie n’est pas seulement l’organisation d’élections, mais c’est surtout une pratique quotidienne des libertés et du droit». Pour lui, le retour des marches est «indispensable» dans la mesure où «le pouvoir ne cédera pas s’il n’y a pas un rapport de force en sa défaveur». Néanmoins,
a-t-il ajouté, aujourd’hui «il faut capitaliser cette mobilisation», et ce, «en la traduisant en feuille de route consensuelle». Revenant sur la polarisation idéologique, M. Fersaoui a précisé que «ce qui se passe sur les réseaux sociaux ne reflète pas forcément la réalité du terrain». «C’est une jeunesse qui ne s’inscrit pas dans les paradigmes des années 1990. Ils ne veulent pas oublier mais ils se tournent vers l’avenir», a-t-il déclaré à ce propos. Pour le président de RAJ, le pouvoir «a joué sur les questions identitaires et régionalistes» dans l’objectif de diviser le mouvement, «notamment avec l’affaire de l’emblème amazigh», et aujourd’hui «c’est au tour de la polarisation des années 1990». Pour M. Fersaoui, le pouvoir «n’a pas de couleur politique». «Sa seule idéologie, c’est se maintenir au pouvoir», a-t-il ajouté. Celui-ci plaide aussi pour le lancement d’un débat au sein de la société. Même si, a-t-il tenu à préciser, «le problème est dans le pouvoir», dans la mesure où plusieurs propositions ont été faites, et pas seulement émanant de personnes ou cercles dits radicaux, mais «elles n’ont jamais été prises en considération».
Il faut noter en dernier lieu que l’association RAJ vient de fêter, le 16 mars, son 28e anniversaire. Depuis le début du hirak, 11 de ses membres, dont son actuel président (tout comme l’ancien d’ailleurs), ont été arrêtés et traduits en justice, certains ayant passé plusieurs mois en prison.