Le constat accablant de Madjid Benchikh
L Pour Madjid Benchikh, les lois qui sont en cours de préparation, dont celle relative à la déchéance de la nationalité,
L’ancien doyen de la faculté de droit d’Alger, Madjid Benchikh, a dénoncé, hier, «l’aggravation de la soumission de la justice» au pouvoir politique, alors que le hirak ne cesse de réclamer une justice libre et indépendante. «Il y a une aggravation de la soumission de la justice (...). La justice est un auxiliaire du pouvoir au même titre que les autres auxiliaires du système Elle poursuit sous d’autres formes la politique sécuritaire, les actions des services de sécurité et de répression», a fustigé le professeur émérite de l’université de Cergy-Pontoise (Paris Val-d’Oise) lors d’une conférence-débat organisée par SOS disparus, sous le thème «L’indépendance de la justice».
Pour appuyer ses propos, il a cité des faits récents qui ont défrayé la chronique judiciaire. Le premier est lié à la note adressée aux présidents de cour et aux procureurs généraux, par le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, interdisant l’ouverture d’enquêtes sur des affaires de gestion
«sont des signes trop forts d’une quasi-dictature».
et dilapidation de deniers publics impliquant un agent public, sans l’aval de ses services. «On donne, par une circulaire publique au nom de la démocratie et des droits des citoyens, des ordres aux procureurs et aux juges de ne pas lutter contre la corruption à un moment où les luttes de système font croire à une justice qui poursuit la lutte contre la corruption. Il n’y pas de lutte contre la corruption en Algérie. Le seule lutte qui existe est une lutte de pouvoirs au sein du système, entre un clan vaincu et un autre vainqueur», a-t-il expliqué.
Autre fait cité, c’est la levée du mandat d’arrêt international lancé contre le général à la retraite Khaled Nezzar. «Comment pouvez-vous expliquer s’il y avait une justice indépendante dans le cadre d’une constitution libérale, qu’on veuille faire la paix avec un général poursuivi, dans le cadre de la lutte contre le hirak, pour pouvoir resserrer les rangs du pouvoir, on lui présente les honneurs, alors qu’il avait un mandat d’arrêt international émis à son encontre lui ? Comment pouvez-vous expliquer que s’il n’y avait pas une aggravation de la soumission de la justice, que l’on ignore les décisions de la justice de la veille pour libérer telle ou telle personne, qu’on libère certains en guise de manipulation et que le vendredi suivant on arrête, en guise d’intimidations, des militants du hirak ?», s’est interrogé l’ancien doyen de la faculté de droit d’Alger.
Pour Madjid Benchikh, les lois qui sont en cours de préparation, dont celle relative à la déchéance de la nationalité, «sont des signes trop forts d’une quasi-dictature». «Actuellement, le juge est encore plus soumis qu’aux lendemains de l’indépendance du pays. A partir des années 1990, aucun ministre ne peut prétendre dire au pouvoir qu’il ne peut pas faire ce qu’il veut de la justice et des droits des citoyens. Malgré une constitution libérale, la justice demeure plus soumise», a-t-il déploré.