El Menfi face au dossier brûlant de la sécurité
L Adhésion de la population de la Libye entière au nouveau pouvoir, cherchant à s’intéresser à toute la Libye ; des peurs citoyennes légitimes en rapport avec les forces étrangères et les multiples milices l Les Libyens espèrent, sans cacher leurs crainte
Le nouveau Conseil présidentiel, conduit par Younès El Menfi, et le gouvernement de Abdelhamid Dbeyba s’activent partout en Libye et promettent de redresser la situation socioéconomique des citoyens, avantagés par une production pétrolière au top. Les Libyens espèrent la fin de leurs soucis. Mais, ils sont habités par la crainte, née de la présence de 20 000 combattants étrangers sur leur territoire, forces étrangères et milices armées.
Younès El Menfi et Abdelhamid Dbeyba ont choisi de contourner les questions sécuritaires pour avancer sur les impératifs de doter le pays d’un pouvoir élu, d’une part, et, d’autre part, d’améliorer le quotidien des Libyens, qui s’est lamentablement détérioré. Leurs objectifs sont donc de tenir des élections générales le 24 décembre 2021 et de redresser le niveau de vie de la population.
«Pareille feuille de route acquiert l’adhésion des Libyens de tous bords, puisqu’ils veulent vivre et ils en ont assez de la guerre et des tensions politiciennes», assure le politologue Radhouane Fitouri, qui ne cache pas ses craintes quant aux réactions des groupes armés insubordonnés. «Ces milices bénéficiaient d’intérêts en contrepartie de leurs interventions. La restriction de ces intérêts risque de peser lourd sur des jeunes indisciplinés et disposant d’armes. Nul ne peut prévoir ce qu’il adviendra», ajoute le politologue.
La question du sort des groupes armés a été posée au chef du gouvernement, Abdelhamid Dbeyba, qui a reconnu que «la présence des milices et des forces armées étrangères constitue un poignard planté au dos de la Libye, que nous allons essayer d’enlever», avait répondu Dbeyba, sans entrer dans les détails, lors de sa courte réponse aux questions des députés pendant la séance d’octroi de confiance du Parlement qui s’est déroulée à Syrte. Concernant la présence des troupes étrangères, le flou a toujours accompagné les réponses du président Younès El Menfi et du chef du gouvernement, Abdelhamid Dbeyba. Cela a été constaté suite à la rencontre d’El Menfi avec Khalifa Haftar et de Dbeyba avec les présidents Erdogan et Al Sissi. «Il y a sûrement des accords non-dits qui expliquent le silence de tous les militaires en Libye, qui étaient plus présents sur le terrain politique et plus actifs sur le terrain économique et financier», estime le politologue Salah Baccouche, plutôt sceptique quant à l’issue de ces accords tacites.
Le nouveau pouvoir en Libye cherche à obtenir la confiance de la population, perdue par les anciens gouvernants, qui sont accusés d’être derrière la crise sévissant dans le pays. «Il s’agit donc de faire tisser de nouveaux liens, entre le peuple et l’autorité, nécessaires pour la réussite des élections», explique le politologue Abdel Basset Ben Hamil, qui admet néanmoins que «le fait que le nouveau pouvoir, constitué de visages inconnus, soit un facteur de tranquillité, aussi bien pour le peuple, que les belligérants». Toutefois, tout pouvoir a besoin d’une force armée pour défendre son autorité, surtout lorsqu’il y a des groupes armés dominant le terrain. Donc, la question va se poser à un moment ou un autre. «Oui, certainement ! répond Ben Hamil, mais les gouvernants peuvent mieux gérer cette équation sécuritaire, s’ils ont la confiance des masses.» Réponse convaincante, si les groupes armés ou les politiques qui sont derrière eux, trouvent leurs comptes, remarquent les observateurs.
Pour évaluer le moment et le silence des groupes armés face aux derniers rebondissements sur la scène libyenne, les trois politologues, Fitouri, Baccouche et Ben Hamil, sont d’accord sur le fait que les groupes armés et l’ancienne classe politique, tous bords confondus, sont dos au mur et qu’ils ne peuvent s’opposer à l’espoir né de cette réconciliation inespérée. «Politiques et groupes armés ont intérêt à se faire oublier», juge Radhouane Fitouri, en espérant que les nouveaux gouvernants parviennent à réussir, rapidement, des changements perceptibles dans le quotidien du Libyen lamda, à même de faire renaître l’espoir chez lui. Les trois politologues reprennent les propos de Abdelhamid Dbeyba assurant que «la guerre ne reprendra plus en Libye». Mais, tout le monde s’interroge sur la possibilité d’une telle alternative et son coût militaire et politique.