Un parti anti-islamiste défile contre Ennahdha
Le Parti destourien libre (PDL), formation anti-islamiste, a rassemblé ses troupes hier dans la deuxième plus grande ville du pays, Sfax (Est), selon l’AFP, martelant des slogans hostiles à la formation d’inspiration islamiste Ennahdha et au système parlementaire issu des révoltes de 2011. «Tunisie libre, les Frères musulmans dehors», ont clamé quelques milliers de partisans rassemblés dans le centreville au son d’airs traditionnels, à l’occasion du 65e anniversaire de l’indépendance. Le PDL accuse le parti Ennahdha, qui domine le Parlement, d’être une émanation directe du mouvement des Frères musulmans, et considère qu’il devrait à nouveau être interdit en Tunisie, comme c’était le cas avant les révoltes de 2011. Le PDL, qui détient actuellement 15 sièges sur 217 au Parlement, est mené par Abir Moussi, figure qui fut un pilier du parti de Ben Ali sous la dictature, et réclame le retour à un régime présidentiel fort. Après avoir récolté 4% des voix à l’élection présidentielle de 2019, elle a vu sa cote grimper dans les sondages ces derniers mois. «La solution pour sortir de cette crise c’est l’union patriote des forces populaires», a-t-elle déclaré. Et d’ajouter : «Nous réclamons une nouvelle Constitution.» Elle a aussi accusé les partis d’être des «agents de renseignement pour l’étranger», en référence à une polémique sur des salaires de certains assistants parlementaires, payés, selon elle, par des organisations étrangères dont le groupe de réflexion américain NDI, proche des démocrates. «Joe Biden, tu ne dirigeras pas la Tunisie», a-t-elle lancé à ses partisans depuis un podium devant un écran géant.
Par ailleurs, le Journal officiel a publié vendredi la liste des victimes des révoltes de 2011. Cette liste, réclamée de longue date par les victimes et leurs familles, comprend les noms de 129 morts et 634 blessés. «C’est une reconnaissance par l’Etat des sacrifices faits par ces personnes pour que la dictature tombe», a déclaré hier l’avocat et président de l’instance générale des martyrs et blessés de la révolution, Me Abderrazak Kilani. Cette publication ouvre aussi la voie à des recours administratifs pour les quelque 1500 personnes s’estimant exclues à tort de la liste. En 2012, un bilan préliminaire des autorités avait fait état de 338 morts et 2147 blessés. Mais pour le porte-parole de l’association Fidèles, Sofiene
Farhani, qui a lui même perdu son frère, «cette liste n’a pas de sens, car elle n’est pas le fruit d’enquêtes ou de procès permettant de faire la lumière : sa publication vise à calmer les tensions sociales actuelles, elle ne rend pas justice aux victimes».
Elle comprend les noms de personnes blessées ou tuées lors des premières manifestations dans le pays le 17 décembre 2010 jusqu’à la fuite de Ben Ali le 14 janvier 2011. Elle a été diffusée en octobre 2019 par le Haut Comité tunisien aux droits de l’homme. Ces tergiversations à publier cette liste illustrent les déboires de la transition : pendant plusieurs années, le retour au pouvoir de figures proches de l’ancien régime a inhibé le travail de justice et de réconciliation. Des dizaines de procès d’abus commis pendant les dictatures ont débuté depuis 2018 devant des tribunaux spéciaux dans le cadre de la justice transitionnelle, dont plusieurs pour le meurtre de manifestants en 2011. Mais les autorités ont entravé l’accès aux archives ou aux accusés et aucun jugement n’a encore été prononcé.