El Watan (Algeria)

Une belle leçon à méditer

- Kamel Beniaiche

Après deux années d’intenses répétition­s, douze enfants et jeunes Infirmes moteurs cérébraux (IMC) de Sétif réalisent un rêve fou. En bons comédiens, les jeunes IMC impression­nent la foule venue assister à l’avant-première de la pièce théâtrale Droit de rêver. Sans le vouloir, les apprentis comédiens font sortir la culture à Sétif, de son spleen. Affichant complet, la maison de la culture de la capitale des Hauts-Plateaux a, le moins que l’on puisse dire, vibré et vécu des émotions intenses dimanche 14 mars 2021. Témoin d’une expérience unique dans l’histoire du théâtre algérien, le public est resté pantois. La réussite du baptême de feu de jeunes comédiens pas comme les autres, lui a donné non seulement à réfléchir mais à reconsidér­er son regard vis-à-vis de cette frange de la société. D’autant plus que la moralité de l’extraordin­aire pièce théâtrale démasque de fort belle manière le «handicap des esprits boiteux». A travers l’histoire de l’orpheline Sérine, une IMC vivant avec Mansour, un père tyrannique, le scénariste et metteur en scène de la belle oeuvre, Toufik Mezaache, fait découvrir à un public intéressé, le génie des IMC, de véritables artistes en herbe. Aidée et soutenue par sa nounou et son amie Sensouna, la jeune Serine ne baisse pas les bras. Cloué au pilori, le richissime Mansour, qui avait certaineme­nt peur pour sa «fausse notabilité», ne pouvait finalement rien faire devant la ténacité et l’opiniâtret­é d’une bande d’artistes. Alertés par Sensouna, un groupe de jeunes créateurs - des IMC de surcroît, fait fi de la méchanceté du père, décide de célébrer l’anniversai­re de Serine, aux anges. Le coup de force des nouveaux amis de sa fille secoue fortement Mansour. Ce dernier s’est rendu à l’évidence qu’il était réellement handicapé d’esprit. Encadrés par quatre comédiens, les douze IMC ont, quarante-cinq minutes durant, tenu en haleine une foule à la fois ravie et émue. Comportant des volets de danse, de magie et de chant (play back), le spectacle a permis au public de découvrir le talent fou de jeunes IMC. Il leur a aussi ouvert les yeux sur l’incommensu­rable potentiel de cette catégorie d’handicapés lourds. «Réalisée au niveau de l’atelier des arts dramatique­s de la maison de la culture, la pièce théâtrale qui n’a pas été facile à monter, démontre qu’en dépit d’un lourd handicap, l’IMC est un être comme tout. En prenant possession des planches, les IMC font étalage d’innombrabl­es capacités artistique­s enfouies. Ils nous donnent une leçon de courage et d’amour. A l’issue de cet inoubliabl­e spectacle, les IMC obligent la société à revoir sa copie», révèle à El Watan, le comédien Toufik Mezaache brisant un autre code. Il convient de souligner que la pièce Droit de rêver est inscrite à l’agenda du premier Festival national de la création artistique chez les handicapés. Placée sous l’égide du ministre de la Culture et des Arts, la manifestat­ion aura lieu à Sétif, fin mai début juin de l’année en cours. Notons à toutes fins utiles que le passage des IMC a brisé une glace, secoué le cocotier et sorti la culture de sa torpeur. Endosser à la pandémie, la mise en veilleuse des activités culturelle­s à Sétif regorgeant pourtant de grandes potentiali­tés, bloquées par des bureaucrat­es n’ayant aucun lien avec l’acte culturel, serait un non-sens…

 ?? Droit de rêver ?? Le jeunes comédiens de l’IMC ont impression­né le public venu assister à l’avant-première de la pièce théâtrale
Droit de rêver Le jeunes comédiens de l’IMC ont impression­né le public venu assister à l’avant-première de la pièce théâtrale

Newspapers in French

Newspapers from Algeria