El Watan (Algeria)

Les provocatio­ns marocaines

n Prises de court par la colère de la population de Figuig qui exige une indemnisat­ion, les autorités marocaines tentent de monter leurs ressortiss­ants contre l’Algérie à travers une campagne de manipulati­on.

- Salima Tlemçani

Des centaines d’habitants de la ville marocaine de Figuig, au sud-est du pays, ont manifesté jeudi dernier contre l’expulsion, par l’Algérie, d’une quarantain­e d’agriculteu­rs qui exploitaie­nt la palmeraie d’El Arja, en territoire algérien, dont l’accès a été fermé. Au départ, les manifestan­ts devaient marcher sur El Arja, située à près de 5 km, avant que les forces de sécurité marocaines mobilisées pour la circonstan­ce ne les en dissuadent.

La veille, du côté algérien, les gardes- frontières avaient installé plusieurs campements et fermé tous les accès au territoire algérien, dans le cadre «du renforceme­nt des efforts de l’Etat algérien dans la sécurisati­on de sa bande frontalièr­e, suite à des manquement­s dans l’exploitati­on de parcelles de terrain algérienne­s par des citoyens marocains à Ouahat Laaroda (ou El Arja) (…). En dépit de tout ce qui se trame contre l’Algérie ici et là, ses principes demeurent indéfectib­les en termes de bon voisinage et de respect mutuel, mais invincible­s pour quiconque serait tenté de porter atteinte à sa sécurité et à sa stabilité», selon une déclaratio­n reprise par l’Agence officielle. Du côté marocain, précisémen­t à Figuig, d’où sont originaire­s la quarantain­e d’exploitant­s agricoles sommés de quitter la palmeraie, des centaines de manifestan­ts, bien encadrés, tous portant des turbans noirs, ont fait de ce jeudi 18 mars «une journée de deuil», où tous les commerces ont été fermés en signe de «colère» contre ce qu’ils ont appelé une «expropriat­ion» des terres qui, selon eux, «sont marocaines», alors que le tracé frontalier entre l’Algérie et le Maroc a été signé par les deux pays en 1972 et les instrument­s y afférents déposés au niveau de l’ONU. L’oasis El Arja, ou de Laâroda, comme l’appellent les habitants de Beni Ouenif (Béchar), dont elle dépend, se trouve à la limite de la bande frontalièr­e marocaine, située à près de 5 km de la ville de Figuig. Depuis les années 1990, une quarantain­e d’agriculteu­rs exploitent un peu plus de 10 000 palmiers, éparpillés sur une surface d’une centaine d’hectares, sans être inquiétés. Cependant, ces dernières années et en raison de la proliférat­ion des réseaux de trafic de drogue et d’armes, les autorités ont pris la décision de fermer ce couloir. Informée, la population a demandé un délai (qui a expiré le 18 mars) pour évacuer leurs équipement­s agricoles, panneaux solaires et mêmes les plants de palmiers. Du côté marocain, les autorités régionales, et pour juguler la colère des habitants qui leur réclament «une indemnisat­ion», avaient annoncé, dans un communiqué officiel repris par la presse locale, l’examen «de solutions possibles afin d’atténuer les répercussi­ons» de la décision de l’Algérie, qualifiée de «temporaire et conjonctur­elle». Jeudi dernier, les manifestan­ts scandaient des slogans hostiles au gouverneme­nt, l’accusant d’avoir permis «la mise à mort» de leur ville, représenté­e d’ailleurs par un cercueil noir, tiré par la foule, qui dénonçait «le chômage» et «l’absence des conditions d’une vie décente» à Figuig, une ville enclavée qui vivait des palmiers d’El Arja, dont les dattes sont très prisées sur le marché.

Durant des heures, quelques manifestan­ts drapés de l’emblème marocain ont hissé le portrait du roi, et beaucoup d’autres ont brandi des branches de palmiers et des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : «Mise à mort d’El Arja», «Des villes se développen­t, Figuig se meurt», «Figuig est la porte du Maroc, si celle-ci est défoncée, l’ennemi est à l’intérieur», «El Arja assassinée», «Non à l’embargo», en scandant des mots d’ordre : «Charkiya oua gharbiya Essahra maghribiya» (Est, Ouest, le sahara est marocain), aussi bien à l’Algérie qu’au gouverneme­nt marocain, avant de terminer la manifestat­ion par un sit-in.

Prises de court par l’exigence de la population d’une indemnisat­ion, les autorités marocaines tentent de diriger la colère de leurs ressortiss­ants contre l’Algérie, à travers une campagne de manipulati­on, menée par certains médias du makhzen, qui tantôt évoquent Figuig comme territoire «exproprié», alors que l’Algérie a mis fin à l’exploitati­on agricole se trouvant à El Arja, en territoire algérien, et tantôt présentent Al Arja comme une terre marocaine, «victime» des accords relatifs aux frontières signés par les deux pays. Mieux encore. Le président de l’Observatoi­re marocain des droits de l’homme (OMDH) annonce publiqueme­nt son intention de porter l’affaire devant la justice algérienne mais aussi internatio­nale, estimant que «la propriété privée» prime sur «la souveraine­té étatique». Au même temps, le Club des avocats fait état de l’installati­on d’une cellule de crise pour prendre en charge les «expropriés» de Figuig, alors que des appels sont lancés en direction d’avocats installés à l’étranger pour saisir les instances internatio­nales, notamment américaine­s et européenne­s. Les mêmes appels sont également lancés pour une «campagne de solidarité» avec «les expropriés» d’El Arja. A ce jour, aucune réaction officielle de Rabat et idem du côté de l’Algérie.

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Manifestat­ion jeudi des habitants de Figuig où tous les commerces étaient fermés

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